Israël : Le soutien d'Israéliens de base peut-il nuire au soulèvement iranien ?

Ces deux dernières semaines, les Israéliens ont suivi avec passion les tweets émanant d'Iran, mais ils se sont divisés sur la question de la participation à la «révolution Twitter». La blogueuse Esther Yerushalmi, qui, enfant, a été exilée d'Iran pendant la révolution islamique, écrit [hébreu] :

Pendant que je suis les informations venant d'Iran, une vague de souvenirs me ramène à 1979 ; mon petit frère et moi, étions blottis dans nos lits à écouter les coups de feu et les cris effrayants dans les rues : «mort au shah, mort à l'Amérique, mort à Israël». Du jour au lendemain, nous sommes devenus indésirables et avons dû fuir l'Iran. A l'époque, ce qui m'occupait, c'était les noeuds dans mes cheveux et le fait d'être amoureuse du fils des voisins, c'est ainsi que la perte de mon innocence d'enfant et du confort de mon petit monde m'ont frappée si abruptement que je n'en ai même pas ressenti le chagrin.

Les Iraniens sont maintenant en train de clore ce cycle à mes yeux : les jeunes, dont les parents m'ont chassée de chez moi, s'identifient à présent à mon chagrin. Quand je parle maintenant aux gens de là-bas, ils sont si chaleureux et compatissants, ils ont tellement honte d'Ahmadinejad, s'excusant de ses remarques de fou, se rappelant l'époque où nos pays vivaient en paix, et eux aussi veulent être maintenant un pays libre, uni au monde. Ils me tendent la main et me parlent comme à une soeur, et rêvent du jour où je pourrai venir chez eux, et leurs paroles me fmettent en larmes.

Qu'est-il arrivé à ces jeunes gens, qui leur a ouvert le coeur et les yeux ? Ils étaient opprimés. Si on est opprimé depuis longtemps, soit on s'éteint, soit on devient plus fort. Et ils ont choisi de devenir forts, parce que l'aspiration à la liberté est dans les gènes iraniens, et que l'unité est dans les gènes de l'Islam, pas l'Islam des ayatollahs, mais le véritable Islam des origines. Et lorsque ces deux aspirations ne se réalisent pas, ils [les Iraniens] sont prêts à mourir pour elles.

Quelles que soient les autres motifs, il y a tant d'internautes pour soutenir la lutte pour ces aspirations, mais parmi eux il n'y a que quelques centaines d'Israéliens. Nous serait-il possible de laisser de côté la méfiance, et de soutenir ces gens comme des êtres humains, qui veulent et méritent exactement la même chose que nous ? Ils ont grand besoin de notre soutien. Oui, du nôtre aussi. Ils veulent nous rejoindre et veulent que nous les rejoignions. Saurons-nous être généreux maintenant ?

Elad Rosen, un étudiant israélien en Beaux-Arts, a fait suivre un courriel énumérant les moyens d'aider les Iraniens sur la toile, son courriel est ensuite apparu sur de nombreux blogs et a été cité dans la presse israélienne. Il écrit [anglais] :

En ce moment historique pivot, la notion de village global devient des plus pertinentes. Pour la première fois, nous pouvons faire plus que simplement assister au déroulement des événements, nous pouvons aider activement et presque sans effort les gens à lutter pour leur liberté et la démocratie sous un gouvernement cruel et répressif.

Parmi ses propositions :
• Installer pour les Iraniens des adresses internet sécurisées sur des proxys internationaux

• Poster des torrents de vidéos iraniennes et redistribuer les vidéos et les images pour aider à décentraliser le flux d'informations et compliquer la vie à la censure iranienne

• Délocaliser nos comptes twitter à Téhéran pour embrouiller les fonctionnaires iraniens qui s'efforcent de localiser et de fermer les comptes twitter

De fait, de nombreux Israéliens ont délocalisé à Téhéran leurs comptes Twitter, et certains d'entre eux ne les ont pas encore rétablis [dans leur localisation première]. Ce phénomène a eu pour conséquence une théorie du complot [anglais], affirmant que les tweets révolutionnaires venaient TOUS de Tel-Aviv, dans le but de nier l'ampleur du soulèvement iranien ou d'en rendre responsable Israël.

Alors que des manifestations pour la liberté étaient organisées dans le monde entier, un groupe local d'activistes du web et de Juifs iraniens a tenté une manifestation similaire place Rabin à Tel-Aviv le 27 juin 2009. Plus de 600 personnes se sont enregistrées comme «participants» ou «susceptibles de participer» sur la page Facebook de l'événement, cependant moins de 20 personnes sont venues. Les organisateurs ont été déçus par le petit nombre de présents.

Certaines conversations en hébreu sur Twitter et Facebook éclairent peut-être les hésitations des Israéliens à s'engager. Cette brève conversation sur Twitter a eu lieu le 18 juin entre Ilana Tamir, la webmestre d'Israblog, la plus importante plate-forme israélienne d'hébergement de blogs, et  Gal Mor, un célèbre blogueur sur les technologies, et jusqu'à peu directeur des contenus du site web Ynet [traduit de l'hébreu] :

@ilanatam: Je ne suis pas sûre que la participation israélienne à la campagne en ligne soit la chose à faire. La révolution ne devrait pas avoir l'air d'une intervention israélienne.

@galm: Je pense qu'il y a une différence entre une action initiée par Israël en tant que pays et une action d'Israéliens, de citoyens à citoyens, sans nous identifier comme Israéliens.

 @ilanatam: D'accord il y a une différence mais existe-t-elle pour le Téhéranais moyen qui voit que les Israéliens s'ingèrent dans ses affaires intérieures ? Leur problème, voyez-vous, c'est l'indépendance perse.

Shachar Laudon a fait entendre une voix discordante sur le mur de l'événement Facebook créé à l'occasion de la manifestation israélienne :

C'est une manifestation vaine. L'Iran est et reste l'ennemi d'Israël. Ce n'est qu'avec la chute du régime des ayatollahs que les choses pourraient changer, mais en attendant, je n'ai aucune envie de soutenir Moussavi (qui est un Ahmadinejad déguisé en agneau). Je pense que nous devrions faire bloc derrière l'armée, qui nous protègera de l'impérialisme iranien.

Selon Yair Lapid, un éditorialiste populaire du quotidien  Yedioth Aharonot, l'armée israélienne a failli empêcher le soulèvement iranien. Dans l'édition papier du week-end (26/6/2009), il écrit :

Ce qui se passe depuis deux semaines «place de la liberté» à Téhéran – cette merveilleuse combinaison de jeunes, de culture internet et de pouvoir des femmes – n'aurait pas eu lieu si, il y a deux mois, nous avions écouté notre habituel bouquet de voix hystériques qui s'efforcent de bombarder les installations nucléaires iraniennes. Si on en était arrivé là, les Iraniens auraient fait la même chose que nous en période de crise : faire bloc derrière leur gouvernement, dans une déferlante de colère patriotique, de sorte qu'Ahmadinejad n'aurait pas eu besoi de fraude pour se faire réélire. Nous aurions perdu cette chance absolument unique de voir un véritable changement interne amenant la chute d'un empire du mal et nous n'aurions même pas eu conscience de l'avoir laissée filer.

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