La difficile quête de la paix avec la rébellion du M23 au Congo (RDC)

Cet article fait partie de notre dossier Relations Internationales et sécurité.

M23 rebels on a truck in the streets of Goma

Les rebelles du M23 à bord d'un camion dans les rues de Goma (29 novembre 2012) – Photo VOA par Wikimedia Commons (Domaine Public)

[Liens en anglais ou en français] Le conflit actuel dans la région du Kivu en République Démocratique du Congo (RDC) risque de s'éterniser malgré les efforts de la communauté internationale pour négocier une trêve entre la rébellion du M23 et le gouvernement congolais. La version 2012 de ce conflit est difficile à cerner, en particulier parce que le M23 est un mouvement armé en mutation à la fois géographiquement et politiquement. Son commandement est interchangeable entre différents chefs, et le mouvement est soutenu par des influences étrangères qui convoitent les richesses géologiques de la région.

L'évolution de la rébellion du M23

Qui sont exactement les rebelles du M23 ? C'est la question que le Projet Usamala du Rift Valley Institute cherche à résoudre dans son récent rapport intitulé “De la CNDP au M23 : l'évolution d'un mouvement armé dans l'Est du Congo” (PDF). Alors que la branche armée de la rébellion est facile à définir, sa direction politique est plus insaisissable. Le rapport explique en outre :

La direction politique du M23 était principalement composée de loyalistes l'ex-CNDP [Congrès National pour la Défense du Peuple] avec Jean-Marie Runiga Lugerero, le représentant du CNDP basé à Kinshasa en tant que coordinateur politique. Cependant, il y avait aussi quelques nouveaux noms qui auraient été nommés suite aux pressions du Rwanda (…) entre mai et août 2012 ; le M23 a également commencé à renforcer son aile politique. Il a nommé plusieurs nouveaux chefs locaux, mis en place un réseau de collecte d'impôt et a établi un bureau de liaison formelle pour les humanitaires travaillant dans la zone – des structures ressemblant à celles de l'ère du CNDP. Ils ont également conçus deux sites web (www.soleildugraben.com et congodrcnews.com), une page de fans sur Facebook et plusieurs comptes Twitter administrés par eux ou leurs proches. Le 20 octobre, afin de renforcer davantage leur légitimité, ils ont rebaptisé leur bras armé l'Armée Révolutionnaire du Congo (ARC).

En effet, rudimentaire au début, la stratégie des relations publiques des rebelles du M23 est devenue de plus en plus sophistiquée pour obtenir un soutien public. Dans Jeune Afrique, Trésor Kibungula illustre l'évolution du M23 sur Facebook, d'un timide début en juillet à une plate-forme médiatique suffisamment controversée pour que Facebook décide finalement de la supprimer.

Une interview avec Bertrand Bisimwa du M23 sur le blog Congo Siaisa contribue à éclaircir la genèse du mouvement et ses prétendus objectifs primordiaux :

Le M23 est constitué de groupes armés qui ont signé l'accord du 23 Mars. Nous avons commencé par demander la mise en œuvre de cet accord. Le gouvernement nous a combattus en disant que nous n'avions pas le droit d'exiger cela [..] Aujourd'hui, en plus de l'accord du 23 mars, nous voulons une bonne gouvernance dans le pays et un gouvernement légitime. Vous devez comprendre que tout l'ex-CNDP a rejoint le M23. En fait, la plupart ne l'ont pas fait. Ce sont les autres, ceux qui ne les ont pas rejoints qui ont aidé à truquer les élections en faveur de [Joseph] Kabila à Masisi.

Le Général Sultani Makenga, le chef militaire du M23, a également donné récemment une interview où il parle de la direction fluctuante du mouvement M23, faisant le point sur la position de l'ancien chef du CNDP Laurent Nkunda et du général détenu Bosco Ntaganda au sein du mouvement.

Mis à part sa direction fluctuante, Mélanie Gouby dans le magazine Newsweek explique que le mouvement ne semble pas avoir une idéologie politique définie et semble beaucoup plus enclin à protéger les intérêts économiques et politiques des nations environnantes.

Impliquer tous les acteurs dans la recherche de la paix

Les deux nations aux enjeux les plus économiques et politiques dans le conflit sont le Rwanda et l'Ouganda. Selon les Nations Unies, le Rwanda est associé au conflit au Kivu depuis longtemps malgré les dénégations du gouvernement du président Paul Kagame. Pourtant, il y a peu d'incertitude sur le soutien du Rwanda, comme l'explique le rapport du projet Usamala :

Le soutien rwandais au M23 a été bien documenté en particulier par le Groupe d'experts des Nations Unies. Leurs conclusions ont été confirmées par Human Rights Watch, par la MONUSCO, et par au moins trois ambassades à Kigali à travers des enquêtes internes [..]

En ce qui concerne le rôle du Rwanda dans la crise, la politique américaine qui consiste à minimiser les sanctions contre le gouvernement Kagame est incompréhensible pour de nombreux observateurs.

Le gouvernement ougandais est également soupçonné d'avoir fourni un soutien logistique à la dernière offensive du M23. Dans la vidéo suivante, les députés ougandais demandent au président d'expliquer la relation avec les rebelles du M23 du Congo :

Avec autant d'acteurs impliqués dans la crise, ce qu'elle réserve pour la région est encore très flou. Le retrait définitif du M23 de Goma ? Certains combattants du M23 semblent croire fermement qu'ils seront bientôt de retour dans la ville. Les observateurs ne paraissent pas espérer beaucoup des pourparlers de paix.

Gérard Prunier, un universitaire et auteur français, soutient que le Congo et le Rwanda sont “juste en train de jouer la montre jusqu'à ce que la situation sur le terrain soit tirée au clair.” Il croit qu'il pourrait y avoir une escalade de la crise :

Si demain vous pourriez avoir la sécession du Katanga (ndlr: une région du Congo riche en minéraux) de retour dans les ouvrages, je ne serais pas surpris

Pendant ce temps, la population locale fait les frais de cette guerre sans fin. Le Programme Alimentaire Mondial indique qu'au moins 80 000 personnes sont déplacées dans la région :

http://youtu.be/mt2CMh0Gkww

ISN logoCet article et ses traductions en espagnol, arabe et en français ont été commandés par le Réseau International de Sécurité (ISN) dans le cadre d'un partenariat destiné à faire entendre les points de vue des citoyens sur les relations internationales et les questions de sécurité dans le monde. Ce article a été publié sur le blog de ISN, voir ici des histoires similaires.

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