Des soldats africains sur les Champs Elysées le 14 juillet

RTL Info relate l'invitation de la France à ses anciennes colonies de défiler sur les Champs Elysées le 14 juillet, fête nationale.
“Des détachements de treize pays africains (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République centrafricaine, Congo-Brazzaville, Gabon, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Togo) défileront aux côtés de l'armée française sur les Champs Elysées. En Belgique, la participation de militaires congolais au défilé de la Fête nationale, le 21 juillet, un moment envisagée, a été annulée à la suite du tollé déclenché par une déclaration faite en mars par le ministre de la Défense, Pieter De Crem.”
Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, explique :
« Le président de la République a invité nos partenaires africains à ouvrir le défilé », a-t-il déclaré mardi au musée de l’Armée, à l’hôtel des Invalides de Paris. Il inaugurait un cycle d’hommage aux anciens combattants africains intitulé « Force Noire – Tirailleurs 2010 » qui comprendra, outre le défilé, la publication d’un manuel scolaire sur ce thème et des expositions.
« La présence de détachements des forces armées africaines sur les Champs-Élysées, leur défilé devant leurs aînés, anciens combattants de l'armée française, sera une image forte de cette année 2010 », a avancé Hubert Falco. « Pendant cent ans, depuis la création des premiers corps de Tirailleurs sénégalais par Napoléon III en 1857 jusqu'aux années 1960, ils ont servi la France avec loyauté, courage, abnégation », a-t-il ajouté.
La « Force noire » était le surnom donné aux troupes coloniales par le général Charles Mangin. Ces troupes étaient également appelées Tirailleurs sénégalais, bien qu’également originaires de plusieurs pays, aujourd'hui la Mauritanie, le Mali, la Guinée, la Côte-d'Ivoire, le Niger, le Burkina Faso ou encore, entre autres, le Bénin et le Tchad.
Sur 14 pays ayant reçu une invitation, seule la Côte d'Ivoire a décliné la sienne, comme le rapporte Afrik.com :
“Les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire ne prendront pas part au défilé militaire prévu le 14 juillet à Paris, avec la participation des troupes des anciennes colonies africaines de la France, lit-on sur Abidjan.net. “Le président Gbagbo a tranché, nos troupes ne participeront pas au défilé du 14 juillet. Elles ont d’autres occupations au moment où la Côte d’Ivoire est en guerre”, a expliqué samedi l’ambassadeur de Côte d’Ivoire à Paris, Pierre Aimé Kipré. Il a également rappelé les contentieux qui opposent les deux pays depuis le début de la rébellion, en septembre 2002, notamment la destruction en 2004 de la flotte aérienne ivoirienne par les forces françaises et la mort en 2005 de plusieurs citoyens ivoiriens fauchés par des balles françaises.”
Sur Jeune Afrique, Deb commente :
“Mais pourquoi meme défilé en france.. on dit le cinquantenaire d´independance  des pays africains et non de  l'europe..franchement .Comme si apres 50 ans l´afrique n´est pas capable de feter son anniversaire seule sans impliquations exterieurs.. la CI ny participeras pas, oui j'en suis fiere…”
Pour d'autres, ce 14 juillet africain reflète l'ambiguïté, l'impasse de la politique africaine de la France. Sur lemonde.fr, on peut lire :

que fête-t-on ? A l'évidence, le bilan de ce demi-siècle d'indépendance pour les peuples concernés n'est glorieux ni pour la France ni pour les Etats africains. Rend-on hommage aux sacrifices des tirailleurs coloniaux des deux guerres mondiales ? Pas de quoi pavoiser non plus, puisqu'il a fallu la récente décision du Conseil constitutionnel pour que le principe de l'égalité des pensions des anciens soldats africains et français soit enfin reconnue. Quant au défilé sous l'Arc de triomphe d'armées africaines dont certaines ont participé récemment à de sanglantes répressions, il apparaît pour le moins ambigu.”

L'ambiguïté est un thème communément repris par les blogueurs africains. Joachim Vokouma sur lefaso.net:
“A vrai dire, de nombreux Africains s’interrogent sur le sens de la participation des troupes africaines au défilé  du 14 juillet. Faut-il rappeler les horreurs, les massacres et les assassinats qui ont jalonné l’occupation coloniale ? Que célèbre t-on ?
La fin du mépris, des humiliations et du paternalisme ? Une Humanité enfin réconciliée ? Que le cinquantenaire des indépendances soit l’occasion, pour ceux dont l’humanité avait été mise entre parenthèse durant l’esclavage et la colonisation, de faire le point sur ce qu’ils ont fait de leur liberté recouvrée est sans doute plus que nécessaire.”

