Visas entre la France et les pays africains, redéfinir les termes de l'échange

Depuis plusieurs décennies les Africains désirant se rendre en France rencontrent des difficultés pour obtenir des visas, une dérive de la politique d’immigration.

En 2008, le gouvernement français avait demandé à ses consulats en Afrique d’« accorder la plus grande attention à la délivrance des visas » aux Africains « ayant une activité professionnelle à caractère artistique, culturel, universitaire ou de recherche ». Cela ne sembla pas apporter beaucoup de changements et les artistes en 2009 s'organisaient en un comité visas artistes.

Régulièrement des « histoires de visas » défrayent la chronique.

En juillet 2012 les refus d’octroyer le visa à deux personnalités africaines le Burkinabé Halidou Ouédraogo – président d’honneur du Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) – et l’universitaire sénégalais Oumar Sankharé faisaient la une des journaux. Puis ce fut au tour de la Black Fashion Week d'être entachée par des problèmes de visas en octobre 2012.

Mais toutes ces histoires n’avaient pas reçu le même accueil que celle de Bousso Dramé.

Depuis jeudi dernier sa lettre ouverte au Consul de France au Sénégal circule sur le net et met la communauté africaine en émoi. Son indignation trouve écho chez les internautes partout dans le monde.

Lauréate du concours d’orthographe 2013 dans le cadre des concours de la francophonie, elle se voit octroyer :

un billet d’avion Dakar-Paris-Dakar et une formation CultureLab en réalisation de film documentaire au Centre Albert Schweitzer.

Mais face au comportement vexant du personnel du Consulat à Dakar, Bousso Dramé se rebelle et refuse d'utiliser son visa vers la France. Pour le symbole, au nom de tous ces Sénégalais qui méritent le respect qu’on leur refuse au sein de cette représentation de la France au Sénégal :

Cependant, durant mes nombreuses interactions avec, d'une part,  certains membres du personnel de l'Institut Français, et, d'autre part, des agents du Consulat de France, j'ai eu à faire face à des attitudes et propos condescendants, insidieux, sournois et vexatoires. Pas une fois, ni deux fois, mais bien plusieurs fois! Ces attitudes, j'ai vraiment essayé de les ignorer mais l'accueil exécrable dont le Consulat de France a fait montre à mon égard (et à celui de la majorité de Sénégalais demandeurs de visas) a été la goutte d'eau de trop, dans un vase, hélas, déjà plein à ras bord. … Renoncer au nom de tous ces milliers de Sénégalais qui méritent le respect, un respect qu'on leur refuse au sein de ces représentations de la France, en terre sénégalaise, qui plus est.

Une chronique (vidéo ci-dessous) sur Africa N°1 est consacrée à sa lettre ouverte:
http://youtu.be/AkC_CI8bnwU
Le Consul de France lui a répondu par la même voie de presse. Sa réponse révèle notamment :

Le consulat traite 32.000 demandes de visas par an, chaque préposée reçoit 35 à 40 personnes par jour.

Sur son blog Hady Ba fait les comptes :

Un visa coûte autour de 30 000 Francs CFA. Cela veut dire que les visas rapportent à l’ambassade de France au Sénégal 32 000×30 000 = 960 000 000 de Francs CFA = 1 476 923, 08 d’euros.

Et nous apprend que cet argent n’est pas remboursé lorsque le Consulat refuse le visa :

que la plupart des demandeurs se voient refuser leur visa de manière arbitraire par un Consulat qui gardera quand même le fric.

Carte des pays nécessitant un visa pour les citoyens français CC-BY.3.0

Carte des pays nécessitant un visa pour les citoyens français sur wikipédia. CC-BY-3.0

Bien que le message de Bousso Dramé ait dépassé les frontières et que plusieurs nationalités se sont identifiées à elle : l’accueil exécrable réservé aux demandeurs de visas dans les consultas français étant un fléau en Afrique, elle a quelques détracteurs qui la trouve hautaine et qui critiquent la signature de sa lettre dans laquelle  met en avant ses diplômes :

Quelque chose me dérange: Bousso Dramé me fait penser à ces gens, habitués aux 1ères classes et qui pour rien au monde ne voudront s’asseoir en classe éco. Elle n’a pas eu besoin de ce concours pour connaitre la France (où les comportements envers les africains dans les préfectures sont encore pire que dans les ambassades)… et il est plus que certain que dans quelques semaines elle fera le tour des plateaux télés français pour expliquer le ras-le-bol de l’Afrique quant aux traitements « inhumains » de la France etc…

Hady Ba conclut son billet :

Mme Dramé contribue à redéfinir les termes de l’échange et c’est une bonne chose. Nos autorités devraient en prendre la graine.

Mais laissons le dernier mot à Jacques Enaudeau [en] :

As far as Senegal is concerned, this is all very good news and confirmation that the Nouveau Type de Sénégalais called forth by Y’En A Marre comes in all shapes and sizes. It is however a pity and an outrage that France has not yet come to terms with such a simple reality.

En ce qui concerne le Sénégal, il s'agit de très bonnes nouvelles et la confirmation que le nouveau type de Sénégalais désiré par Y'en a marre n’est pas fait dans un seul moule. Il est cependant regrettable et scandaleux que la France n’entende pas cette réalité simple.

A partir du 01 juillet 2013, le Sénégal met graduellement en place la réciprocité des visas.

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