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La boxeuse prodige du Tadjikistan raccroche les gants

Catégories: Asie Centrale et Caucase, Tadjikistan, Femmes et genre, Médias citoyens, Sport

Mavzuna Chorieva, la “Million Dollar Baby” du Tadjikistan qui a offert [1] à son pays une médaille de bronze en boxe féminine poids légers aux Jeux Olympiques d'été 2012 de Londres, a raccroché les gants, pour un an au moins. Le 27 octobre, la jeune boxeuse de 19 ans s'est mariée et a annoncé [2] [en russe] qu'elle ne remonterait pas sur le ring avant d'avoir un enfant. “J'aime le sport,” a-t-elle déclaré aux journalistes. “Mais la famille est plus importante pour moi.”

Global Voices Online a raconté [3] le 9 août comment le succès de Chorieva aux Olympiades de 2012 a fait d'elle un “exemple” pour des milliers de filles dans le pays. Un blogueur proposa [4] même que la lutteuse devienne le nouveau “symbole national” du Tadjikistan. Chorieva elle-même promit [2] [en russe] qu'elle obtiendrait l'or aux prochaines Olympiades d'été en 2016.

[5]

Après avoir gagné le bronze olympique aux Jeux de 2012, Mavzuna Chorieva a reçu un accueil triomphal dans sa ville natale de Kulob. Photo de l'agence d'information ASIA-Plus, 18 août 2012, utilisée avec autorisation.

Félicitations

L'annonce de la boxeuse a divisé la communauté des internautes au Tadjikistan. Dans un pays où la famille est communément considérée comme la composante essentielle de la vie de l'individu, beaucoup se réjouissent pour Chorieva.

Sous un article de presse relatif au mariage de la boxeuse, sur Ozodi.org, ‘Salim de Douchanbe’ a écrit [6] [en tadjik] :

Муборак шавад! Офарин! Канд зан! Кушапир шавед!

Félicitations ! Bravo ! Excellent ! Sois heureuse jusqu'à la fin de tes jours !

Au milieu de nombreuses réactions similaires, un lecteur anonyme a ajouté [6] [en tadjik] :

Дуъо мекунем, ки Мавзунабону бо чавони дустдоштааш хушбахт шаванду точикписару точикдухтарони далеру ватандорро ба дуне оранд.

Nous prions pour que Mavzuna et son [époux] bien-aimé soient heureux et aient beaucoup de courageux et patriotes fils tadjiks et filles tadjiques.

[7]

Mavzuna Chorieva et son époux dansent à leur mariage à Kulob. Photo de l'agence d'information ASIA-Plus, 27 octobre 2012, utilisée avec autorisation.

“Comme tout le monde”

Mais des internautes voient dans le mariage de Chorieva et son intention d'avoir un enfant la fin de sa carrière sportive. Certains vont plus loin et sont déçus que Chorieva, devenue un modèle pour les filles du pays, ait préféré redevenir “comme tout le monde”.

La blogueuse Shukufa a écrit [8] [en russe] sur Blogiston.tj :

С одной стороны, я её конечно понимаю. Она девушка, ей хочется обыкновенного женского счастья: муж, ребёнок и т.д.

Но с другой стороны, очень жаль, что мы теряем такой образец для подражания. Вернуться в спорт и продолжать одерживать победы после рождения ребенка будет уже, скорее всего, невозможно. Нашим девочкам будет не на кого равняться. Девочка из Куляба, которая всем своим поведением показывала: “я не такая как все”, теперь стремится доказать, что именно такая. Что она не хочет выделяться. Что хочет быть “как все”. Грустно.

D'un côté, évidemment je la comprends. Elle est une jeune fille, elle souhaite un bonheur normal de femme : un mari, un bébé, etc.

Mais de l'autre, c'est vraiment dommage que nous perdions un pareil modèle à suivre. Il lui sera pratiquement impossible de reprendre le sport et continuer à remporter des victoires après la naissance d'un bébé. Nos petites filles n'ont plus personne à qui se comparer. La fillette de Kulob [ville natale de Chorieva, dont toute la conduite exprimait, “je ne suis pas comme tout le monde,” cherche maintenant à prouver le contraire. Qu'elle ne veut pas se distinguer. Qu'elle veut être “comme tout le monde”. C'est triste.

Chorieva a dit avoir l'intention de retourner sur le ring après avoir eu un enfant et s'efforcer de gagner une médaille aux prochains Jeux Olympiques. Mais beaucoup doutent de la possibilité d'un tel retour.

Jasur Ashurov a tweeté [9] [en russe] :

Таджикистан потерял олимпийскую медалистку. Что бы она ни говорила, медалей ей теперь не видать.

Le Tadjikistan a perdu une médaillée olympique. Quoi qu'elle dise, elle ne gagnera plus de médailles.

[10]

Mavzuna Chorieva, saluée dans sa ville natale de Kulob à son retour, médaillée, des Jeux Olympiques d'été 2012. Photo de l'agence d'information ASIA-Plus, 18 août 2012, utilisée avec autorisation.

Pour d'autres, Chorieva a quitté le sport, ne serait-ce que temporairement, sous la pression sociale. Au Tadjikistan, la boxe et autres sports de combat sont traditionnellement fermés aux femmes.

Sous un article de news.tj sur le mariage de l'athlète, Faridun Bobokalon a écrit [2] [en russe] :

Это её выбор. Мы ведь все знаем, что девушка-боксер в Таджикистане это нонсенс. Чориева, видимо, не хотела, чтобы на нее всю жизнь показывали пальцем. Вот и выбрала быть такой же как все.

C'est son choix. Nous savons bien tous qu'être un boxeur féminin au Tadjikistan est un non-sens. Apparemment, Chorieva n'a pas voulu être toute sa vie pointée du doigt. Voilà pourquoi elle a choisi d'être comme tout le monde.

Lueur d'optimisme

Au milieu de cette tonalité, il y a aussi quelques voix clairsemées supposant que la “Million Dollar Baby” du Tadjikistan pourrait gagner sur tous les tableaux.

Mulex a tweeté [11] [en russe] :

А может она еще вернется и всем докажет, что можно завоевывать медали и после замужества и рождения ребенка? Надеемся на это.

Et si elle revenait et prouvait à tous qu'on peut remporter des médailles aussi après le mariage et la naissance ? C'est notre espoir.