Liberté provisoire pour le journaliste indien Naveen Soorinje, détenu pour avoir révélé un “contrôle de moralité”

Le journaliste de télévision Naveen Soorinje, a été arrêté le 7 novembre 2012 pour avoir révélé un incident perpétré au nom de la “moralité” par des membres de l'organisation d'extrême droite hindoue Jagaran Vedike. Ceux-ci avaient agressé un groupe de jeunes gens à Mangalore en Inde. Il a finalement obtenu une mise en liberté provisoire de la Haute Cour de justice du Karnataka.

Cette décision intervient après plus de quatre mois de campagne active de la part de la communauté journalistique, de groupes de la société civile et de militants, qui ont vu en cette arrestation une tactique d'intimidation de la police et du gouvernement pour étouffer non seulement l'incident mais également la liberté d'informer des médias.

Soorinje

Capture d'écran de la page Facebook militant pour la libération de Naveen Soorinje

Le 28 juillet 2012, Naveen Soorinje, un reporter de Kasturi TV, une chaîne locale en kannada [langue parlée dans l'état du Karnataka], a été averti d'une attaque imminente d'une ‘police de la morale’ sur un groupe de jeunes gens qui faisaient la fête dans une maison d'hôtes de Mangalore et s'est précipité sur les lieux avec son caméraman. Selon ses déclarations, l'endroit était calme à son arrivée, et l'on ne pouvait voir aucun des agresseurs à l'extérieur de la maison. Il ne savait donc pas s'il s'agissait d'une fausse alerte.

Toutefois, peu après, plus de 30 agresseurs sont apparus sur les lieux et, d’après son récit des évènements à la première personne, Soorinje a alors essayé de contacter la police mais personne n'a répondu à ses appels. Soorinje et son cameraman ont ensuite filmé l'agression, la séquence a été plus tard diffusée sur des chaînes régionales, mais également nationales, attirant ainsi l'attention du pays sur cet incident.

Alors que de nombreux agresseurs apparaissaient à visage découvert sur l'enregistrement vidéo, c'est Soorinje lui-même qui a été interpellé par la police le 7 novembre 2012 et a été accusé d'avoir participé à sa préparation. Il a été arrêté en vertu de plusieurs articles du Code pénal indien, dont association de malfaiteurs, rassemblement non autorisé, violation de propriété privée, participation à une émeute avec des armes mortelles et utilisation de la force sur une femme avec l'intention d'attenter à sa pudeur. Il aurait également enfreint des lois interdisant “la représentation indécente des femmes”.

Il a également été dit qu’avoir filmé l'incident et l'avoir ensuite diffusé sur des chaînes de télévision avait causé plus de torts aux victimes que les agressions en elles-mêmes.

Soorinje a nié ces accusations et a déclaré qu'il ne faisait que son devoir. Dans son récit à la première personne, dont la version en anglais a été publiée dans The Hoot, il écrit :

C'est l'incident que nous avons dénoncé qui est honteux, pas les images que nous avons montrées. Ce qui s'est passé le 28 juillet à Mangalore n'est ni un incident isolé ni un phénomène nouveau dans cette ville. Des incidents de ce type ont lieu chaque semaine. Les fondamentalistes ne font pas que s'en prendre à ceux qui fréquentent des garçons et des filles appartenant à une autre religion, ils les emmènent aussi au poste de police. Cet incident aurait eu lieu même si je ne l'avais pas filmé. Notre enregistrement a dévoilé le visage inhumain de ces fascistes et a conduit à l'arrestation de huit agresseurs. Quoi qu'on en dise et quels que soient les chefs d'accusation retenus contre moi, je sais que j'ai fait mon devoir de reporter et, pour moi qui ai souffert, c'est mon unique satisfaction.

Répétant qu'il n'a commis aucun crime et qu'il ne faisait que son devoir d'information en filmant (et en révélant) l'incident, la communauté journalistique, des associations de la société civile, des militants et les internautes ont fait campagne contre la politique de l'administration qui chercherait à « punir le messager ». Ils ont lançant des pétitions pour sa libération et le retrait de toutes les accusations à l'encontre du journaliste.

En décembre, sa demande de liberté provisoire a été rejetée, et la police
est passée à l'offensive en arrêtant un autre journaliste qui était également présent lors de l'incident. Toutefois, les campagnes et les protestations ont pris de l’ampleur et le gouvernement a finalement proposé de lever les accusations pesant sur Soorinje. L'annonce de sa mise en liberté provisoire est une bonne nouvelle et le reporter a lui-même déclaré avoir l'impression qu'il a été «disculpé ».

Sur Twitter en effervescence, les internautes indiens ont exprimé leur joie et leur soulagement en apprenant que Soorinje avait obtenu une mise en liberté provisoire.

Geeta Seshu (@geetaseshu) : Une nouvelle réconfortante : l'auteur naveen soorinje de mangalore a obtenu la mise en liberté provisoire du juge en chef shridhar rao de la haute cour de justice de karnataka.

Dhanya Rajendran (@dhanyarajendran) : La HC accorde la liberté provisoire au journaliste Naveen Soorinje ! Naveen est chanceux d'avoir des amis qui se sont battus bec et ongles pour lui

Kamayani (@kracktivist) : HOURRAAAAH BONNE NOUVELLE NAVEEN SOORINJE A OBTENU LA LIBERTÉ PROVISOIRE :-) http://fb.me/2cKIIZhHS

Toutefois, la lutte est loin d'être terminée, et certains voient cela comme la première étape d'une plus vaste mobilisation pour veiller à ce que les professionnels des médias ne soient plus intimidés et que la liberté de la presse soit respectée.

G. Vishnu (@geevishnu) : Naveen Soorinje obtient la liberté provisoire !!! Enfin. Et pourtant… C'est comme si la bataille ne faisait que commencer.

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