Madagascar : Le poète Rado est mort

La blogosphère malgache est unanime pour saluer la mémoire du célèbre poète malgache Rado, récemment décédé.
Jentilisa  [en malgache] a publié sa biographie détaillée :

“Zanaka mpitandrina ny tenany, teraka tamin'ny 1 oktobra 1923 (tapabolana sisa manko) ary Ankadivato ilay fonenana nahalehibe azy. Notezaina tanatin'ny fitiavana an'Andriamanitra sy ny tanindrazana tahaka ireo hafa novolavolaina tanaty lasitra protestanta nandritra ny fanjanahantany”

“Il est né Georges Andriamanantena le 1er octobre 1923, fils d'un pasteur protestant de Ankadivato (une ville proche d'Antananarivo). Il a été élevé dans le respect de Dieu et du pays, dans la tradition protestante qui avait cours durant la colonisation [par la France]”.

Par son père, il descend d'une longue lignée de pasteurs protestants (5ème génération) et, ainsi que le souligne tebokaefatra [en malgache] du côté de sa mère, il descend du village d'Amboanana, qui était :

“…ilay vohitra kely ao atsimon'Arivonimamo, izay nisehoan'ireo Menalamba sahy nanohitra voalohany indrindra ny Fanjanahantany teto Madagasikara. Araka izany koa dia mba nandova ny ran'ireo tia tanindrazana tsy nanaiky hozogain'ny vahiny.”

“…ce petit village au sud d’ Arivonimamo, d'où sont originaires les Menalamba, les premiers et plus farouches opposants à la colonisation de Madagascar.  Rado a hérité le patriotisme de ses pères, qui refusaient le joug des étrangers”.

Comme beaucoup de jeunes protestants à l'époque, il a appartenu au mouvement scout, et son père a renforcé ces valeurs en prolongeant cette éducation “au coin du feu” à la maison.  C'est là que l'amour de la langue malgache et des arts a éclos en lui ainsi que chez ses frères et soeurs.  Il a fréquenté différentes écoles protestantes de la capitale puis est allé à Strasbourg étudier le journalisme. Il était très attaché à son indépendance. Alors qu'il détenait un poste bien rémunéré dans la compagnie d'assurances alors importante, Preservatrice ASsurances, à Antananarivo, il a donné sa démission et a préféré fonder son propre journal, Hehy, avec son frère Célestin. Il a plus tard travaillé pour le Ministère de la Culture.

Très doué, il s'est essayé à la peinture, à la scupture et à la gravure. Il a aussi composé des hymnes religieux, qui reflétait bien son éducation religieuse. Mais il est avant tout connu pour ses poèmes. Il n'a jamais cessé d'écrire des poèmes, jusqu'à ce qu'il soit trop invalide pour le faire.

Il a publié dix recueils de poèsie, dont Dinitra (1973), Ando (1977), Zo (1989), Sedra (1993), Ny teny Malagasy (1994), tsy maintsy mipoaka ny sarom-bilany (2002, ny Voninkazo adaladala (2003) and ny fiteny roa (2008). Beaucoup de ses poèmes ont été adaptés en chansons par les plus grands artistes malgaches. Dinitra faisait de plus partie du programme des lycées malgaches et était l'un des livres imposés aux élèves. 

Il aimait beaucoup pêcher et jouer avec ses petits-enfants. Il était fier de ses distinctions honorifiques malgaches, qu'il avait presque toutes reçues.

Avant toute chose, Rado était un ferveur défenseur de la langue malgache et défendait le “Fanagasiana“, c'est à dire l'enseignement en malgache (au lieu du français). Le Fanagasiana  a échoué, principalement par la faute de jeux politiques dans lesquels les politiciens ont entrainé les étudiants. Rabelazao [en malgache] a mis en ligne l'intégralité d'une conférence donnée par Rado à l'Académie Malgache des Sciences, à Antananarivo. Rado y explique pourquoi la langue malgache (et non le malgache mêlé à des mots étrangers) est le meilleur support pour communiquer et gagner le coeur et le soutien des Malgaches.

“…ny fo no tanamilina ao anatin'ny olona, ka manentana ary manome azy toetra entiny miatrika toe-javatra iray. Ny enti-manentana ny fo kosa anefa, dia ny Teny ihany.
Koa raha te hanentana ny fon'ny vahoaka amin'ny Fampandrosoana isika dia ny Teny Malagasy ihany no afaka manao izany. Dia teny malagasy madio, tsy safiotra na vandambadana. Teny malagasy feno ohatrohatra amana ohabolana sy hainteny, fa ireny no mamoha varavarana ny fo.

“Nous sommes conduits par notre coeur, qui nous motive et nous dicte son point de vue. Ce qui touche le coeur, c'est le Mot. Si vous voulez motiver le coeur des gens pour le développement, vous devriez utiliser des mots malgaches. Seulement des mots malgaches, pas de mélanges. La langue malgache, avec ses proverbes et le hainteny (Note de la traductrice : une forme malgache de narration, faisant appel aux allusions et aux métaphores), car ce sont les clés qui ouvrent le coeur des Malgaches”.

