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2011, année de luttes et de triomphes pour les blogueurs du Moyen Orient et d'Afrique du Nord

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Arabie Saoudite, Bahreïn, Egypte, Emirats arabes unis, Iran, Maroc, Tunisie, Droits humains, Guerre/Conflit, Liberté d'expression, Manifestations, Média et journalisme, Médias citoyens

L'euphorie engendrée par le pouvoir des médias sociaux à travers le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord en 2011 peut faire oublier trop facilement les luttes qu'ont livrées les blogueurs et internautes partout dans la région. Pourtant, 2011 a été une année extraordinairement difficile pour la liberté d'expression [1], en partant de la coupure de l'Internet en Egypte [2] jusqu'au grand nombre de molestations, d'arrestations, et de blogueurs détenus du Maghreb jusqu'à la région du Golfe persique.

Iran : pas de place pour la liberté d'expression

Cela fait moins d'une semaine que nous sommes en 2012, et Reporters sans Frontières estime le nombre d'internautes détenus [3] dans le monde à 126. La liste est dominée par l'Iran, comme Fred Petrossian de Global Voices l'écrit :

En 2011, le régime iranien a été fidèle à sa notoriété d'ennemi de l'internet [4] en continuant la répression des blogueurs et en les menaçant de mort. Le blogueur Sakhi Rigi a été condamné à 2o ans de prison, une condamnation qui bat tous les records [5]. Hossein Ronaghi Maleki [6], qui est en train de purger 15 années en prison, a lutté pour sa santé et, pendant une période, il lui a été interdit de contacter sa famille et son avocat. RSF a mentionné le cas de sept internautes en Iran en juillet 2011. Ces cas ne sont que la partie visible de l'iceberg. Alors qu'une poignée de blogueurs comme Shiva Nazar Ahari [7] et Hossein Derakhshan [8] ont été libérés sous caution, d'autres comme Mohammad Reza Pour Shajari [9] peuvent être accusés de “déclarer la guerre contre Dieu” (moharebeh), auquel cas la peine de mort peut être prononcée. Comme le montre la mort tragique de Omid Reza Mirsayafi [10], plus un blogueur est esseulé et privé d'un réseau, plus vulnérable il est.

Egypte, Syrie, Bahreïn, trio infernal de la région

L”Iran se place comme le pire état, avec le plus grand nombre de blogueurs détenus, mais la vie pour les blogueurs dans la majeure partie du reste de cette région du monde n'a pas été facile. En Syrie [11], où les soulèvements qui débutèrent le printemps dernier ne semblent pas s'atténuer, plusieurs éminents blogueurs ont été arrêtés en 2011, et un nombre incalculable ont été réduits au silence. Razan Ghazzawi [12], une ancienne contributrice de Global Voices, a passé quinze jours en prison en décembre avant d'être libérée sous caution, mais encourre toujours un procès pour avoir “affaibli le sentiment national,” parmi d'autres chefs d'accusation. Hussein Ghrer [13], libéré au début de décembre, fait également face à des poursuites. Pendant ce temps, Tal Al-Mallohi [14], le blogueur adolescent qui a été emprisonné en 2009, purge une peine de cinq ans [15].

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Le blogueur égyptien Alaa Abd El Fattah pose avec sa femme, l'activiste Manal Hassan, à Tunis juste un mois avant son arrestation au Caire

 

L'Egypte–où l'impact des médias sociaux a été le plus fort en 2011–a aussi vu plusieurs blogueurs lutter pour leur liberté. Le blogueur Maikel Nabil Sanad [17], qui fût arrêté en mars, a été récemment condamné à deux ans de prison pour avoir critiqué le régime militaire intérimaire sur son blog. Maikel Sanad a passé la majeure partie de son incarcération  à faire la grève de la faim. Alaa Abd El Fattah [18], qui a été libéré le 25 décembre après avoir passé presque deux mois en prison, encourt toujours un procès pour plusieurs fausses accusations, un signe clair qu'il est une cible pour son franc-parler à l'encontre des militaires égyptiens. Un autre blogueur, Ayman Youssef Mansour [19], a été condamné à trois ans de prison en octobre par un tribunal civil pour blasphème sur sa page Facebook. Plusieurs autres internautes ont été intérrogés par les militaires pour avoir posté des messages en ligne. La campagne égyptienne pour arrêter les poursuit procès des civils devant les tribunaux militaires [20] a contribuée à mettre ces cas en lumière.

Un troisième pays dans la région se classe parmi les plus hostiles en 2011, même si personne ne le sait si on ne suit que des grands médias traditionnels : Bahreïn, où un soulèvement naissant a été réprimé en début d'année, a imposé des punitions sévères à plusieurs blogueurs en 2011, dont le contributeur de notre site “Global Voices Advocacy” Ali Abdulemam [21], qui a été condamné par contumace à quinze ans de prison, et qui est actuellement en clandestinité.

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Le blogueur bahreïni Ali Abdulemam à la rencontre des blogueurs arabes en 2009 à Beyrouth.

La même condamnation avait été infligée à Abduljalil Al-Singace [23]. En début d'année, les célèbres blogueurs Mahmood Al-Youif [24] et Mohamed El-Maskati [25] furent arrêtés brièvement, alors que vers la fin de 2011, Zainab Al-Khawaja [26] a été emprisonnée : son arrestation brutale a été filmée [27]. Et plus tragique encore, Zakariya Rashid Hassan Al-Ashiri [28] est devenu le second blogueur à mourir en prison en mars.

Ailleurs au Moyen Orient, la lutte continue

Peut être moins systématiquement, d'autres pays de la région ont aussi ciblés des blogueurs en 2011. Préalablement à la chute de Ben Ali, les blogueurs tunisiens Slim Amamou [29] (un contributeur de “Global Voices Advocacy”) et Azyz Amami ont été emprisonnés pendant quelques jours. Amami a été interpellé de nouveau [30] et battu par la police en septembre dernier. Son arrestation n'était pas liée à son blog cette fois-ci, mais pour avoir raconté une blague ; cela démontre combien la liberté d'expression est fragile dans ce pays.

Au Maroc, un blogueur et plusieurs activistes [31] ont été appréhendés en septembre, alors que l'Arabie saoudite alla après les blogueurs vidéo [32] qui avaient réalisés une documentation sur la pauvreté dans le pays riche en pétrole. Et dans les “UAE” (Emirats Arabes Unis), une blogueuse a subi un interrogatoire  pour un tweet [33].

Lutter pour un meilleur 2012

Ceci représente juste une fraction des personnes intimidées, harcelées, et détenues en 2011, mais illustre les combats continuels auxquels sont soumis les blogueurs, activistes, et d'autres internautes dans la région. Et comme 2012 commence avec un aussi grand nombre de blogueurs en prison, il est évident qu'il faut maintenant travailler plus pour s'assurer que tout le monde jouit de la liberté d'expression. Heureusement, un nombre grandissant d'organisations [34] de la société civile dans cette région se battent pour les droits numériques. Mais  les blogueurs doivent rester vigilants, et être conscients des risques auxquels ils font face [35] en faisant de l'activisme en-ligne. Global Voices salue ces courageux blogueurs et continuera à s'assurer que leurs voix sont entendues dans le monde entier.

Crédits photos : Jillian C. York.