L'année 2009 à Madagascar, 2ème partie

Lova Rakotomalala, dans son panorama des premiers mois de 2009 à Madagascar, premier article sur trois de cette série, a décrit les événements conduisant au coup d'Etat aui a porté Andry Rajoelina, l'ancien maire d'Antananarivo, au pouvoir. Nous reprenons là où Lova s'est arrêté.

Mai 2009 a vu de nouvelles manifestations des partisans de Marc Ravalomanana et une répression redoublée par l'armée. Ravalomanana avait démissionné en mars et fui en Afrique du Sud. Rajoelina était à présent au pouvoir. La lutte pour le pouvoir était à son comble, à l'intérieur de Madagascar comme sur la scène internationale. A Addis Abeba, la communauté internationale faisait de son mieux pour extraire Madagascar de son bourbier politique.

“Les représentants du Conseil de sécurité de l'ONU et de l'Union Africaine se rencontrent en un “Groupe de contact Madagascar” à Addis Abeba pour garantir que les nations prennent une position commune poussant à un retour à l'ordre constitutionnel à Madagascar. Bien que tous les partis politiques magaches aient annoncé être représentés à la réunion, il s'avère qu'aucun des partis de l'opposition n'était présent lors de la réunion décisive.”

Tandis que de nouvelles arrestations étaient opérées, pour commencer celle du chef de la sécurité de la Haute Cour constitutionnelle, puis c'était au tour de Manandafy Rakotonirina [en anglais], nommé Premier ministre par le président en exil Marc Ravalomanana, d'être arrêté sur des charges d’ “auto-proclamation illégale comme premier ministre, vandalisme & possession d'armes”, comme rapporté par the Cyber Observer [en anglais]

Sur une note plus gaie, mai 2009 a été une période faste pour les médias citoyens à Madagascar : Razily, le manifestant porte-drapeau dont l'arrestation avait été enregistrée par les témoins et dont le sort inconnu avait attiré l'attention internationale sur la toile, était libéré [en anglais].

 

avec la permission de radotiana.blaogy.com

avec l'autorisation de radotiana.blaogy.com

Solana Larsen, rédactrice en chef de Global Voices, a interviewé Tahina de FOKO qui a mis en place FOKO Ushahidi [en anglais].

“Grâce à Foko Ushahidi, les citoyens ordinaires peuvent désormais mettre en ligne des récits des troubles à travers le pays et les voir immédiatement ajoutés à une carte en ligne. Tahina a installé lui-même le système avec une assistance technique de l'étranger et est responsable de la gestion du répéteur par lequel passent les messages SMS. Une équipe de blogueurs, dont Lalatiana et Stéphane (connu sous le pseudo Pakysse), vérifient l'exactitude des signalements après leur mise en ligne.”

Malheureusement, il est apparu que le système d'alerte par SMS était devenu une nécessité à Madagascar pour garder la trace de tous les incidents et de l'agitation secouant le pays.

En juillet 2009 a eu lieu le deuxième BarCamp malgache, en présence de Lova Rakotomalala, auteur GV et membre de FOKO.

 

Sans surprise vu la situation politique et la lourdeur de la répression, cet événement était massivement consacré à l'absence de liberté de parole à Madagascar. De nombreux journalistes et blogueurs ont reçu des menaces, mais en dépit de cela, la participation a été forte. Le point culminant a été atteint lorsque blogueurs et twitteurs ont livré leurs témoignages personnels sur la crise. Lova résume :

