Netizen Report Moyen-Orient et Afrique du Nord : Ne pas pas baisser les bras

Le rapport de ce mois a été principalement préparé et écrit par Rayna St, Danielle KehlAfef Abrougui et Tarek Amr.

Note de la rédaction: Notre première édition du ‘Netizen Report’ Moyen-Orient Afrique du Nord a reçu un accueil enthousiaste des lecteurs, prouvant que ce rapport à vocation régionale comble un manque important. En plus des sections habituelles, l'édition de ce mois contient un paragraphe ‘signalé’. Les liens sont en anglais sauf mention contraire.

Censure

La Tunisie a lancé le “Forum National sur la Gouvernance Internet” le 4 septembre, et les autorités ont déclaré la fin officielle de la politique de censure du pays — connue par beaucoup  sous le nom de Ammar 404, qui était notoirement répressive avant le printemps arabe.

Les fournisseurs israéliens d'accès Internet sont tenus de par une nouvelle loi d'informer sur l'existence de sites et de contenus “nocifs” et de fournir à leurs souscripteurs des outils gratuits servant à filter et bloquer de tels contenus.

Le gouvernement du Hamas à Gaza a pris des mesures concrètes pour réglementer l'accès aux contenus en ligne : une nouvelle loi censure désormais l'accès aux sites web considérés comme “pornographiques”.

Comme l'ont rapporté nos collègues la semaine dernière dans le Netizen Report Monde, une proposition d'amendements à la loi sur la presse et les publications en Jordanie conférerait au gouvernement un plus grand pouvoir [en français] pour restreindre la liberté d'expression, et obligerait les sites web à contenus d'actualités à s'enregister auprès de l'administration et à assumer la responsabilité non seulement pour le contenu qu'ils publient, mais aussi les  commentaires publiés par les lecteurs. Malgré les réactions négatives des journalistes et des organes de presse, le gouvernement jordanien a défendu la mesure. Celui-ci affronte en même temps les accusations de censure après avoir requis des FAI qu'ils bloquent les sites pornographiques.

Le deuxième plus grand journal d'Etat d'Egypte a annulé la publication d'une tribune d'opinion qui critiquerait les Frères Musulmans. L'incident fait partie de plusieurs cas notables en rapport avec ce que les militants de la liberté d'expression et gens de presse ont surnommé la “confrérisation” des média dans le pays.

Le quotidien égyptien Al Masry Al Youm a rapporté [en arabe] le démenti apporté à l'ancien vice-président des Frères Musulmans Hassan El-Brens, après l'information qu'il aurait appelé à couper Facebook et Twitter afin de “sauvegarder la stabilité” du pays”.

L'agence d'information Ahlul Bayt décrit la répression religieuse actuelle des chrétiens en Arabie Saoudite, où le mufti a déclaré l’ “Organisation Maison de la Paix des Chrétiens saoudiens” détachée et non-représentative de la société saoudienne. Une des mesures contre cette organisation a été la fermeture de son site internet par la Commission saoudienne des Communications et des Technologies de l'Information.

L'organe d'information Jurn Al-Jazira a rapporté [en arabe] que 32.000 sites ont été bloqués dans les Emirats Arabes Unis. Ces actes n'ont
toutefois pas été officiellement confirmés par l'Autorité de Régulation des Télécomunications émiratie.

Brutalités

Le militant bahreïni des droits de l'homme Nabeel Rajab a été acquitté de l'accusation de publication d'un commentaire “insultant‚” sur Twitter, mais condamné à trois ans de prison pour une autre infraction de “rassemblement illégal” (la réunion de cinq personnes ou plus avec l’ intention de manifester). Rajab reste en prison malgré son acquittement tandis que des élus du Congrès des Etats-Unis sont intervenus auprès du gouvernement de Bahreïn en faveur de sa remise en liberté. Treize autres militants des droits humains ont écopé dans la foulée de peines sévères, un mois à peine après la visite en France du roi Al-Khalifa de Bahreïn et l'annonce par le ministre bahreïni des Affaires Etrangères d'un accord de coopération pour l'accès à l'assistance technique des institutions françaises dans le domaine des droits de l'homme et de la réforme judiciaire.

