- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Pérou : Le lac Titicaca est pollué

Catégories: Amérique latine, Bolivie, Pérou, Environnement, Médias citoyens

[Billet d'origine publié le 8 octobre 2012 -Tous les liens sont en espagnol sauf mention contraire]

Une ancienne légende [1] raconte qu'à l'aube des temps, Manco Cápac [2] et Mama Ocllo [3], enfants du dieu soleil inca Inti [4], sortirent des eaux du lac Titicaca [5] pour fonder la ville de Cuzco et l’empire Inca [6]. Aujourd'hui, la pollution du lac Titicaca est telle qu'on ne peut guère imaginer quelle créature pourrait en sortir. [liens précédents en français]

Ce sujet a donné lieu à de nombreuses discussions, sans toutefois que beaucoup d'importance lui soit accordée.

Situé entre le Pérou et la Bolivie, le lac Titicaca est le lac navigable le plus élevé du monde (3 812 mètres au-dessus du niveau de la mer). Les deux pays sont responsables de sa préservation à travers l'Autorité binationale autonome du système hydrologique du lac Titicaca qui gère également la rivière Desaguadero, le lac Poopó et le lac salé de Coipasa [7]. Cet organisme supervise le Projet spécial du lac Titicaca [8] (Pérou) et l'Unité d'exploitation bolivienne.

Il y a deux ans, l'émission Enlace Nacional (Lien national) diffusait un reportage sur l'état du lac Titicaca près de la ville de Puno :

Le 2 février 2012, Journée mondiale des zones humides, les organisations Global Nature Fund (Allemagne) et Living Lake (États-Unis) ont proclamé [9] le lac Titicaca « Lac menacé de l'année 2012 ». Selon Alberto Rivera Lescano, directeur du Centre pour le développement social et environnemental (CEDAS – Centro de Desarrollo Ambiental y Social), les facteurs responsables de cette situation sont « les exploitations minières légales et illégales, la mauvaise gestion des déchets et les eaux usées provenant de la ville de Puno ». Pourtant, on trouve le taux de pollution le plus élevé « dans la baie de Cohana en Bolivie ».

Sur son site Internet, la radio Pachamama approfondit la question et rapporte [10] les propos de l'écologiste Moisés Duran :

“Más de un millón de litros de agua contaminada por segundo, que ingresan al lago Titicaca, provienen en su mayoría de la minería, industria y hospitales” […] Asimismo, cuestionó el trabajo del Proyecto Especial Lago Titicaca (PELT), porque no existe voluntad política para elaborar proyectos y descontaminar el lago.

Chaque seconde, plus d'un million de litres d'eau contaminée se déversent dans le lac Titicaca. Cette eau provient principalement des exploitations minières, des usines et des hôpitaux. […] L'écologiste remet aussi en question les actions menées dans le cadre du Projet spécial du lac Titicaca (PELT – Proyecto Especial Lago Titicaca) car il n'existe aucune volonté politique de prendre des mesures visant à décontaminer le lac.

Lago Titicaca. En primer plano la "lenteja". [11]

Lac Titicaca. « Lentilles d'eau » au premier plan. Photo Waiting for a voyage (En attendant de partir) du membre Flickr auntjojo, reproduction sous licence Creative Commons Attribution – Pas de Modification 2.0 Générique (CC BY-ND 2.0).

Pour sa part, le site Internet Verde y Gris (Vert et Gris) publie [12] un article sur la présence toujours plus importante de « lentilles d'eau » dans le lac :

en la bahía interior de Puno (Perú) existe la presencia de Lemna (Lemna es un género de plantas acuáticas de libre flotación de la familia de las lentejas de agua Araceae). Cubren toda la superficie del agua debido a los altos niveles de contaminación por fosfatos y nitratos. Esta planta se reproduce de forma muy rápida, lo cual complica mas su erradicación. La existencia de esta planta está produciendo la muerte de muchos peces y otros organismos del lago, ya que al cubrir la superficie impide la oxigenación correcta del agua y también produce un desagradable olor.

