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Les festivités du Nouvel An en Asie Centrale, entre tradition soviétique et rigorisme musulman

Catégories: Asie Centrale et Caucase, Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Arts et Culture, Médias citoyens

Depuis leur indépendance, les républiques post-soviétiques d'Asie Centrale se sont inventé une poignée de jours fériés ‘nationaux’. Mais la célébration du Nouvel An [1], le jour férié préféré des Soviétiques, reste une tradition chérie par beaucoup dans cette région. Si d'aucuns ont voulu dénoncer une fête ‘étrangère’ et ‘contraire à l'Islam’, les familles du Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan et Ouzbékistan ont célébré l'arrivée de l'année 2013 dans le droit fil de la tradition soviétique : avec un arbre de Nouvel An, Ded Moroz [2] (Grand-père Gel, avatar soviétique du Père Noël) et Snégourotchka [3] (la fée des neiges, petite-fille de Ded Moroz).

Kazakhstan

Bien que 17% des Kazakhstanais considèrent [4] [en russe] que fêter le Nouvel An est une coutume ‘étrangère’, ils sont plus de 70% à ne pouvoir l'imaginer sans Ayaz Ata (version kazakhe de Ded Moroz), Snegourotchka, et un arbre décoré. Les blogueurs Raul Garifulin [5] et Vyacheslav Firsov [6] [tous deux en russe] ont publié des photos de feux d'artifice à Almaty, la plus grande ville et ancienne capitale du Kazakhstan.

[5]

Feu d'artifice du Nouvel An à Almaty. Image de Raul Garifulin, utilisée avec sa permission.

Un autre blogueur, Ernar Nurmagambetov, a raconté [7] [en russe] son voyage à la ‘résidence’ nouvellement construite d'Ayaz Ata dans le nord du Kazakhstan :

Я не пожалел времени и денег, которые потратил на посещение Резиденции Деда Мороза. Хотя бы потому, что у 6-летней дочки, которая уже переставала верить в Деда Мороза – загорелись глазки. ))) А сын прокатился на настоящих северных оленях!!!

Je ne regrette pas le temps et l'argent que j'ai consacrés à la visite de la résidence de Ded Moroz. Ma fille de six ans, qui cessait déjà de croire à Ded Moroz, a eu ses petits yeux qui brillaient. ))) Et mon fils a monté les vrais rennes !!!

Sur VoxPopuli, le principal photo-blog du Kazakhstan, Damir Otegen a publié [8] [en russe] un photo-reportage sur les individus qui ‘travaillent’ comme Deds Moroz et Snégourotchkas durant les fêtes du Nouvel An ; Kanat Beisekeyev a publié [9] [en russe] un article sur deux blogueurs kazakhstanais vêtus en Ded Moroz et Snégourotchka qui arpentaient les grandes artères d'Almaty, souhaitant la bonne année aux passants et distribuant des cadeaux aux enfants.

[9]

Les blogueurs Vyacheslav Nerush et Konstantin Nagayev, vêtus en Ded Moroz et Snégourotchka, dans les rues d'Almaty.

Kirghizistan

Au Kirghizistan, la célébration du Nouvel An a gardé tout son attrait malgré les récents appels de certains chefs religieux et politiques à abandonner cette tradition de l'ère soviétique. Fin décembre, des religieux de ce pays à dominante musulmane avaient jeté l'anathème [10] [en anglais] sur les fêtes du Nouvel An et exhorté leurs compatriotes à ignorer ce jour. Pour enfoncer le clou, le député Tursunbai Bakir Uulu avait déclaré [11] [en kirghize] lors d'une rencontre avec des étudiants à Bichkek, que fêter le Nouvel An était ‘contraire à l'Islam’.

Les Kirghizistanais semblent être restés pour la plupart sourds à ces injonctions. Kloop.kg a publié [12] [en russe] un compte-rendu détaillé des festivités de cette année, avec un résumé du débat entre blogueurs et utilisateurs de Twitter du pays, sur le caractère approprié ou non de la fête. La municipalité de Bichkek, la capitale kirgize, a organisé [13] [en russe] un défilé géant de Deds Moroz et Snégourotchkas en l'honneur du Nouvel An.

