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Netizen Report : Chroniques de la cyber-police dans le monde

Catégories: Cyber-activisme, Droit, Gouvernance, Liberté d'expression, Médias citoyens, Technologie, Advox
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Image de l'utilisateur de Flickr freefotouk (CC BY-NC 2.0)

Ce rapport a été élaboré, écrit et édité par Weiping Li [2],  [3]Chan Myae Khine [4], Hisham Almiraat [5], Renata Avila [3], Alex Laverty [6], Sarah Myers [7] et Rebecca MacKinnon [8].

Traduction Abdoulaye Bah et Thalia Rahme

Ces dernières semaines, les internautes ont vu de multiples tentatives de la part de gouvernements démocratiques d'étendre le pouvoir de surveillance dans le cyberespace dans le but de combattre et de prévenir la criminalité. Aux Pays-Bas, le gouvernement a poussé le Parlement à adopter une loi visant à faciliter la surveillance exercée par la police au-delà des frontières internationales. Reprochant à l'outil Tor [9] de rendre plus difficile le suivi des pédophiles et autres criminels ou à déterminer la géolocalisation effective des ordinateurs, le Ministère néerlandais de la justice et de la sécurité a donc proposé aux autorités de police d'installer des programmes malveillants, de rechercher à distance des ordinateurs dans des pays étrangers et de supprimer “illégaux” des fichiers sur les ordinateurs personnels en dehors des Pays-Bas sans d'abord demander l'assistance juridique des gouvernements concernés. Voir les articles de Electronic Frontier Foundation [10] et Slate [11] pour une analyse plus détaillée.

Une autre proposition controversée qui accorde plus de pouvoir de surveillance policière en ligne au Canada retourne à l'honneur après que la police canadienne a exhorté [12] le gouvernement fédéral à adopter aussi la loi Protecting Children from Internet Predators Act [13], connue comme le projet de loi C-30. Les groupes de défense de la liberté sur Internet [14], dont l’Electronic Frontier Foundation [15] (EFF), ont vivement critiqué ce projet de loi pour le fait qu'il permette la surveillance sans mandat d'activités en ligne et oblige les fournisseurs de services Internet à installer des filtres d'écoute. Actuellement, le projet de loi est encore à la Chambre.

Surveillance

Un autre appel à davantage de surveillance provient de l'Organisation des Nations Unies. Dans un rapport intitulé “L'utilisation de l'Internet à des fins terroristes” (“The Use of the Internet for Terrorist Purposes”), l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a appelé [16] à davantage de capacités de surveillance sur Internet pour poursuivre les terroristes, y compris la restriction des réseaux ouverts Wi-Fi et la recherche des données de localisation des utilisateurs. Apparemment, il n'y a pas de coordination entre l'ONUDC et le Rapporteur spécial de l'ONU sur la liberté d'expression [17].

Censure

Les fournisseurs de services Internet au Royaume-Uni ont refusé de bloquer les sites de partage de fichiers [18] en dépit des demandes énergiques de la part de la British Phonographic Industry [19] (BPI) [Association interprofessionnelle de l'industrie britannique du disque], dont les plans ont été critiqués par le Parti pirate [20]du Royaume-Uni et Open Rights Group comme “frustrants” et “extrêmes”.

Bien que Twitter ait supprimé les tweets antisémites [21] en France avec le hashtag #UnBonJuif en réponse à des menaces de poursuites judiciaires de l’Union des étudiants juifs de France [22] (UEJF), celle-ci mettrait la pression [23] sur Twitter pour révéler les noms des personnes utilisant le hashtag. Le Citizen Media Law Center procède à une analyse de cette affaire ici [24]. C'est le deuxième cas en un mois impliquant un contenu antisémite. Comme nous l'indiquions [25] dans notre édition du 19 octobre, l'entreprise Twitter a bloqué des tweets d'un compte néo-nazi en Allemagne le mois dernier en utilisant une fonction révélée récemment qui permet de filtrer un contenu dans des pays où il est illégal tout en le gardant accessible dans d'autres parties du monde où il est légal.

Un groupe de défense au Pakistan, Bolo Bhi, avertissait [26] que le gouvernement relançait des plans de filtrage et de blocage d'URL, ce qui non seulement viole les droits numériques de citoyens, mais ralentit la vitesse d'Internet.

Le quotidien The New York Times a été bloqué [27] en Chine tant dans la version anglaise que chinoise après avoir publié un article révélant la richesse de la famille du Premier ministre Wen Jiabao. Ce blocage devrait avoir de sérieuses répercussions [28] sur les revenus du journal à cause de l'interruption soudaine d'annonces publicitaires destinées à des millions de lecteurs. Les billets mentionnant l'article ainsi que toute question liée ont aussi été aussi bloqués sur le site populaire chinois de micro-blogging Sina Weibo.

