Arménie – Azerbaïdjan : Le journal sur Facebook de la BBC en Azerbaïdjan (partie 2)

[Les liens sont en anglais, sauf mention contraire]  Dans le cadre du programme BBC Superpower dédié aux nouveaux médias, le bureau de la BBC en Azerbaïdjan a demandé au responsable de Global Voices Online pour le Caucase de se joindre à la réflexion menée dans ce programme sur le pouvoir d'Internet. Dans le status quo amer entre les deux pays concernant le territoire disputé du Haut-Karabagh [en français], la BBC azerbaïdjanaise était spécialement intéressée par le rôle que les médias sociaux en ligne pouvaient jouer pour rapprocher les deux pays.

Ce qui suit est la deuxième partie d'une série, publiée à l'origine en azeri hier,  et traduite (ou reprenant des extraits originaux en anglais). Elle fait suite à celle déjà reprise en anglais dans Global Voices Online hier.  La troisième et dernière partie sera publiée en français.

La BBC Superpower Season a lieu en mars.  Le pouvoir d'Internet et son influence sur la vie quotidienne sont le sujet de ces programmes.

Internet a amené de grands bouleversements dans la vie quotidienne de la population aussi bien au niveau des relations personnelles que des relations professionnelles.  Les nouveaux médias n'ont pas offert de nouvelles voies qu'aux journalistes.  Ils ont aussi permis plus de liberté de pensée et d'activisme social tant aux internautes qu'à la société civile.

L'adoption des médias sociaux a modifié les valeurs culturelles et politiques partout dans le monde.  Tout le monde veut communiquer, participer et partager ses idées.

Ce nouveau projet en ligne mis en place par le bureau azerbaïdjanais de la BBC durant cette saison de notre programme s'appelle Le journal sur Facebook.

Chaque jour, les participants suivront les médias sociaux comme Facebook et Twitter et partageront leurs observations avec les lecteurs de ce site.

La première partie de notre Journal sur Facebook s'appelleLes média sociaux et la résolution des conflits.

La principale raison pour laquelle Facebook est utilisé sont les opportunités d'échanges qu'il offre aux utilisateurs des médias sociaux tout autant que le fait qu'il est un support pour groupe de réflexion.

Quelles opportunités les média sociaux amènent-ils aux partisans de la paix en Arménie et en Azerbaïdjan ? Est-ce que ces nouveaux médias médias peuvent faire évoluer la situation ? Quels sont les aspects négatifs des médias sociaux quand les nationalistes les utilisent pour organiser des attaques sur “l'ennemi”?

Des réponses à ces questions seront données par les journalistes qui écrivent dans “Les média sociaux et la résolution des conflits” : Arzu Qeybullayeva d'Azerbaïdjan et Onnik Krikorian d'Arménie.

arzu_bbcArzu Qeybullayeva est analyste régionale à Baikou, a un blog et dirige des formations sur les médias sociaux.

Moments Forts

Alors que nous parlons de Facebook comme d'une opportunité partagée par tous,  il y a aussi malheureusement des moments où il devient une zone de conflit.  Je voudrais partager avec vous une conversation qui a eu lieu sur mon “mur” (fil d'actualité), il y de cela quelques semaines, au sujet d'un lien que j'avais publié sur un incident qui était arrivé à Erevan.

En réponse, j'ai reçu un smiley triste d'Edgar, un ami arménien, avec un lien vers la vidéo de l'incident.

Peu de temps après, un jeune Azéri écrivait : “Je ne veux pas la liberté pour les deux pays… bien pour nous, mauvais pour eux… l'important c'est notre liberté…”

A quoi Edgar répondit :

Araz jan, vous semblez être un jeune garçon avec des yeux doux et un sourire amical.  Laissez moi vous donner un conseil : essayez de dépasser la haine qui est dans votre cœur, ne traitez jamais des choses qui ont une dimension humaine comme si elles étaient purement politiques.  N'oubliez pas que la démocratie est une valeur universelle qui ne s'arrête pas aux nationalités ou aux frontières.   Après tout, plus nous aurons de régimes démocratiques dans la région, moins il y aura de guerres.  L'histoire de l'humanité ne se rappelle d'aucune guerre entre deux démocraties.

Jan répliqua:

D'abord, ne m'appelez pas “jan”… je ne suis pas votre ami… deuxièmement, oui j'ai un sourire amical but seulement pour les miens – TURCS… je ne sourirai jamais à votre pays et nation… je déteste l'Arménie et les Arméniens… et non seulement je veux tuer tous les Arméniens qui ont tué mes concitoyens du Karabagh et même tué des femmes et des enfants durant une nuit (Khojali) … pourquoi tuer?? par amitié?)) Vous êtes une telle nation qui ne peut pas vivre et faire la guerre comme des humains… Dans l'histoire, les Turcs n'ont jamais tué des femmes et des enfants pendant la guerre… seule votre nation et les fascistes l'ont fait… Ne me conseillez pas sur la démocratie et l'amitié… Après la libération du Karabagh et d'Erevan, en tuant au moins 30,000 soldats arméniens, et après si j'ai le temps j'y penserai… démocratie et amitié…

La conversation n'a mené nulle part après cela et j'ai essayé d'expliquer à Araz qu'une autre guerre ne changerait rien, pas plus que son attitude négative.  Peut-être qu'il est trop jeune pour voir les choses comme moi, mais j'espère qu'il changera sa perspective et qu'il y a plus d'amitiés, virtuelles ou non, sur Facebook pour échanger des messages positifs plutôt que haineux.



onnik_bbc
Onnik Krikorian est le responsable régional de Global Voices Online pour le Caucase, il est par ailleurs journaliste et photographe indépendant à Erevan, en Arménie.