[13]

Défilé de Nouvel An de Deds Moroz et Snegourotchkas à Bichkek. Photo du site internet officiel de la Mairie de Bichkek, utilisée avec permission.

Tadjikistan

Au Tadjikistan aussi ont été lancés des appels à l'interdiction des fêtes du Nouvel An. A la mi-novembre 2012, le site internet officiel du Parti du Renouveau Islamique du pays a exhorté [14] [en russe] les autorités de Douchanbé, la capitale du Tadjikistan, à ne pas ériger le traditionnel arbre du Nouvel An, faisant valoir qu'il était déraisonnable de dépenser de l'argent pour une fête ‘contraire à l'islam’.

Un appel qui a rencontré un soutien inattendu de certains blogueurs. Sur Blogiston.tj, Teocrat a écrit [15] [en russe] :

Лично моя позиция к этому праздника такова, что пусть каждый сам решает праздновать его или нет! А государству не следует тратить бюджетные средства на всякие торжественные мероприятия – бюджет страны и без того уже последние 20 лет находится в критическом положении. Думаю, в этой ситуации стоит сэкономить немного средств не только на праздновании НГ, но и многих других торжеств…

Mon avis personnel est que c'est à chacun de décider s'il fête ou non ce jour. Mais l'Etat ne doit pas dépenser le budget du pays pour quelques festivités que ce soit ; même sans cela, il y a 20 ans que le budget du pays est dans une situation critique. Je pense que, dans cette situation, il convient d'épargner un peu de moyens pour le Nouvel An ni de nombreuses autres festivités…

Les commentaires sur ce blog [15] montrent les dissensions entre lecteurs tadjikistanais sur les racines religieuses ou purement profanes de la tradition d'entrée dans la nouvelle année.

Sur son blog, la journaliste tadjik Zebo Tajibaeva a aussi demandé [16] [en russe] aux autorités de ne pas mettre d'arbre de Nouvel An dans les rues de cette année. Selon elle, l'arbre traditionnellement érigé par les autorités dans la capitale est tellement laid que le pays se porte mieux sans.

En réponse à ces critique, le maire de Douchanbé a annoncé [17] [en russe] que la municipalité continuerait à organiser des festivités ‘grandioses’ pour le Nouvel An. La capitale tadjik est entrée dans l'année 2013 avec le traditionnel arbre de Nouvel An, un concert géant et un feu d'artifice.

Sur NewEurasia.net, Loki publie [18] [en russe] des photos des festivités à Douchanbe.

Ouzbékistan

Début décembre 2012, on a appris [19] [en anglais] que les autorités d'Ouzbékistan avaient donné instruction à la télévision publique de ne pas montrer Ded Moroz, Snégourotchka et les arbres décorés pendant les fêtes du Nouvel An. Elles auraient aussi inventé de nouveaux noms pour les Ded Moroz et Snégourotchka de l'ère soviétique. Le ministère de la Culture a dû intervenir, et déclarer [20] [en russe] ces spéculations ‘sans fondement’.

De fait, les festivités en Ouzbékistan n'ont pas différé des années précédentes. Sur NewEurasia.net le blogueur Khayyam écrit [21] [en russe] :

Новый Год прошел <…>, и я с радостью констатирую факт, что Деда Мороза и Снегурочку никто не похитил, и они, как всегда, полноправно властвовали праздником в Узбекистане!

Le Nouvel An est passé <…>, et je suis heureux de constater que Ded Moroz et Snegourotchka n'ont pas été subtilisés ; ils ont, comme toujours, dominé à juste titre les fêtes en Ouzbékistan !

Le blogueur a également mis en ligne une vidéo [22] YouTube des festivités du Nouvel An sur la place principale de Tachkent, la capitale ouzbèque.