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Lourdes peines de prison pour des blogueurs vietnamiens accusés de dissidence

Catégories: Asie de l'Est, Viêt-Nam, Droits humains, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Politique

C'est après avoir assisté à une formation organisée à Bangkok, en Thaïlande, par le Viêt Tân (ou Parti pour la réforme du Vietnam), que quatorze personnes ont été arrêtées par les autorités vietnamiennes pour avoir prétendument participé à “des activités visant au renversement du gouvernement du peuple”. La plupart d'entre elles sont des étudiants catholiques, des blogueurs et des militants des droits de l'homme. Le 9 janvier dernier, un tribunal local les a jugés coupables [1] [en anglais] de subversion au titre de l'article 79 du Code pénal. De lourdes peines [2] de prison ont été infligées à chacun d'eux :

1. Ho Duc Hoa (13 années de prison suivies de 5 ans en résidence surveillée)
2. Dang Xuan Dieu (13 années de prison suivies de 5 ans en résidence surveillée)
3. Paulus Le Son (13 années de prison suivies de 5 ans en résidence surveillée)
4. Nguyen Van Duyet (6 années de prison suivies de 4 ans en résidence surveillée)
5. Nguyen Van Oai (3 années de prison suivies de 2 ans en résidence surveillée)
6. Ho Van Oanh (3 années de prison suivies de 2 ans en résidence surveillée)
7. Nguyen Dinh Cuong (4 années de prison suivies de 3 ans en résidence surveillée)
8. Nguyen Xuan Anh (5 années de prison suivies de 3 ans en résidence surveillée)
9. Thai Van Dung (5 années de prison suivies de 3 ans en résidence surveillée)
10. Tran Minh Nhat (4 années de prison suivies de 3 ans en résidence surveillée)
11. Nong Hung Anh (5 années de prison suivies de 3 ans en résidence surveillée)
12. Nguyen Dang Vinh Phuc (condamné avec sursis)
13. Nguyen Dang Minh Man (9 années de prison suivies de 3 ans en résidence surveillée)
14. Dang Ngoc Minh (3 années de prison suivies de 2 ans en résidence surveillée)

[3]

Des blogueurs accusés de dissidence pendant leur procès. Photo mise en ligne sur la page Facebook du Viêt Tân.

Le Viêt Tân [4] [en vietnamien] est un parti politique d'opposition, interdit au Vietnam par le gouvernement communiste en place et basé aux Etats-Unis. Le jour du procès, il a publié ce communiqué :

Ces militants [5], qui pour la plupart ont une vingtaine d'années ou un peu plus de 30 ans, n'ont eu de cesse de défendre la justice sociale, de s'engager dans le journalisme citoyen ou de participer à des manifestations pacifiques contre l'empiètement territorial mené par la Chine. En persécutant ces individus pour leur forme d'expression pacifique et leur soutien à une cause politique, le régime de Hanoï montre une nouvelle fois combien la société civile lui fait peur.

Plusieurs organismes de défense des droits de l'homme ont immédiatement réagi à l'énoncé du verdict et lancé un appel à la libération des blogueurs condamnés. Membre du Comité pour la protection des journalistes, Shawn Crispin estime notamment que la “sévérité du verdict” correspond à une volonté de museler les journalistes [6] [en anglais] :

Ces lourdes peines, outrageusement longues, sont la preuve que les autorités vietnamiennes entendent supprimer à terme toute forme d'indépendance de la presse. Nous appelons le gouvernement à revenir sur ces condamnations et à libérer tous les journalistes actuellement derrière les barreaux pour de fallacieux motifs de sécurité nationale.

Brad Adams, de Human Right Watch [7], estime quant à lui que le Vietnam devrait mettre à l'honneur ces militants plutôt que de les emprisonner :

La condamnation de militants on ne peut plus pacifiques par le gouvernement est un nouvel exemple de la peur croissante que lui inspire l'opinion de son propre peuple. Au lieu de mettre en prison ceux qui émettent des critiques, le gouvernement vietnamien devrait plutôt leur rendre hommage pour la façon dont ils abordent les innombrables problèmes auxquels le pays fait face et que les autorités elles-mêmes ont identifiés.

Quelle qu'en soit la raison, le gouvernement apparaît comme despotique aux yeux de son peuple et du monde entier quand il affirme qu'une personne essayant de faire respecter les droits des autres représente une menace pour l'état.

[8]

Amis et familles des blogueurs accusés de dissidence se sont rassemblés à l'extérieur du tribunal. Photo Viêt Tân.

Le porte-parole du bureau onusien du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, Rupert Colville, exhorte [9] [en anglais] les autorités à réviser le Code criminel vietnamien :

Nous appelons le gouvernement du Vietnam à revoir son application du Code criminel, qui conduit à emprisonner des personnes ayant critiqué sa politique, et à revenir sur tous les cas similaires qui violent les libertés d'expression et de réunion du pays.

Amnesty International estime pour sa part que les charges retenues contre les militants sont infondées [10] :

Interpréter les activités des militants comme une tentative de renverser le gouvernement est injustifié – ils ont simplement été mis en prison pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression.

Dans le même temps, la blogueuse Nguyen Hoang Vi raconte [11] [en anglais] comment elle a été harcelée sexuellement par la police alors qu'elle couvrait, le 28 décembre 2012, le procès [12] de trois blogueurs qui furent également condamnés :

Aujourd'hui, je suis particulièrement heureuse de crier doublement victoire face à vous. Tout d'abord parce qu'en dépit de la mobilisation de nombreuses personnes et des gros efforts fournis pour m'empêcher de quitter la maison, vous avez échoué et j'ai pu me rendre au tribunal comme j'en avais l'intention. Vous avez ensuite agi de manière ignoble et grossière pour tenter de me déstabiliser et de me faire peur afin que j'abandonne ma cause. Mais je veux que vous sachiez que si la violence et les gestes vils peuvent conduire certains à renoncer, il ne peut s'agir que d'êtres faibles. Avec des gens comme moi, ce genre d'actions ne peut que renforcer mon état d'esprit et ma détermination. Transmettez mes paroles à ceux qui vous ont ordonné de m'agresser ainsi. Et n'oubliez pas d'ajouter que vous ne faites vraiment pas le poids, face à une femme comme moi, pour en arriver à avoir recours à des méthodes aussi obscènes.