Malaisie : Le gouvernement annonce la révision des lois sur la censure et la liberté d'expression

Agir au bon moment et prendre en compte le sentiment général “réel” : c'est exactement ce qu'a fait Najib Tun Razak, le Premier ministre malaisien, en annonçant [en anglais comme tous les liens du billet], lors des célébrations de la fête nationale, la révision de plusieurs textes législatifs controversés relatifs à la sécurité nationale, la censure et la liberté d'expression et de réunion.

Le moment n'aurait pu être mieux choisi au vu de la récente répression menée contre la manifestation organisée par le groupe Bersih 2.0 (en faveur d'élections justes), en juillet dernier, et des spéculations actuelles concernant les élections générales à venir. La presse internationale, qui se montre en général critique vis-à-vis du gouvernement de Najib, a également changé de ton pour adopter une position plus neutre et prudente. L'édition asiatique du Wall Street Journal salue ainsi une initiative qui “ouvre la porte à des changements politiques majeurs”.

Il n'est pas non plus étonnant de voir les partis de la coalition gouvernementale et les quotidiens nationaux faire l'éloge de ce geste avec enthousiasme, tandis que les partis d'opposition menés par Anwar, le principal ennemi politique de Najib, pointent ensemble ses défauts et appellent à la prudence.

Journaliste indépendant sur Internet, Anil adopte la même attitude circonspecte :

Il est prématuré de se réjouir. Il est tout aussi important de savoir ce qui va remplacer ces lois oppressives […] Et qu'en est-il des autres textes coercitifs comme la Loi sur la sédition, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur les universités et les lycées ? Pouvons-nous tous, enfin, porter ces tee-shirts “Bersih” jaunes et nous réjouir de l'annonce faite par le Premier ministre sans risquer d'être évacués sans ménagement ?

Bien que les détails concernant la révision des lois n'aient pas encore été divulgués et que les changements restent à être examinés devant le Parlement l'année prochaine, Ahirudin, un blogueur très actif, prend le parti de rendre à César ce qui est à César en écrivant :

Aujourd'hui, 16 septembre 2011, restera dans l'Histoire comme le jour de Najib Razak. Personne ne s'attendait à ce que le sixième premier ministre malaisien ait le cran de s'attaquer à la Loi sur la sécurité intérieure. […] Le geste a plongé dans un silence stupéfait ses rivaux politiques, habitués à tenir des propos véhéments […] Et nous, Malaisiens, devons nous réjouir.

L'ordre des avocats malaisiens, qui a fait partie des groupes donnant le plus de la voix en faveur de l'abrogation de la Loi sur la sécurité intérieure, qui autorise l'incarcération sans procès préalable, s'est félicité de l'initiative tout en restant prudent :

Le barreau malaisien, association des ordres des avocats de Sarawak et de Sabah, est d'avis que la Malaisie n'a pas besoin de loi permettant la mise en détention sans procès préalable, car le pays a déjà renforcé son dispositif législatif pout prendre en compte et gérer la menace terroriste. […] Même si les promesses du Premier ministre sont les bienvenues, elles ne seront concrètes qu'une fois les détails connus, et considérées comme tenues qu'une fois mises en œuvre.  En conséquence, nous appelons le Premier ministre à soumettre la législation proposée au débat public et au vote, ainsi qu'à établir un calendrier prévoyant clairement l'exécution de ces promesses.

Le blog Free Malaysia Today propose également un ensemble de commentaires émanant de plusieurs personnalités politiques majeures du pays, parmi lesquelles notamment S Ambiga, le leader du mouvement Bersih 2.0, qui dit :

Certaines réformes, dont celle relative à la Loi sur la presse écrite et l'édition, ne vont pas assez loin encore puisqu'il faut toujours une licence pour pouvoir publier et que cela est contradictoire avec la liberté de la presse. Le communiqué selon lequel les manifestations publiques ne seront pas autorisées va également à l'encontre du droit de réunion. J'espère que ces points pourront être discutés plus avant.

Lorsque le temps sera venu de juger l'action de Najib à la fin de son mandat, on se souviendra de lui comme d'un “réformateur” ne s'attardant pas sur les conséquences économiques et politiques de ses actes. C'est l'objectif qu'il s'est fixé depuis sa nomination en tant que premier ministre, en commençant par prendre une série de mesures de libéralisation qui ont conduit à la mise en place du Nouveau Modèle Économique [en français]. Le récent rapport élogieux dressé par le magazine Forbes, dans lequel on peut par exemple lire que “les politiques impressionnantes menées en Malaisie l'ont mise sur la bonne voie en termes d'acquisition du statut de pays développé”, n'a fait que confirmer les ambitions économiques de Najib et son envie de publicité positive sur la scène internationale. Seule l'Histoire dira si Najib pourra réaliser ses rêves politiques.

Légende photo : Célébration de la fête nationale malaisienne le 16 septembre 2011. Photo publiée sur Flickr par esharkj et utilisée sous licence Creative Commons (CC BY 2.0).

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.