Mampouya, un blogueur congolais :
“Ce 14 juillet donc, les naïfs spectateurs français s’apprêtent à applaudir ce qu’il faut bien appeler des milices d’Etat (en tout cas au moins pour le Congo Brazzaville) sous couvert d’armées nationales. Prudent, le gouvernement français a pris grand soin d’éviter que les organes de presse “hostiles” rencontrent les membres des détachements militaires invités. Il y aurait-il des choses à cacher ?”
Joachim Vouakoma à nouveau, à propos du spectacle d'armées de sinistre mémoire défilant sur les Champs Elysées :
« Verra t-on défiler toutes les armées y compris celles qui ont commis des massacres ? », interroge une journaliste allemande.
Allusion aux massacres de 150 civils commis par l’armée guinéenne fin septembre dernier dans le stade de Conakry. Jacques Toubon qui est tout sauf un néophyte en affaires « françafricaines », feint pourtant l’ignorance, botte en touche et renvoie la question à son auteur : « Pourriez-vous me dire quelles sont les armées qui ont massacré ou qui massacrent ? ». Il finira par révéler que de toute façon, ayant pris son indépendance en 1958 après son refus du référendum de la même année, la Guinée ne faisait pas partie des invités. Au Niger, où un coup d’état a mis fin à la dérive autoritaire de Mamadou Tandja, Paris espère que des élections seront organisées d’ici juillet. Quant au président malgache, c’est en catimini que Jacques Toubon l’a rencontré à Paris et son cas est pour le moins embarrassant.
Alain Rajaonarivony, un blogueur malgache :
Une quarantaine de militaires de la Grande Ile qui doivent défiler pour le 14 juillet sont depuis hier à Paris. 36 officiers malgaches ont été décorés pour «service rendu à la France». 8 militaires français ont reçu en retour des distinctions, on ne sait trop pourquoi. Roindefo Monja a profité de son séjour hexagonal pour déposer une gerbe au monument des soldats malgaches morts pour la France, au Bois de Vincennes. Et le ministre de l’Education est en train de détricoter complètement les réformes de Marc Ravalomanana pour s’aligner sur le système français. On revient aux trimestres au lieu des bimestres, et au Lycée, on aura désormais les filières S (scientifiques) et L (littéraires) comme en France. Quand on vous dit que tout va bien… !
D'autres se demandent pourquoi les pays d'Afrique Noire sont les seuls à défiler :

sans revenir sur les détails du débat, la question à laquelle la France et ses partisans africains ne peuvent pas répondre, c’est de savoir pourquoi c’est l’Afrique Noire seule qui est invitée à cette cérémonie et non pas le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, le Vietnam pour ne citer que certaines anciennes colonies françaises?
Cette cérémonie ne commémore pas notre indépendance mais bel et bien notre dépendance. C’est simplement insultant pour les peuples Africains.

L'historien sénégalais Fadel Dia sur son blog :

“le minimum serait d’exiger que la France fasse auparavant ce qu’elle n’a pas fait en 1960 : solder ses comptes à l’endroit de ses anciens combattants d’Afrique, qui l’avaient servie et s’étaient sacrifiés pour elle. Les soldats que Paris se propose d’inviter en 2010 sont les héritiers de ces combattants oubliés dont ils doivent porter les revendications et auxquels la France peut rendre justice, définitivement et solennellement, pour boucler un demi-siècle d’occasions manquées.

Si les soldats africains doivent défiler à Paris le 14 juillet 2010, alors que ce soit plutôt les éclopés et les survivants de 39-45, d’Indochine et d’Algérie, pour étaler aux yeux des Français leurs illusions perdues et leur détresse de serviteurs mal récompensés. Il est temps, enfin, que la dette du sang que leur doit la France cesse d’être un « contentieux  », pour devenir le « gage d’une histoire commune », que les Tirailleurs Sénégalais ne soient plus, comme le craignait Senghor, des « morts  gratuits », que les Français réalisent qu’il ne s’agit pas ici seulement « d’un devoir de mémoire » mais « d’un devoir d’histoire et de vérité » selon le mot du député socialiste Alain Rousset.”

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