L'année du changement : malgré la peur, de nouvelles voix émergent en ligne

Il y a un an, je n'aurais jamais imaginé que je serais assis ici à Erevan, en train de me préparer à faire une présentation sur le rôle des nouveaux médias sociaux dans la transformation des conflits, le mois prochain à Tbilissi en Géorgie, avec Arzu Geybullayev.  Ce qui avait commencé commencé par quelques échanges d'emails avant une connexion sur Facebook s'est transformé en amitié dans la vie réelle et en un projet pour montrer que les peuples arméniens et azéris peuvent co-exister et co-existent ensemble en dehors des zones de conflit.

C'est vrai que depuis notre rencontre de nombreux Arméniens et Azéris se sont aussi connectés, mais je crois que ni l'un ni l'autre n'imaginions que cela arriverait si vite et surtout si facilement. Je n'aurais certainement pas imaginé l'année dernière que je coopèrerais en toute simplicité avec des blogueurs et des journalistes azéris.  Malgré tout, c'est arrivé, et des photos, des articles, des podcasts et des vidéos ont circulé sur les blogs et les réseaux sociaux.

Bien sûr, tout le monde n'est pas convaincu que de telles initiatives doivent être applaudies ou mises en avant.  Malheureusement, des craintes subsistent encore sur la communication ouverte entre Arméniens et Azéris.

Par exemple, le mois dernier le tweet suivant était envoyé d'Azebaïdjan : ” Rapporté dans les médias : la police et la sécurité nationale ont arrêté des résidents de Bakou pour avoir discuté avec des Arméniens sur des forums d'Internet”.   Il n'y avait pas de lien attaché au message mais cela n'a pas empêché quelques Arméniens de le republier sur Twitter.  Quand l'origine du  message a été révélée, l'histoire s'avéra ne pas être ce qu'elle semblait.

En fait, deux Azéris s'étaient querellés au sujet des Arméniens sur un forum et avaient décidé de se rencontrer pour “en discuter” en personne.  Cela se passant au Caucase où les esprit s'échauffent vite, vous devinez ce qui s'était passé.  Une bagarre en public avait suivi et la police était intervenue.  Après avoir vérifié les faits auprès d'un ami journaliste à Bakou, il s'avérait qu'aucun des deux hommes en question n'avait été arrêté et interrogé par la Sécurité Nationale.

Bien sûr, il est compréhensible que de nombreux Arméniens et Azéris aient cru ce tweet un peu maladroit, mais qu'en est-il des histoires qui réunissent Arméniens et Azéris ?  Pourquoi se concentre-t-on autant sur le négatif ?  Pourquoi laisser des myriades de voix ignorées ou noyées par d'autres, moins tolérantes, dans les médias locaux?   Au lieu de cela, et je parle en tant que journaliste, l'Internet me donne accès à ces sources si importantes.

Il y a quelques mois, par exemple, après avoir lu quelques uns de mes billets, Zamira, une réfugiée de la minorité azéri m'a contacté.  Quelques semaines plus tard je lui ai demandé de m'en dire un peu plus sur son histoire personnelle.  Ce qu'elle a raconté était touchant et donnait matière à réflexion.

Ma famille a quitté l'Arménie pendant les déplacements de population de 1988.  Je n'avais que 4 ans quand je suis partie, mais je ne suis pas sûre que ce soit une bonne chose de ne pas me rappeler de ce que j'ai laissé derrière moi.

Notre maison, le jardin, le terrain de jeu, mon pommier et mon coq, que j'aimais beaucoup.   Au début, je rêvais souvent de notre maison quand je suis arrivée ici mais après un moment ça s'est effacé.

Pendant des années, nous n'arrivions pas à nous adapter, ce qui m’ a atteinte psychologiquement.  Vous ne pouvez pas imaginer à quel point c'est horrible d'être un réfugié.  Ma maison me manque et j'espère que j'aurai une chance de la revoir avant de mourir.

Cette guerre m'a poussé à devenir conciliatrice. Mon combat est particulièrement compliqué malgré tout, parce que d'un côté je dois aider ceux qui sont en conflit mais en même temps prendre soin de moi.

Nous sommes maintenant amis sur Facebook et communiquons régulièrement aussi bien en public qu'en privé.  Il y a d'autres exemples en ligne, des deux côtés, mais pour le moment rien n'est apparu dans les médias traditionnels.  Quelques exemples récents de vidéos sur YouTube le démontrent très bien.

Le mois dernier par exemple, un petit groupe de jeunes Arméniens et Azéris qui visitaient Tbilissi ont organisé un flash mob [en français] et marché pacifiquement vers le parlement géorgien.  Leur message, griffonné sur de grandes feuilles en arménien, azéri, français, géorgien et allemand était simple. C'était un message de paix pour le Caucase.

Autre exemple : cette vidéo sur YouTube d'un jeune homme et d'une jeune femme dansant sur un air du Nord Caucase, dans un endroit indéterminé, drapés dans les drapeaux de leurs pays respectifs, l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

Ou bien ma propre interview en vidéo, filmée avec un téléphone portable et publiée sur YouTube, d'une Azéri qui habite à Tbilissi près de voisins arméniens et qui parle de la coexistence pacifique de ces deux groupes.

Pourtant, alors que les présidents d'Arménie et d'Azerbaïdjan sont engagés dans des négociations pour mettre un terme au conflit qui menace de déstabiliser la région et compromet le développement à long terme,  n'est-il pas temps que les médias couvrent aussi objectivement de tels exemples ?

Le texte original en azéri est disponible sur le site de la BBC Azerbaïdjan. Tous nos remerciements à Konul Khalilova pour nous avoir autorisé à publier la version anglaise. Plus d'informations sur la collaboration entre la BBC et Global Voices Online pour la Superpower Season ici.

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