Brutalités

La militante philippine anti-mines Esperlita “Perling” Garcia [29] a été accusée de diffamation et arrêtée pour un billet sur Facebook accusant le maire de Gonzaga, Carlito Pentecostes Jr., de harceler les personnes voulant participer à un projet de démonstration contre l'industrie minière. L'affaire Garcia a également suscité un débat [30] quant à savoir si l'accusation tombait sous la récemment suspendue Loi sur la prévention de la cybercriminalité [note : nous avons déjà parlé de cette loi controversée ici [31]]. Maintenant, les partisans de Garcia ont mis en place une page Facebook intitulée “Cyber-perling [32]” pour défendre la cause de la militante.

Vie privée

La société Microsoft a changé [33] sa politique de confidentialité — qu'elle appelle “contrat de service” — relative à la collecte d'informations sur les utilisateurs de ses produits Web tels que le courriel et la recherche. Les informations sur l'utilisateur d'un service peuvent maintenant être utilisées pour améliorer d'autres services. La société avait précédemment déclaré qu'elle n'allait pas utiliser [34] ces informations à des fins de publicité ciblée, mais la nouvelle politique ne dit pas explicitement qu'elle ne le fera pas. Microsoft fait actuellement l'objet d'une enquête [35] de la part des services responsables de la confidentialité de l'UE.

Le Sénat de la législature de l'État américain du New Jersey a voté un projet de loi [36] qui interdit aux employeurs de demander l'accès aux comptes de médias sociaux des employés et permet aux employés d'intenter des poursuites pour violations. Avant de devenir loi, le projet de loi doit maintenant être adopté par l'Assemblée du New Jersey.

Le Parlement de Singapour a adopté une loi sur la protection des données personnelles [37] permettant aux citoyens d'ajouter leurs numéros de téléphone mobile pour une option “Do Not Call”. Les télévendeurs n'en respectant pas les terme pourraient être condamnés à une amende de 10 000 dollars de Singapour (US $ 8 188).

Selon Gary Kovacs, directeur de la Fondation Mozilla, Firefox ne recueillerait pas les données de ses utilisateurs [38]. Le projet open source a développé deux applications qui montrent aux utilisateurs comment ils sont suivis par des outils tiers et leur permet de configurer les paramètres de sorte qu'ils ne soient pas suivis par ces parties.

Politique nationale

Les médias chinois ont signalé [39] [chinois] que le gouvernement chinois suspendra tout changement majeur aux opérations d'internet telles que la mise à jour des services lors du 8ème Congrès du Parti Communiste Chinois [40] prévu en novembre. En outre, le Bureau national pour l'information sur Internet a demandé [41] [chinois] aux bureaux gouvernementaux locaux pour le contrôle d'Internet de censurer strictement toutes rumeurs ou informations jugées contestables et ce depuis le 7 novembre jusqu'à la fin de l'évènement et ce afin de garantir la “sécurité nationale”.

Une remarque [42], formulée par le vice-président bolivien Álvaro García Linera précisant qu'il suit tous ceux qui insultent le président du pays dans les médias sociaux, a suscité une grande inquiétude parmi les internautes boliviens.

En Thaïlande, les internautes se sont également dits inquiets [43] quant au Règlement des Télécommunications Internationales (“International Telecommunication Regulations”, ITR), un traité récemment élaboré et suggéré par l'Union Internationale des Télécommunications (“International Telecommunications Union”, ITU). Ces réglementations contraindraient les usagers d'internet à payer une somme donnée en fonction de leur usage de données de même qu'elles révéleraient leur identité et l'historique du navigateur.

Droit d'auteur

Dans une plainte [44], déposée par le groupe anti-piratage BREIN Foundation [45], un tribunal néerlandais a jugé la société d'hébergement XS Networks responsable du site de partage SumoTorrent que celle-ci hébergeait. Selon BREIN, XS Networks (fermée en février) aurait refusé de divulguer des information sur le propriétaire de SumoTorrent en dépit des maintes demandes du groupe anti-piratage, ce qui aurait déclenché la poursuite. 

Souverains du cyberespace

Google a été attaqué [46] par le gouvernement sud-coréen pour avoir modifié le nom d'un ensemble d'îles sur son service cartographique Google Maps. Les îles sont le centre d'une dispute territoriale avec le Japon; elles sont contrôlées par la Corée du Sud mais revendiquées par les deux pays. Elles sont nommées Dokdo en Corée et Takeshima au Japon. Le service cartographique de Google en coréen emploie le nom Dokdo alors que le service japonais — celui de Takeshima. Google a récemment mis à jour sa version en langue anglaise remplaçant le nom de Dokdo par Liancourt Rocks. Un porte-parole du Ministère des Affaires Étrangères sud-coréen dit que Google a informé son ambassade aux États-Unis du changement de nom le 18 octobre, ajoutant que ce ”changement est inacceptable” pour son pays.