Critique sans fard des détentions arbitraires en Arabie Saoudite et militant sur Twitter, Reema Al Joresh a été brièvement arrêté le jour de l'Aïd, le 19 août, comme l'a rapporté Osama Khalid de Global Voices [en français].

Hamza Kashgari [en français], un écrivain et militant saoudien, a été interpellé en février à cause de trois tweets qualifiés de blasphématoires parce qu'il s'adressait en égal au Prophète Mahomet. Cela a allumé une polémique et des débats enflammés dans le pays, tandis que les religieux saoudiens les plus éminents l'ont déclaré coupable d’apostasie [en français] et réclamé la peine capitale. Kashgari a écrit un poème en prison pour confirmer son repentir, mais demeure incarcéré.

Le site internet militant marocain Mamfakinch! et gagnant 2012 du Prix Breaking Borders de Global Voices continue à être la cible des attaques publiques de spyware. Le cheval de troie a reçu l'apparence d'un scoop d'information, et a été reconnu comme activant à distance les webcams et effectuant des captures d'écran.

Reporters Sans Frontières a publié une lettre ouverte [en français] à l'Armée Syrienne Libre et au Conseil National Syrien les appelant à cesser de s'en prendre aux journalistes partisans du régime. Le chien de garde de la liberté de la presse continue son travail [en français] de documentation du nombre alarmant d'internautes tués et arrêtés dans le pays.

Après la répression massive contre les internautes et militants des droits humains dans les Emirats dont nous avons parlé, le Centre Emirati pour les Droits Humains a rapporté que quatre des 51 détenus ont commencé une grève de la faim. Le Centre attire aussi l'attention sur une reprise de la répression avec six individus supplémentaires arrêtés et tenus au secret sans charges officielles contre eux.

Beshoy Kamel, un enseignant égyptien copte, a été arrêté et incarcéré quatre jours suite à des accusations de propagation de caricatures blasphématoires sur Facebook. Selon l'auteur des accusations, les caricatures diffamaient également le président égyptien, le Frère Musulman Mohamed Morsi.

Les voix toujours menacées

Parmi les voix d’internautes toujours sous la menace on compte de nombreux Iraniens [en français], le journaliste d'investigation yéménite Abdul Ilah Haydar Shae, le poète saoudien Hamza Kashgari, et les défenseurs bahreïnis des droits humains parmi lesquels Nabeel Rajab et Zainab AlKhawaja.

Politiques nationales

En Arabie Saoudite il n'y a pas que le contenu de sites internet à pouvoir être considéré comme injurieux : les noms de domaines peuvent aussi l'être par les agents publics. L’ICANN a approuvé l’augmentation du nombre de domaines à dater du 22 de ce mois ; les demandes de nouveaux domaines contiennent ainsi des labels tels que “sex”, “porn” et “gay” auxquels l'Arabie Saoudite a fait objection.

Le gouvernement égyptien projette d'étendre les activités de la compagnie à capitaux en majorité publics Telecom Egypt en lui accordant une licence d'exploitation de fourniture de services mobiles. L'idée a déjà fait polémique car l'Etat possède l'infrastructure de téléphonie fixe et de fibre optique que tous les opérateurs doivent utiliser. Les autres fournisseurs de services mobiles, privés, se sont opposés à cette décision arguant d'un marché déjà saturé et de l'égal accès aux réseaux de fibre optique de Telecom. La création d'un monopole direct ou indirect sur les télécommunications du pays provoque des craintes, et les critiques se méfient d'un contrôle politique potentiel, soutenant que la fermeture d'Internet pendant la révolution de janvier 2011 aurait été bien plus difficile avec une gamme variée et indépendante de fournisseurs.

