Fidji : Une nouvelle loi crée des milliers de retraités

Aux iles Fidji,  tous les fonctionnaires âgés de 55 ans et plus sont contraints de prendre leur retraite le jeudi 30 avril [billet publié le 28 avril], sur ordre d’un décret gouvernemental récent. Les nouvelles règles concernent toute personne travaillant au sein de l'administration de Fidji, de la police et des prisons. Auparavant, ces personnes prenaient leur retraite à 60 ans.

Ce décret ne concerne pas le fonctionnaire à la tête de la police ou des établissements pénitenciaires ou encore le chef des armées.

Le chiffre concernant le nombre de personnes qui prendront une retraite imposée le dernier jour d’avril continue à alimenter les débats. Le secrétaire permanent de la Commission des services publics de Fidji a indiqué aux médias [en anglais, sauf mention contraire] qu’il y aura plus de 1 600 fonctionnaires concernés, dont 15 médecins, 97 infirmières et plus de 800 enseignants. Un blogueur estime qu’il y en aura probablement au moins 2 200 qui perdront leur travail.

Afin de ne pas interrompre les services indispensables, le gouvernement autorise ceux qui ont des « qualifications rares » à re-postuler sur des contrats de 12 mois. Médecins, infirmières, enseignants, ingénieurs et certains techniciens figurent dans la liste des « qualifications rares ».

Un commentaire sur le blog Coup Four And A Half , le blog qui donne le chiffre de 2 200, rapporte que l’arrivée de nouveaux retraités peut causer des problèmes de liquidités au fonds de retraites du pays, le Fiji National Provident Fund.

Avec la détérioration de l'économie et l’inflation due à la dévaluation, il est à prévoir que la plupart de ces nouveaux retraités préféreront retirer tout leur argent d’un coup au lieu de se le faire verser mensuellement.

Le gouvernement de transition a bien précisé que tous ceeux qui prennent leur retraite à 55 ans devront vivre le restant de leurs jours et subvenir aux besoins de leur famille uniquement sur les fonds de leur plan de retraite.

Plusieurs sources sont curieuses de savoir si les fonds de pensions permettront à leurs membres de retirer leur argent d’un coup.

Raw Fiji News prédit également que la plupart des retraités prendront leur argent immédiatement. Le directeur du fonds affirme que tous les retraités seront payés conformément aux options qu'ils ont prises pour leur pension.

Cette nouvelle réglementation des retraites arrive alors que l’économie est soumise à rude épreuve. Fidji fait face à la crise économique qui affecte son secteur touristique et son agriculture : la récente dévaluation de 20 % de sa monnaie a avivé les craintes d’inflation. Pour couronner le tout, l'agence de notation Moody's a enlevé deux points au classement du crédit fidjien pour cause « d’instabilité politique. »

Le blogueur Intillentsiya soutient que les contribuables fidjiens finiront par payer la facture des ces départs massifs à la retraite.

Éliminer tous ceux qui ont plus de 55 ans (sauf les privilégiés exceptionnels que sont Bainimarama & Teleni) des services publics est tout simplement irrationnel. Surtout que nous savons qu’il n’y a aucun moyen interne permettant de garder leur mémoire institutionnelle sur l'état des dossiers lors de leur départ. Il est tout simplement impossible de faire ce travail en quelques jours (il paraît que certains ont même quitté leur poste immédiatement) alors que normalement la mémoire institutionnelle fait partie des procédures et des structures. Le fait qu’il y aura une charge de travail supplémentaire énorme pour les fonctionnaires restants garantit des mauvais services aux contribuables. Une fois encore, ces derniers subiront les retombées de ce décret brouillon et illégal…Les retombées économiques de cette politique brouillonne et de ce décret illégal seront sévères. Admettons que ces quelques 1 000 et quelque retraités avaient un salaire prudemment estimé à 30.000 dollars fidjiens, ce qui fera des économies d’environ $30millions. Ce qui est épatant pour permettre à Bainimarama de poursuivre la construction de son empire illégal.
Cela veut également dire qu’il y aura $30millions de liquidité EN MOINS dans l’économie (biens, services) et qu’il reviendra a ce régime illégal de subventionner les services que l’on attend d’un gouvernement.
Cela veut également dire qu’il y aura moins d’impôts perçus et donc moins de rentrées pour les gardiens de nos caisses nationales au FIRCA l’année prochaine.
Les gardiens des retraites au FNPF peuvent s'attendre à des tendances similaires.

Plusieurs blogueurs se posent toutefois des questions car le commandant en chef des forces militaires royales, Frank Bainimarama, qui a eu 55 ans le 27 avril, n’est pas touché par cette mesure. Tim Selwyn dans un billet sur le blog Tumeke basé en Nouvelle Zélande dit que ces retraites obligatoires vont permettre au gouvernement de se débarrasser des fonctionnaires récalcitrants.

Ce n’est pas une coïncidence si Bainimarama qui a eu 55 ans le 27 avril peut obliger tout fonctionnaire ayant eu 55 ans tout juste trois jours plus tard à prendre sa retraite. C’est peut-être de la pure hypocrisie mais c’est également un acte classique du mâle dominant pour éliminer des rivaux masculins de rang élevé – l’abc du petit dur dans l’armée.
Ce décret sur les retraites est le moyen que les militaires vont utiliser pour se débarrasser de tous les fonctionnaires qui résistent de quelque manière que ce soit au « nouvel ordre étatique ». Par exemple les personnes qui dès 2006 ont refusé d’obéir à l'amiral et qui ont continué à diriger leur service en faisant fi de ce qu’elles considèrent comme un gouvernement illégal. Il a été obligé d'envoyer des soldats dans certains services parce que les responsables refusaient de reconnaître la légitimité de son régime et que la Cour Suprême a maintenu que le régime de Bainimarama était et reste illégal. Ce sont des personnes honnêtes qui veulent maintenir un service public neutre et de qualité. Ces personnes seront obligées de partir et l'amiral pourra placer des personnes qui soutiennent son régime sans égard pour leurs mérites et leur compétence et ne se préoccupant aucunement de légalité.

Il y a quelques semaines, le gouvernement de transition de l'amiral Frank Bainimarama a attaqué en justice et gagné contre deux syndicats de la fonction publique qui ne voulaient pas voir passer l’âge de la retraite de 60 à 55 ans. La Cour Suprême a autorisé les deux syndicats à faire appel, sursoyant ainsi à la nouvelle loi.

Ce sursis a été invalidé lorsque le président du pays, en réaction à une instance judiciaire remettant en question la légalité du gouvernement Bainimarama a abrogé la constitution, renvoyé tout le personnel judiciaire et s’est proclamé chef de l’Etat. Il a ensuite reconduit le gouvernement Bainimarama pour un mandat de cinq ans.

Durant l’affaire sur les retraites, le gouvernement Bainimarama a soutenu que la retraite à 55 ans, tout en permettant de libérer la trésorerie dont le gouvernement a besoin, autoriserait les fonctionnaires plus âgés à rejoindre le secteur privé en créant des nouvelles entreprises et surtout permettrait à la jeunesse fidjienne en plein essor d'entrer dans le monde du travail. Une analyse a démontré que le secteur privé à Fidji n’a pu absorber annuellement que la moitié des nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi.

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