Bolivie: Un entretien avec Mario Duran, blogueur à El Alto

Les déplacements aériens en Bolivie exigent beaucoup de patience. Entre les retards et les annulations de vols, j’ai passé beaucoup de temps à l’aéroport international de El Alto. Heureusement, l’un des blogueurs locaux, Mario Duran, a bien voulu à deux reprises me rejoindre pour partager une tasse de maté à l’aéroport. Durant ces conversations, nous avons parlé de son intérêt pour les blogs, des manières de promouvoir les blogs dans les lieux sous-représentés sur la toile, et de son opinion sur la situation politique en Bolivie.

Actuellement, Mario blogue sur Palabras Libres [ES], mais il contribue également à un site communautaire appelé La Constituyente [ES], qui permet aux Boliviens de participer à des débats en ligne sur l’assemblée constituante actuellement en formation. Duran participe également à Jacha Marka [ES], qui met en ligne des informations sur la ville de El Alto, et à Diarix [ES], un site sur la littérature.

GV:  Peux-tu nous donner quelques informations sur toi?

MD: Je suis né à Corocoro, dans la province de  Pacajas,  une région minière en passe d’être relancée par [le Président]Evo Morales. Je suis arrivé à  El Alto durant le processus de relocalisation, à la fin des années 80. J’ai un diplôme d’ingénieur chimiste en milieu industriel de l’institut industriel Pedro Domingo Murillo. J’ai également été un dirigeant de mouvement étudiant, et je suis devenu le secrétaire exécutif de la confédération de l’université bolivienne. En 2004, j’ai été invité à me présenter comme candidat à l’assemblée municipale de La Paz, mais j’ai été disqualifié car je n’avais pas mes papiers militaires. Actuellement, je fais partie de l’un des 560 comités de quartiers à El Alto, et je suis un fanatique du web 2.0.


GV:  Quand as-tu commencé à utiliser les blogs et autres outils de communication en ligne ?

MD: En Bolivie, des groupes privés controlent tous les secteurs, et les medias ne font pas exception.  Il était inutile d’envoyer des articles aux journaux, donc, j’ai commencé à les envoyer à des sites Internet étrangers. Les journaux ont  reproduits  mes articles publiés sur le site www.rebelion.org. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils pensaient que j’étais un « top analyste ». C’est pour cette raison qu’ils publiaient mes articles, alors que je suis un simple citoyen. En voyant cela, j’ai réfléchi à la création d’une page personnelle sur Internet. En surfant, j’ai découvert le phénomène des blogs, et voilà.

GV: Depuis que tes articles ont été publiés en ligne ou dans les journaux, ta vie et tes opinions sur la Bolivie ont-elles changé?

MD: Quand on publie pour la première fois, on assume une grande responsabilité dans cette conversation globale. Il faut mesurer ce que l’on écrit ou les opinions que l’on publie. Je vois que mon pays a des problèmes sans fin et des politiciens avides de s’enrichir.

GV: Comment crois-tu que les blogs, la participation des citoyens à travers Internet,peut changer tout ça?

MD: Parce qu’ils permettent à chaque citoyen, quelle que soit sa classe sociale, sa race , etc., d’exprimer librement ses opinions. Pour cette raison, il est important que le gouvernement prenne l’engagement de favoriser l’accès aux nouvelles technologies de l’information.

GV: As-tu parlé de l’utilisation de la technologie Internet dans ton comité de quartier?

MD: Oui, mais le problème est l’accès à la connexion. Là ou je vis, nous avons la chance d’être relié au réseau des téléphones mobiles. La connexion par le téléphone est très chère. Ils devraient réduire les coûts.

GV: Tu m’as déjà parlé par le passé de ton projet d’initier les gens à cette technogie et d’augmenter le nombre de Boliviens qui connaissent les blogs.

MD: J’ai présenté des propositions à des municipalités en milieu rural, pour former les jeunes à l’utilisation d’Internet, à la creation de blogs, mais parfois, ils ont l’impression que je leur parle d’une autre planète. Donc, je vais commencer à faire ces formations sur  mes propres fonds.

GV: Les municipalités voient-elles cela comme quelque chose d’utile ou une perte de temps? Est-ce qu’une municipalité t’a accueilli à bras ouverts?

MD: Pour eux, la priorité est d’abord d’apprendre à utiliser un ordinateur. Le gouvernement installe des salles d’ordinateurs, il fait poser les fermiers locaux pour la photo et ne s’inquiète pas de la formation…

GV:  Comment envisages-tu le futur des blogs en Bolivie, au cours des cinq prochaines années?

MD: Je lis beaucoup de blogs boliviens et j’ai remarqué que de plus en plus de gens les utilisaient comme une forme d’expression personnelle, même s’ils n’alimentent pas le blog de façon régulière. ils publient quelque chose une fois par mois et ensuite…qui le sait? Tous les jeunes en Bolivie utilisent les messageries instantanées comme MSN et IRC, mais ils n’ont pas encore découvert les blogs comme outils sociaux. Mais cela peut évoluer à l’avenir. 


GV: Tu as aussi fait des podcasts. Comment as-tu appris et à quelles fins en fais-tu ?

MD: Les médias traditionnels ne donnent pas d’espace d’expression, alors, il faut être créatif. Si vous n’avez pas accès à une radio, faites votre propre radio. Si vous n’avez pas accès à une télévision, faite votre propre émission de télé. C’est ce que j’ai fait. En surfant, j’ai trouvé le programme Audacity a télécharger, et j’ai appris à effectuer le téléchargement par FTP . Maintenant, j’héberge mes podcasts sur archive.org. En Bolivie, il y a des limitations sur la bande passante, et cela limite la créativité

. GV:  Qu’est-ce que tu penses de la réputation de El Alto?

MD: Tu fais allusion au fait que l’on surnomme El Alto “la ville combattante”, révolutionnaire, qui dresse des barrages routiers, etc.Ce sont des idées fausses. El Alto est la deuxième ville la plus industrialisée en Bolivie.

GV: Il ne semble pas y avoir beaucoup de blogueurs à El Alto. Est-ce que tu te vois comme un ambassadeur de ta ville pour les Boliviens et le reste du monde ?

MD: Non, je ne me considère pas comme un ambassadeur, mais à travers Google, beaucoup d’internautes pensent que je suis l’un des rares Atlenos [habitants de El Alto] à avoir des opinions.

Eduardo Avila

1 commentaire

  • Hélène da Costa/RFI

    Bonjour, je suis journaliste à Paris en charge de la rubrique des Français de l’étranger, et je souhaiterais interviewer aujour’hui un Français de Bolivie. Son parcours personnel et sa perception du pays: vie quotidienne, dans contexte troublé. j’ignore si vous êtes vous même française et si je peux vous interviewer. lachronique quotidienne, diffusée six fois par jour sur Radio france Internationale dure 2’30”. Et l’interview dure environ dix minutes.

    Pour avoir une idée de l’exercice allez sur: http://www.rfi.fr, dans “éditos et chroniques”Merci pour votre aide. Bien cordialement. Hélène da Costa(

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