L'Internet Masr [Egypte] Society, une entité non-gouvernementale partie prenante des actions communautaires en Egypte pour diffuser Internet comme moyen essentiel de développer la société, a publié un projet de Principes Généraux pour l'usage d'Internet [en arabe]. Ils ont aussi lancé un appel aux individus et membre de la société civile pour envoyer des compléments et commentaires. Vous pouvez les suivre sur Twitter et Facebook [en anglais et arabe].

L'Organisation Egyptienne pour les Droits de l'Homme a publié un rapport [en arabe] sous le titre ‘Terrorisme intellectuel et politique de censure’ consacré à l'état de la liberté des média dans ce pays depuis la révolution du 25 janvier. Nancy Messieh d'EgyptSource énumère les dix recommandations du rapport pour améliorer la situation en Egypte de la liberté des média, quel que soit le support (écrit, électronique, visuel, audio) et les efforts plus concrets en faveur d'un accès ouvert à l'information et de la transparence législative.

Le gouvernement iranien projette d'ôter les ministères et organismes publics essentiels de l'Internet mondial, une manoeuvre officiellement motivée par le désir du pouvoir de protéger leurs actifs des cyber-menaces. Une telle opération pourrait constituer une étape dans le plan de l'Iran de remplacer ensuite l'Internet mondial par un intranet national, une éventualité que les opposants ont déjà dénoncée comme un moyen de se couper de l'influence occidentale tout en resserrant la surveillance électronique déjà étroite des activistes et des critiques du régime.

Les activistes font savoir que les sanctions visant les régimes iranien et syrien sont des armes à double tranchant, qui compliquent l'accès de l'opposition aux services et outils en ligne empêchant de suivre à la trace l'activité des internautes. L'activiste syrien Dlshad Othman a lancé une pétition appelant les départements américains du Commerce et du Trésor à alléger les sanctions actuelles afin d’aider les activistes syriens à diffuser l'information en ligne dans une meilleure sécurité.

Les sanctions imposées par le président américain Barack Obama depuis avril contre les compagnies syriennes de télécommunication ont été contournées par les principaux FAI syriens. La bande passante Internet est principalement fournie par la Chine dans le cas de l'Etablissement syrien des télécommunications (l'entité qui contrôle l'infrastructure Internet du pays) et des sociétés ayant leur siège aux Etats-Unis.

Cyber-activisme

Après la spectaculaire redistribution des postes au sommet de l'armée égyptienne, des activistes ont lancé une campagne appelant à passer en jugement les démis. “No Safe Exit”, “Pas de sortie sans être inquiétés” en est le leitmotiv alors que le Président Morsi a rendu hommage aux officiers.

"Try Them", a graffitti from the No Safe Exit campaign by Egyptian artist Mohamed ElMoshir.

“Jugez-les”, un tag de la campagne No Safe Exit, par l'artiste égyptien Mohamed ElMoshir.

En Tunisie, Nawaat rapporte qu'un groupe local de cyber-activistes a décidé de poursuivre le Ministère de l'Intérieur pour l'utilisation d’ “Ammar404”, l'outil du régime précédent pour surveiller et censurer le web.

Le 29 août, plus de 500 sites web de Jordanie sont devenus noirs en protestation contre la censure (#BlackoutJO et #FreeNetJO), les critiques ont plaidé que les derniers développements vont nuire au secteur jordanien en pleine croissance des technologies de l'information, alors que nombre d'entreprise envisagent déjà de fermer leurs bureaux en Jordanie sous l'effet des mesures du gouvernement. Le black-out s'est accompagné d'un grand nombre de ressources explicatives [en anglais et arabe].