Dans la baie intérieure de Puno (Pérou), on note la présence de lemna (la lemna est une espèce de plantes aquatiques flottantes de la famille des Araceae). En raison de la très forte contamination par les phosphates et les nitrates, ces plantes recouvrent toute la surface de l'eau. Elles se développent très rapidement, ce qui rend leur éradication difficile. En recouvrant la surface de l'eau, elles empêchent toute oxygénation de l'eau et entraînent ainsi la mort de nombreux poissons et d'autres organismes vivant dans le lac. De plus, elles dégagent une odeur nauséabonde.

Mais une étude [13], menée par l'Université nationale agronomique La Molina, démontre qu'étant donné « la capacité de cet organisme à se développer dans des milieux difficiles, […] la gestion [de la lemna] serait une solution pour enrayer le processus d'eutrophisation du lac ». L'eutrophisation est le processus selon lequel une étendue d'eau développe, par excès de substances nutritives, une biomasse, pouvant alors entraîner un manque d'oxygène dans l'eau puis un assèchement.

Le PELT a récemment annoncé [14] le lancement de travaux visant à combattre la pollution minière. Ces travaux devraient débuter « à Crucero, dans le district de Puno, qui est traversé par le fleuve Ramis, un des principaux affluents du lac Titicaca, où des taux élevés de pollution ont été relevés ». Côté bolivien, on a également déclaré [15] qu'il « était prévu de construire des égouts sanitaires et pluviaux dans les villes de Copacabana et Gauqui ainsi qu'un centre d'enfouissement des déchets à Desaguadero afin d'empêcher qu'ils ne se déversent dans le lac Titicaca ».

Le Centre Pulitzer a réalisé une vidéo intitulée Lake Titicaca : At Risk From Upstream Urban Pollution [16] [en anglais] (Le lac Titicaca menacé par la pollution urbaine en amont) sur l'état de la contamination du lac en Bolivie.

En 2009, la Réserve nationale du Lac Titicaca [17] a réalisé une vidéo [18] sur la pollution minière au Pérou.
Ce sujet soulève également la controverse. Au mois de juin, des irrégularités [19] dans la gestion des fonds par l'Autorité binationale autonome du lac Titicaca ont été révélées. L’inefficacité de ses actions est également montrée du doigt. D'autre part, le maire de Puno, Luis Butron Castillo, a été soupçonné [20] d'avoir « commis un crime environnemental en autorisant le déversement de 80 bactéries exotiques dans les eaux du lac Titicaca ».

Les habitants de cette région ne se contentent pas de lancer des accusations. Ils protestent et utilisent tous les moyens disponibles pour attirer l'attention sur cette situation. Au mois de juillet dernier, à Puno, un groupe d'écologistes a protesté [21] sur les rives du lac Titicaca. En septembre, le groupe ATitiQaqa « sumáq káwsay-suma jakaña » [22] a proposé [23] de former une chaîne humaine autour du lac pour entrer dans le Guiness des records, espérant ainsi sensibiliser le monde entier et aboutir à l’élaboration de lois rigoureuses interdisant le déversement de produits polluants dans le lac.

À cette occasion, l'auteur a pu discuter avec Fanny, représentante de l'association « Juntos por el Titiqaqa » (Ensemble pour le lac Titicaca) qui a organisé des marches [24] en faveur d'une revalorisation écologique du lac. Voici ce qu'elle lui a expliqué :

La préservation future du lac Titicaca est incertaine mais tant qu'il y aura des gens pour s'en préoccuper, il y aura de l'espoir. Toutefois, comme le suggère le réalisateur bolivien Roberto Calasich dans son dernier film La Sirena del Lago (La sirène du lac), une sirène devra peut-être émerger des eaux du lac Titicaca pour témoigner [25] de la pollution qui la tue.

Billet d'origine publié sur le blog personnel [26] [en espagnol] de Juan Arellano.
Sous-titres en anglais de Hernan Botero [27]