Une récente entrée [47] controversée [chinois] sur la version chinoise de Wikipédia a ravivé les craintes que les groupes en ligne pro-Pékin connus comme le “50 Cent Party” ou le “Online Navy” utilisent ladite plate-forme pour des objectifs de propagande, diffamant des militants pro-démocratie à Hong Kong et en Chine continentale. Inmediahk.net [48] [chinois], un projet de média citoyen basé à Hong Kong, explore [49] à quel point ces attaques menacent la crédibilité de cette plate-forme basée sur les connaissances et publie un entretien de deux cadres de Wikipédia, Yuyu et Albert.

La gouvernance d'Internet

Le gouvernement indien est revenu [50] sur sa suggestion de former une agence onusienne pour gouverner l'internet et ce après une grande opposition de la part de la société civile indienne.

Une nouvelle étude [51] commandée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) [52] sur le trafic sur Internet conclut que la majorité des échanges de données ont lieu sans un contrat écrit ou accord formel. L'auteure Stacey Higginbotham commente [53] les résultats comparant l'Internet à une institution communiste idéale qui, contrairement à l'Union Soviétique, fonctionne bien.

Cybersecurité

L'organisation suédoise à but non-lucratif Civil Rights Defenders [54] a installé un nouveau système CAPTCHA [55] sur son site. Le CAPTCHA est un programme permettant d'identifier les visiteurs du site pour savoir s'il s'agit d'internautes réels ou alors de robots spammeurs. Au lieu des questions traditionnelles demandant aux visiteurs de taper des lettres ou des nombres brouillés, le système donne des informations se rapportant aux droits civils et demande aux usagers de placer “une émotion convenable”.

Le site de marque-pages social Diigo, dont le nom de domaine est enregistré dans le service d'achats et de gestions de domaines de Yahoo!, a été piraté [56] pendant deux jours. Des attaquants inconnus se sont faits passer pour le propriétaire de Diigo et ont demandé à Yahoo! de transférer le domaine et ont ensuite tenté d'extorquer de l'argent à Diigo. L'affaire a été par la suite réglée et le site est revenu à la normale. Wade Ren, co-fondateur de Diigo, s'exprime sur l'attaque sur le site d'informations Techcrunch [57].

Des cybercriminels ont ciblé [58] des smartphones à bas coûts dépourvus de dispositifs de sécurité notamment ceux opérant sur des plate-formes mobiles Android et imposent des coûts de développement modiques.

Le militantisme des internautes

Un documentaire sur la liberté d'internet intitulé “freenet?” comprend un court-métrage [59] proposant des interviews avec des blogueurs, des militants et des académiciens intitulé “Les internautes contre la censure en ligne” et abordant des questions relatives aux libertés numériques. Il a été filmé lors du Sommet de Global Voices en 2012 [60] à Nairobi (Kenya) et lors du sommet du projet Mapping Digital Media à Istanbul en Turquie, la même année.

Développements positifs

En Islande, un référendum [61] demandant aux citoyens de se prononcer sur leur soutien à un nouveau projet de constitution basé sur des suggestions et des opinions soulevées sur Facebook et sur Twitter, a obtenu 2/3 des votes positifs. Les députés islandais se sont engagés à concrétiser le référendum, qui est pourtant un résultat non-contraignant. La nouvelle constitution devrait être finalisée avant le printemps 2013.

Faisant écho à l’Open Contracting Initiative [62], la Banque Mondiale révèlera ses contrats financiers [63] et ce afin d'être en conformité avec ses initiatives anti-corruption de son agenda sur le développement ouvert. Bien qu'impossible de publier l'intégralité des contrats en raison de la confidentialité commerciale, tous les documents relatifs tels l'affectation des approvisionnements ou la mise en œuvre des projets seront accessibles.

Le New York Metropolitan Museum of Art a lancé un nouveau portail [64] proposant gratuitement en ligne des versions intégrales de plus de 600 ouvrages d'art datant de 1964 jusqu'en 2012. Le contenu du portail peut être trouvé depuis Google Books ou encore le catalogue même du musée.

Publications et études

Recevoir le Netizen Report par courriel [68]

Pour les évènements à venir concernant l'avenir des droits des citoyens à l'ère numérique, voir le calendrier des événements Global Voices [69].