Andry a expliqué que son avidité pour l'information brute l'a amené dans les endroits où l'agitation bouillonnait. Jentilisa, qu'il était vraiment étrange que le Lundi Noir (le 26 janvier) des gens annoncent qu'un bâtiment était en feu avant même que cela arrive, sous-entendant que certains incidents étaient probablement planifiés, loin d'être seulement des actes de protestation. Avylavitra a raconté comment il a craint pour sa vie le 28 mars lorsqu'un soldat l'a tenu en joue avec son fusil et lui a réclamé son appareil photo. Jaona de Fianaratsoa a expliqué comment son blog a été mentionné lors d'une réunion publique comme une menace pour l'ordre social à Fianarantsoa et devrait être fermé. De nombreux autres blogueurs/twitteurs ont fait connaître des cas semblables d'énormes obstacles à couvrir la crise. Thierry Andriamirado a expliqué la pertinence croissante des réseaux sociaux en ligne pour diffuser les informations sur la crise. Thierry a été le premier à tweeter de façon exhaustive le premier événement tragique de la crise, le “Lundi noir,” et il a expliqué qu'il se sentait obligé de partager les récits en temps réel pour qu'on ait un enregistrement numérique horodaté des événements.”

Août 2009

Les ex-présidents Ravalomanana, Zafy, Ratsiraka et l'actuel président de la HAT Andry Rajoelina sont parvenus très laborieusement à un accord de partage du pouvoir à Maputo, au Mozambique. L'accord était centré sur le retour de Ravalomanana, puisqu'il est actuellement en exil en Afrique du Sud, sur l'organisation d'élections dans 15 mois, et sur la manière de répartir les ministères du gouvernement de transition entre les factions. Nj analyse le sort réservé à Ravalomanana dans les accords.

“Ravalomanana indique qu’il n’est plus Président de la République mais ancien Président, par rapport aux accords de Maputo et non pas par rapport à tour de passe-passe que la HAT avait essayé de nous faire gober. On ne pourra donc plus dire qu’il est “démissionnaire” ou “déchu”. Il est juste l’ancien Président de la feue IIIème République et désormais “Sénateur à vie”.

En outre, il a également demandé à ses partisans de stopper les manifestations au Magro, les légalistes étant relativement disciplinés on imagine que cela serait suivi sans problèmes.”

D'autres blogueurs, tels Achille52, étaient dépités parce qu'ils pensaient que les accords laissaient persister trop d'incertitude.

“On espérait tellement de ces accords qu'on est dégoûté de leur soi-disant avancée à la con ! Les principaux problèmes tels que le retour de Marc Ravalomanana pose toujours problème, et la nomination des postes de la transition va être une bataille, car d'autres personnalités dans le pays veulent leur part du gâteau.

On annonce des élections dans 15 mois, mais qui en garantira la transparence ? On peut compter sur le gouvernement actuel pour nous mitonner un truc à la congolaise !”

Citoyenne Malgache déplore la présence des mêmes vieux politiciens lors des multiples crises politiques à Madagascar.

“Les changements qu’ils prônent consistent à rester par tous les moyens dans le cercle des dirigeants, jusqu’à la mort, et
même au-delà. Par instinct de reproduction, ils transmettent leur savoir faire à leur progéniture qui ont les mêmes gueules,
les mêmes oreilles.”

Septembre 2009

Andry Rajoelina, qui prévoyait de faire un discours à l'Assemblée Générale de l'ONU a été empêché d'accéder au pupitre lorsque des membres de la Communauté de  Développement de l'Afrique Australe (SADC) ont menacé de quitter la salle puis ont exigé un vote de l'assemblée pour l'autoriser à parler. Finalement, la parole lui a été refusée. Des Twitteurs ont suivi en direct l'épisode et la confusion subséquente.

Selon le commentaire d’Alain Rajaonarivony :

“L’épisode de l’ONU est symptomatique. Tandis que les Malgaches de l’intérieur étaient soumis au black-out, y compris les officiels, la diaspora et ceux qui avaient la chance de se connecter (une infime minorité dans la Grande ile) pouvaient suivre en direct la navigation hasardeuse de la délégation de la HAT au sein de l’immeuble des Nations Unies et les «empêchements» d’Andry Rajoelina le 24 et 25 septembre. “.

