Tadjikistan: Une députée contre les mariages mixtes, “en particulier avec les Chinois”

Il est rare que les députés du parlement docile du Tadjikistan alimentent les conversations du pays, mais le nom de Saodat Amirshoeva, une femme députée avec de fortes opinions sur les mariages mixtes, finit par être sur toutes les lèvres.

Les initiatives législatives de Mme Armishoeva, une élue du Parti démocratique du peuple du président Emomali Rahmon, s'intéressent essentiellement au mariage. Déjà en 2010, elle a proposé de relever l'âge du mariage pour les filles à 22 ans, alors qu'au début de cette année, elle a mené une tentative avortée d'interdiction des mariages entre cousins ​​germains. Là voici de retour sur son thème de prédilection en demandant aux femmes tadjikes de ne pas compromettre le patrimoine génétique national en se mariant à des non-musulmans, “surtout chinois”.

MP Amirshoyeva (RFE/RL)

La députée Amirshoyeva (RFE/RL)

Mme Amirshoeva n'est pas généticienne de métier, pas plus que diplomate. La Chine est le plus grand et le plus riche des pays limitrophes du Tadjikistan, et donc, l'un des partenaires stratégiques les plus importants de Douchanbé. En fait, la fixation de l'élue sur la Chine repose sur un sentiment plus large de vulnérabilité inspiré à de nombreux Tadjiks par la présence croissante de la Chine dans le pays. En mai, un membre de l'opposition affirmait que les gardes-frontières chinois s'avançaient toujours plus loin dans le territoire tadjik, un peu plus de deux ans après que la république montagneuse eut de manière controversée [anglais] cédé des terres à Pékin. Quand les médias russes se sont bruyamment saisis de l'information, ces allégations se sont avérées [russe] très difficiles à vérifier.

Mais revenons à Mme Amirshoeva, qui a déclaré [tadjik] le 1er juillet :

Ман ба муқобили он ҳастам, ки духтарони ҷавон бо намояндагони динҳои дигар ва миллатҳои гуногун – рус, чинӣ ва дигар халқиятҳо оила барпо кунанд, ки ба анъана ва суннатҳои миллии мо манфиат намоваранд…Фикр мекунам, ки марди мусалмон метавонад бо хонумҳои мазҳаби дигар оила барпо кунад. Аммо ман муқобили он ҳастам, ки духтарони тоҷики мусалмон бо намояндагони дини дигард, алалхусус бо чиниҳо оила барпо кунанд

Je suis contre les mariages de filles tadjikes avec des hommes d'autres religions ou nations – russes, chinois, ou autres. Ils ne bénéficieront pas à nos coutumes et traditions … Je pense par contre que les hommes musulmans du Tadjikistan peuvent se marier avec des femmes d'autres religions. Mais je suis contre le fait que des jeunes filles musulmanes-tadjikes épousent des hommes d'autres religions, en particulier chinois.

La députée Amirshoeva n'a pas précisé pourquoi elle considère que la Chine comme une religion distincte, ni si les non-musulmans pouvaient se convertir pour ensuite épouser des femmes tadjikes (“posez la questions aux mollahs”), mais son point de vue sur le mariage et son opposition envers des prétendants potentiels de l'Empire céleste est partagée par certains et critiqué par d'autres. Un commentateur sur le site d'information web Asia Plus, sous le pseudonyme “тима”, a plaisanté [russe] :

Добро пожаловать в средневековье. г-жа Амиршоева забыла упомянуть что право первой брачной ночи надо отдать верховному вазиру.

Bienvenue au Moyen-Age. Mme Amirshoeva a oublié de mentionner que les droits [conjugaux] de la première nuit appartiennent au Grand vizir.

Un autre commentaire ironique est venu [russe] de cuckooev :

 Целиком поддерживаем высказывания нашей глубокоуважемой депутатши. Будем поддерживать генофонд.
с уважением пациенты психклиники “Кокташ”

Nous soutenons entièrement les déclarations de notre chère députée. Nous voulons maintenir notre patrimoine génétique. Cordialement, les patients de l'hôpital psychiatrique “Koktash” [une célèbre institution psychiatrique à Douchanbé]

Анушервони Одил (Anushervoni Odil) a déclaré [russe] :

Совершенно верно! Женщина мусульманка не должна выходить замужь за неверного. Хорошо что у нас есть люди которым не безразлично честь и достоинства нации.

Tout à fait juste ! Une femme musulmane ne doit pas épouser des adeptes d'une autre foi. Il est bon que nous ayons des gens qui se soucient de l'honneur et de la dignité de la nation.

Dans le reportage de Asia Plus, Mme Armishoeva dit que ses vues étaient strictement personnelles et qu'elle n'était pas sur le point de faire pression pour une autre loi sur le mariage puisque le Tadjikistan était une société “démocratique”. Mais dans un entretien séparé avec le site de l'agence d'information Ozodagon, elle semble suggérer [tadjik] le contraire :

Дар ҳақиқат имрӯз мо мебинем, ки духтарони мо аз паси бойгарию пулу мол рафта, ба мардони миллати дигар издивоҷ менамоянд, ки барои ҳамаи мо модарони тоҷик бисёр аламовар аст. Мо мардуми тоҷик, ки мусалмон ҳастем ва дар дини мубини ислом қарор дорем, ягон хел ҳуқуқ надорем, ки бо мардони ғайри дин издивоҷ намоем. Ман ҳамчун вакил ба Шумо ваъда медиҳам, ки агар чанде Конститутсия озодии никоҳро кафолат медиҳад Худо хоҳад ман ҳаракат мекунам, ки барои пеши ин амалро гирифтан ягон чораи дахлдор ҷӯям.

En effet, nous voyons les femmes tadjikes courir après la richesse et épouser des hommes d'autres nationalités, ce qui est très regrettable pour nous, mères tadjikes. Nous, les femmes tadjikes, en tant que musulmanes, nous n'avons pas le droit d'épouser des hommes de religions différentes. Comme député, je m'engage à lutter contre la liberté du mariage garanti par la constitution.

Si les commentaires de Mme Armishoeva ont eu un effet, c'est de rappeler [russe] aux internautes un point sensible – la vente de portions du territoire tadjik à leur puissant voisin de l'est en 2011.

Comme УЧИТЕЛЬ ГЕОГРАФИИ (professeur de géographie) le rappelle [russe] :

ТАДЖИКСКУЮ ЗЕМЛЮ КИТАЙЦАМ ПРОДАВАТЬ МОЖНО, А ЗАМУЖ НЕЛЬЗЯ? МОЗГОВ НЕТ У НАШИХ ДЕПУТАТОВ

Il est donc possible de vendre des terres du Tadjikistan aux Chinois, mais pas de les épouser? Nos députés n'ont pas de cerveaux.

China TJ

L'image de couverture de Platforma - un groupe Facebook ouvert les Tadjiks peuvent discuter de questions politiques - qui soutient que ce sont les transactions foncières frauduleuses avec la Chine, plutôt que la procréation avec les Chinois, qui constituent la plus grande menace à la souveraineté nationale. L'homme représenté est le président Emomali Rahmon du Tadjikistan. La légende dit: “Si vous avez quelque chose à dire au gouvernement tadjik c'est ici l'endroit!

Ce billet fait partie du projet des stagiaires de GV en Asie centrale à l'Université américaine de l'Asie centrale à Bichkek, au Kirghizistan.

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