Rabelazao raconte l'exemple drôle que Rado avait cité pour illustrer ce point de vue :   

“Tsaroako tsara, fony vao azo ny Fahaleovantena, ka nentanina tamin'ilay fambolem-bary “en ligne” ny Tantsaha sy mpamboly vary. Nahatsikaiky sy nampalahelo anefa, fa noheverin'ny any ambanivohitra ho anaran'olona ity “ligne” ity, ka maro no nilaza hoe : “Aiza ho aiza, tompoko, no misy ity Raline ity, mba hakanay toro-hevitra amin'izay nataony ?” Teo vao nikoropaka ny manampahaizana nitady teny malagasy, ka voatery nitety tanàna sy vohitra, nilaza fa “voly tora-tady” no dikan'io fa tsy izany “Raline” izany. Ho efa nahomby hatrany am-piantombohany anefa ny tetika, raha nogasiana hoe : “Manaova voly tora-tady !””

“Je me souviens qu'immédiatement après l'indépendance, on essayait d'inciter les paysans à cultiver leur riz “en ligne”.  Ils croyaient que “en ligne” était le nom d'une personne et demandaient : ” Où est ce Monsieur Raline  pour que nous puissions lui demander conseil ?”. C'est à partir de là que les lettrés ont commencé à chercher des mots malgaches et ont dû beaucoup chercher en se déplaçant, pour leur expliquer que “en ligne” se disait  “voly tora-tady” en malgache, et n'avait rien à voir avec un certain “Raline”. Leur campagne aurait marché depuis le début s'ils avaient simplement utilisé le mot malgache :”Manaova voly tora-tady!”.

Pour finir, Imaintikely  [en malgache]a publié un de ses poèmes, traduit en français par Serge Rodin, un écrivain malgache connu.
Ho any ianao,kanefa….
Aza ataonao fantany izao fahoriako izao
Fa aoka hiafina aminy
Ny ketoky ny jaly
Nanempaka ny aiko,tanatin'ny longoa
Izay namandrihany ahy…
Ny dinitry ny foko manorika ahy mangina,
Fa sempo-tsasak'alina
Misaina ity anjarako,
Aza ataonao fantany!

…Raha manontany izy,
Iangaviako ianao handainga indray mandeha !
Lazao fa nanadino ny momba azy rehetra
Ny saiko manontolo.
“Rako-boninkazo hoe ireo lavenon-dasa
natoraky ny Adaoro”
Ireto diary ireto lazao fa efa may
Sy tapitra efa kila…
….Fa ny volofotsiko,
Ny ketrokentron'handriko
Afeno dia afeno !
Azonao izany ?

Etsy kely koa
Hafarako ianao !Jereo raha sambatra izy !
Mba hamantaranao dia ireto no fambara :
“Ao an’ efitranony :misy voninkazo
Tsy maintsy mavokely…
Eo an-doha-fandrianany :
Ny sarin'olotiany…na iza n'iza izay “
Raha izay no hitanao dia efa sambatra izy
Ka aza asiana resaka momba ahy akory,
F'izany rahateo no niriko ho azy…

Izay no hafatrafatro
Ka tazony tsara …Ary dia veloma !
Saingy etsy ange !
‘Ty tànanao ity, aza akasi-javatra
Mandra-pifandray ny tànanao sy ny azy…

Eny e ! Ampy izay.Tongava soa aman-tsara !
Dia akatony mora
Io varavarako io
Fa hitomany aho…

Rado, janoary 1966

NE LUI DITES RIEN

Vous allez la voir, mais…Qu’elle ne sache rien de ma peine
Elle ne doit rien savoir
Des cruelles morsures qui ont déchiré mon âme…
Dans les rêts qu’elle m’avait tendus,
Et de mon cœur en suée qui m’étouffe à minuit
Quand je songe à mon sort !

Si elle s’inquiert de moi,
Pour une fois mentez !
Dites-lui que mes pensées l’ont complètement oubliée
Et que les fleurs ont recouvert les cendres du passé
Brûlé pae les feux de la passion
Comme ces journaux intimes que vous voyez là.
Taisez ma vieillesse blanche et ridée.
M’avez-vous compris ?

J’ai encore quelque chose à vous demander :
Voyez si elle est heureuse.
Voici les signes qui vous aideront :
Il y a des fleurs, roses, sûrement,
Dans sa chambre et la photo de
Son amant à son chevet.
Si vous en voyez, c’est qu’elle est heureuse,
Alors, ne lui dites rien de moi
Il lui est arrivé ce que je souhaitais pour elle.
N’oubliez rien de tout cela,
Et adieu !

Oh ! une dernière recommandation
Ne touchez nulle chose de votre main-ci
Avant de serrer la sienne.

Oui…cela suffit. Bonne route
Et refermez doucement cette porte sur mes larmes…

Rado, janvier 1966
traduction Serge Henri RODIN

Mandria am-piadanana, Rado.
Repose en paix.

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