Pourtant, la répression continue malgré ou à cause du fiasco à l'ONU. Lova écrit :

“Pendant ce temps, l'agitation a repris une nouvelle fois après le fiasco à l'ONU. Investgasy a mis sur twitteraujourd'hui :

#Madagascar: coups de feu à (Tana) en ce moment-même, 4×4 armés partout. L'info a été confirmée plus tard par Reuters, qui a rapporté des lancerrs de lacrymogènes et des tirs de semonce contre les manifestants.”

Octobre 2009

Pakysse de FOKO était invité aux Sommets des Nations Unies sur le changement climatique et du G20 et il a blogué en direct sur l'événement.

Pakysse s'est interrogé sur l'inaction des responsables malgaches à la suite de la conférence :

“Depuis la conférence organisée par les Nations Unies sur les changements climatiques, l’état malagasy est censé sensibiliser la population sur le danger que porte les feux de brousses, la sécheresse dans le sud et les différents cyclones car cela a un impact sur la couche d’ozone et la vie de tous les jours de la nature et de l’homme

Nombreux sont les hommes d’état et les journalistes MALAGASY qui étaient dans le même avion que ma personne pour assister à la conférence proprement dite mais la question qui se pose est la suivante: ETAIT-IL NECESSAIRE DE GASPILLER AUTANT D’ARGENT POUR UN DEPLACEMENT SANS RESULTAT?”

Monja Roindefo, le premier ministre et compagnon d'armes d'Andry Rajoelina a été limogé, un élément des accords de Maputo II exigeant la nomination d'un premier ministre de consensus. Wikipédia donne un aperçu des événements, y compris les tentatives de Monja Roindefo pour rester en fonctions :

“Roindefo a porté l'affaire devant le Conseil d'Etat le 12 octobre 2009, le requérant d'annuler le décret de nomination de Mangalaza ; il a argué d'un vice de procédure et que les chefs des factions devaient être signataire de l'accord pour qu'il devienne valide. Le Conseil d'Etat a suspendu en conséquence le décret le 15 octobre, mais dans sa décision définitive du 22 octobre 2009 il a levé la suspension et refusé d'annuler la nomination.”

Alain Rajaonarivony a commenté l'éviction de Monja Roindefo :

“Andry Rajoelina, quant à lui, a justifié dans une émission télévisée dans la soirée du vendredi 9 son divorce d’avec son compagnon et complice. Ce serait l’intérêt supérieur de la nation, le désastre économique imminent, qui l’aurait poussé à prendre cette décision. C’est la condition sine qua non pour que le boycott international cesse. En fait, la vraie condition est un retour à l’état de droit. “

Sur une note plus légère, l'Afrobasket féminin 2009 a été organisé à Madagascar. Les Twitteurs et blogueurs ont suivi avec passion. R1lita espérait voir Madagascar recouvrer un peu de sa gloire passée sur le continent africain [en anglais]:

“Il sera intéressant de voir Madagascar jouer parmi les grands du basket-ball comme le Mali, le champion en titre, le Nigeria, l'Angola ou le Sénégal qui sont plus expérimentés et plus habitués aux compétitions internationales. Certains de leurs joueurs jouent hors de leur patrie, en Europe ou aux USA. Reconnaissons que les chances de Madagascar de monter sur les 3 premières places du podium sont minces. Ainsi, chaque victoire aura de l'importance pour l'équipe malgache et renforcera la motivation et la confiance de tous les joueurs et de la nation toute entière derrière eux. Les matchs seront redoutables, mais seront aussi une étape obligée si nous voulons progresser au niveau supérieur et retrouver un rang que nous avions autrefois (Médaille d'or aux championnat de la FIBA 1970 au Togo).”

