Pérou : La situation de la langue quechua sur Internet

Le quechua ou runa simi est l'une des langues originaires du Pérou supposée avoir fait son apparition au milieu du premier millénaire de notre ère.  Actuellement, “il est parlé par environ 8 à 10 millions de personnes et représente la famille linguistique la plus répandue en Bolivie, au Pérou et en Équateur après les langues “indo-européennes” d'après  Wikipedia. Cette même source ajoute :

Jusqu'au 15ème siècle, ce qui était appelé le quechua classique s'est transformé en une importante langue véhiculaire de l’Ancien Pérou et a été adoptée comme langue officielle par l'État inca . Cette variante fut la langue la plus employée pour la catéchèse (l'instruction religieuse) des autochtones durant la colonisation. Au début du 20ème siècle , le quechua a subi un recul au profit de l’espagnol de par la scolarisation des enfants en milieu rural.

"El camino del zorro" en quechua. Photo de geoced sur Flickr (CC BY-SA 2.0)

 

La constitution péruvienne (article 48)  reconnaît le quechua comme langue officielle dans les zones où il est prédominant, ce qui correspond essentiellement, au Pérou, à l'intégralité de la zone de la Sierra ou des Andes péruviennes, mais l'espagnol et plusieurs langues amazoniennes sont aussi influencés par celui-ci.  Cependant, lorsque nous parlons du quechua, nous parlons en fait de plusieurs dialectes quechuas tels que  le cusqueño (le quechua de Cusco) ou pentavocálico et         l'ayacuchano ou trivocálico, principalement au Pérou, bien que leurs différences ne soient pas abyssales et qu'ils ne soient pas les uniques variations existantes. De plus,  quoique l'on ait beaucoup parlé de la discrimination faite relativement à l'usage du quechua ou du risque de le voir disparaître, tous ne pensent pas de même.

Le quechua est présent sur Internet et ce, sur plusieurs fronts. Son support le plus connu est probablement la version de Google en quechua.  Wikipedia a aussi sa page en quechua, qui compte 16 631 articles. En ce qui concerne les outils, le site El quechua en Internet (Le quechua sur Internet) regroupe diverses ressources à l'image de Idioma Runasimi (La langue runasimi). On peut trouver des discussions sur le quechua ainsi que des enregistrements et des liens vers d'autres pages en et sur le quechua sur le site ¡Bienvenidos al Quechua! (Bienvenue au Quechua!). Nous pouvons également trouver sur Slideshare plusieurs présentations concernant les divers aspects de cette langue.

Pour apprendre le quechua, le site Runasimi.org fournit une aide en grammaire et un dictionnaire en ligne tandis que sur le site Runasimi.net nous trouvons les rapports d'une commission travaillant sur la  standardisation du quechua. Le site Idioma quechua (La langue quechua) propose l'apprentissage de la langue et  plusieurs enregistrements de contes andins racontés en quechua. On trouve aussi le site curso de quechua (Cours de quechua) de Yachay ainsi que celui de la  PUCP (Université pontificale catholique du Pérou).

Mais il existe des locuteurs de la communauté quechua qui ont pris l'initiative de faire quelque chose pour maintenir et développer la présence de cette langue sur Internet. Tel est le cas de Noemí Vizcardo qui, depuis 2005, apporte via son blog bilingue Hablaquechua, bien plus qu'un grain de sable. J'ai eu l'occasion de l’interviewer en 2006 et durant cet interview, elle m'avait confié entre autres choses ce que le quechua signifiait pour elle :

Le quechua est quelque chose de naturel pour moi, dans le sens où je l'ai toujours entendu depuis que je suis née car je viens d'un peuple bilingue où le dénominateur commun est la communication orale en quechua, même si chez moi, mon père nous interdisait de le parler, la société créole d'alors pensait  de manière erronée et presque généralisée que le quechua était le langage des “Indiens”.