Cyber-sécurité

L'agence d'information Reuters a subi sa troisième cyber-attaque en août, avec un article affirmant la mort du ministre saoudien des Affaires Etrangères Saud al-Faisal. Les deux précédents piratages s'étaient traduits par la mise en ligne de messages en faveur du président syrien Bachar al-Assad et de son régime. Amnesty International a également été victime d'un piratage de ce genre fin août, lorsque les lecteurs de son blog Livewire ont vu apparaître un texte intitulé “Amnesty appelle l'ONU à empêcher les USA, le Qatar et la Turquie de financer et armer les rebelles syriens.”

Une entreprise israélienne de sécurité de l'information a annoncé l'identification de plus de 150 nouvelles victimes du cheval de Troie Mahdi, ce qui amène le nombre total d'infections à friser le millier. D'après son analyse, l'étendue de la campagne de cyber-espionnage contre l'Iran s'est élargie jusqu'à englober d'autres pays de la région.

Les hackers syriens pro-gouvernementaux ont été dits cibler les activistes avec un faux outil anti-hacking. Un nombre alarmant de journalistes et d'opposants sont ainsi devenus les cibles de logiciels malveillants de surveillance installés discrètement sur leurs ordinateurs.

Souverains du cyberespace

Google aurait censuré une campagne d'un parti israélien (de gauche) contre une récente décision du Ministère des Finances d'accorder d'importants allégements fiscaux aux multinationales.

Surveillance

Le logiciel espion de Gamma, FinFisher continue à être découvert dans un nombre grandissant d'appareils : cette fois, les chercheurs en sécurité l'ont détecté dans une large gamme de smartphones. On sait que cet outil de surveillance collecte les images, enregistre les clavardages Skype et les frappes de clavier, et a été trouvé pour la première fois dans les ordinateurs des activistes bahreïnis. Le groupe militant des technologies Telecomix collecte avec constance une énorme quantité d’information sur Gamma et ses activités avec leur opération “Cabinet Bleu”.

Au début de l'année, une ONG de défense des droits humains a porté plainte contre la société technologique française Qosmos pour la vente de logiciels de surveillance au régime syrien. Le quotidien français Le Monde a rapporté [en français] que Qosmos a contre-attaqué avec une plainte pour “dénonciation calomnieuse”.

Vie privée

L’auteur de Global Voices Afef Abrougui examine la loi sur la vie privée en cours de discussion en Tunisie. Le texte voté en 2004 sous le régime de l'autocrate Ben Ali n'assurait aucune protection aux journalistes et militants, dont les activités en ligne étaient surveillées de bout en bout. Les modifications qui seront apportées veulent réglementer l'utilisation de données personnelles par les administrations publiques.

Les bonnes nouvelles

Le gouvernement tunisien a lancé un site d'Open Data [en arabe] pour promouvoir la transparence. Le portail se propose de donner aux internautes l'accès aux données publiques, ainsi que la possibilité de les télécharger et exploiter.

En Egypte, l'Assemblée Constituante a créé Sharek (“participer” en arabe) [arabe], une initiative participative par laquelle les citoyens pourront contribuer à la rédaction de leur nouvelle constitution. Les Egyptiens peuvent maintenant envoyer leurs suggestions ou proposer des articles constitutionnels en ligne, par téléphone ou courrier.

L'organisation libanaise MARCH a lancé [en français] le Musée virtuel de la Censure, une base de données en ligne des cas de censure au Liban depuis la fondation du pays en 1943.

La Global Entrepreneurship and Maker Space Initiative (GEMSI, Initiative mondiale de l'esprit d'entreprise et espace de création) cherche des financements pour organiser deux événements de hackerspace à Bagdad en octobre prochain.

A lire

L'e-magazine indépendant de recherche Jadaliyya analyse en profondeur les “e-milices des Frères Musulmans” ou “comment charger de l'idéologie sur Facebook.”

Le portail d'information tunisien Nawaat publie un compte-rendu détaillé d'une étude sur l'usage fait de Twitter par les révolutionnaires.

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