Novembre 2009

Le 8 novembre a vu les quatre protagonistes : Rajoelina, Ravalomanana, Ratsiraka et Zafy, arriver une fois de plus à un nouvel accord de partage du pouvoir à Addis Abeba, stipulant qu'il y aurait à présent deux co-présidents, et que les ministères seraient partagés entre les quatre factions. Avylavitra a publié les noms des hauts responsables fraîchement désignés. La blogosphère a réagi avec un mélange de cynisme et de soulagement, se demandant comment et si les accords allaient être respectés et appliqués. Jentilisa s'inquiétait de ce que la question plus sérieuse de l'implication de l'armée dans les affaires n'était pas abordée.

“Averiko farany indray angamba fa ny tena tolona hafa, ankoatra ny famitana ity vanim-potoan'ny fihazohazoana ity, dia ireto miaramila mihevitra fa tsy hisy hahala azy amin'ny toerany ireto mihitsy fa ry zareo ihany no mifanendry fa ny mpitondra sivily dia manaiky fotsiny ihany. Anjaran'ny tsirairay ny mieritreritra satria efa masaka andohan'izy ireo fa tsy hanaiky hofehezin'ny fahefana sivily intsony ry zareo hatramin'ny nanafihany ny minisiteran'ny fiarovana tamin'ny volana martsa”.

“Je répète peut-être pour la dernière fois que le vrai combat, à part mettre fin à cette transition, ce sont ces soldats qui s'imaginent que personne ne les délogera de leurs positions, parce que ce sont eux à présent qui dirigent et que les chefs civils suivent leurs directives. A chacun de méditer là-dessus, car ces soldats n'accepteront plus jamais d'être sous les ordres d'un gouvernement civil, et cela depuis qu'ils ont attaqué le Ministère de la Défense en mars. “

Faisant écho au billet de Lova sur le rôle de la Françafrique dans les crises des anciennes colonies françaises, Nj trouve des similitudes entre les autres anciennes colonies françaises et le cas malgache.

“Madagascar s’est tout simplement faite standardiser comme toutes “colonies africaines” de reny malala (NdT: “la mère bien-aimée” comme était appelée la France à l'époque coloniale) un clan présidentiel issu d’un Coup d’Etat, avalisé par des élections truquées qui devient une véritable monarchie aux ordres de la France pour des décennies. Accords de Transition, élections législatives, élections présidentielles, force d’interposition….Il suffit de regarder l’actualité de nos voisins africains, “anciennes” colonies françaises pour prévoir l’avenir que la France réserve à Madagascar”.

Achille52 a écrit deux articles sur le pillage du bois de rose de Madagascar et a même donné les noms des trafiquants présumés. Il a calculé ce que rapporte l'exploitation illégale du bois de rose, calculs étayés par Mongabay News:

“on arrive à un total faramineux de 120 000 000 de dollars et 41 600 000 de dollars qui sont gelés. […]on n’a aucune garantie que cet argent sera bien utilisé, et de ce que l’état en fera s’il met la main dessus.
120 000 000 de dollars !! […]Imaginez combien de chose on pourrait, en fait, cette somme est équivalente à 60 000 FMG pour chaque malgache de Madagascar. Et dire que 24 personnes se sont partagés une somme pareille !”

Pour couronner le tout, un cargo a sombré au large des côtes malgaches le 9 novembre 2009 :

“répandant lors du naufrage des déchets toxiques, tuant des baleines en migration et provoquant des maladies parmi les pêcheurs. Si quelques médias ont fait état récemment de la catastrophe, le navire avait commencé à couler il y a deux mois, comme l'ont signalé des blogueurs malgaches sur leurs blogs dès le début de septembre.

Tomavana écrivait sur son blog :

En plus d’écarter le drame écologique du Sud de l’île des actualités nationales, la controverse politique autour de ces nouvelles nominations pose la question du suivi de ce dossier sensible

Mialy passera en revue les dernières semaines de 2009 à Madagascar dans la troisième partie de cette rétrospective. En attendant, lisez le résumé fait par Lova Rakotomalala de la période janvier à avril retraçant les événements qui ont culminé avec le coup d'Etat d'Andry Rajoelina.

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