Il existe un autre blog sur le quechua, celui de Dina Vela : Quechua nuestra lengua (Notre langue le quechua). Dans l'un de ses billets, elle parle des chiffres en quechua :

Les recherches qui ont été réalisées sur les nombres en quechua nous montrent que dans l'ancien Pérou, les Incas utilisaient le système décimal. On a pu déterminer cela grâce à l'interprétation des quipus* lesquels sont organisés de manière telle que les nœuds nous indiquent, en fonction de leur emplacement, les unités, les dizaines, les centaines, etc. […] Aborder les nombres en  quechua nous permet de considérer notre histoire et de revaloriser l'importance du runasimi. Nous pouvons apprécier, grâce à  ce lien, la vidéo d'un cours sur les nombres basiques, et ce, avec un élève de 7 ans qui est en train d'apprendre le quechua cuzqueño, lequel est soumis aux règles de l'Académie supérieure de la langue quechua.

Nancy Ayala, de son côté, dispose d'un blog sur le réseau des blogs de RPP, un important groupe de médias péruviens. Nous lisons sur ce blog appelé Tukuy niraq willakuykuna cette brève note tirée de l'un de ses premiers billets :

A titre de commentaires, nous pouvons mentionner que l'une des caractéristiques de cette belle et suave langue est son caractère  enclitique, car elle unit ou embrasse deux mots en espagnol, voire plus,  en utilisant des suffixes, ce qui signifie qu'une phrase de plusieurs mots en espagnol peut être exprimée en un seul mot, par exemple la phrase  te quiero mucho (je t'aime beaucoup) se contracte pour former le mot quechua kuyakuykim.

Nous avons, sur un plan plus informatif, le blog de Lorena Chauca, Allillanchu, qui   souligne par exemple la présence quotidienne du quechua dans le langage courant des Péruviens :

Nous les Péruviens, nous utilisons plus de mots en quechua que nous le pensons. Le mot  “cancha” par exemple provient du mot quechua “Kancha”, qui signifie “cour”, “terrain”. Le mot “chiripa” veut dire “hasard” en quechua. L'expression “pucho” vient  de “puchu”, qui signifie en quechua “résidu” ou “reste”. Le nom le plus connu de la loterie du Pérou, la “T'inka”,  signifie  “jeu”. On utilise le mot quechua  “michi”  pour “el gato”/ “le chat” et le mot  “yapa”, qui est très couramment utilisé chez les Péruviens, signifie ” aumento”/”augmentation”.

Parmi d'autres exemples de blogs sur le quechua, on peut citer: Runasimillapi, Runasimi ñawpa willana, Runasimi (Quechua), runasimi qallarisun. Il existe aussi des groupes et des pages sur Facebook, comme Admiradores del idioma quechua (Runasimi) (Les admirateurs de la langue quechua) ou Runa Simi Raymi Suyu. Sur Twitter  on trouve aussi  @hablemosquechua qui apprend régulièrement comment on dit telle ou telle chose en runa simi.

Pour finir, il est  important de mentionner le site Runasimipi.org, et un projet de création d'un logiciel en quechua. Dans sa présentation, il est dit :

A l'heure actuelle, beaucoup pensent que le runasimi n'est que la langue de nos ancêtres et sert seulement aux choses du passé.  Beaucoup d'enfants en ville ont honte de parler quechua avec leurs amis. On dit que le quechua ne sert pas aux choses “cool”, en particulier à tout ce qui a trait à la modernité et à la technologie. Nous déclarons au contraire que le runasimi est une langue riche qui peut être utilisée dans tous les contextes, même pour la technologie. Le runasimi ne représente pas seulement un important patrimoine culturel et linguistique, il est aussi une langue vivante et nécessaire à l'avenir andin. Mais nous voulons que tous apprécient cette langue non seulement en tant que langue “des Incas” mais aussi en tant qu'une langue moderne, souple et riche.

Le quechua ou runa simi est une langue non seulement vivante mais en constante évolution, appartenant à une culture millénaire et elle utilise aujourd'hui les facilités que donne Internet pour s'affirmer dans le 21ème siècle. C'est même une langue qui ne cesse de se nourrir d'autres médias et d'éléments empruntés à d'autres latitudes pour parvenir à nous enchanter avec ses sons et images, ainsi qu'on peut l'apprécier dans ces deux vidéos musicales.

Ce billet a été publié à l'origine sur  Globalizado, le blog personnel de Juan Arellano.
*Note de la traductrice: les quipus étaient un système d'enregistrement des données utilisé par les Incas. Celui-ci s'avérait très ingénieux puisqu'il consistait en l'assemblage de cordes de couleurs diverses avec des nœuds dont le nombre et l'espacement étaient variables et permettaient ainsi la comptabilisation.

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