Pourquoi Madagascar n'arrive pas à fixer la date des élections

Quatre ans après le putsch militaire qui a plongé le pays dans la crise politique en 2009, Madagascar n'arrive toujours pas à trouver une issue.

Une des étapes cruciales de la feuille de route, un accord signé par le chef du gouvernement de transition et trois des quatre partis d'opposition, qui esquisse une sortie de crise, consiste en l'organisation d'élections libres et transparentes. Pourtant, la date de l’élection présidentielle n'en finit pas d'être retardée et repoussée.

Le pays est embourbé depuis si longtemps dans la crise que la question récurrente chez les observateurs est de savoir si l'actuel gouvernement de transition dépassera en durée le plus long de ses prédécesseurs élus de Madagascar. De surcroît, le désarroi politique est tel que le premier ministre a déclaré que dans son opinion, il n'y a actuellement pas de chef d'Etat en exercice à Madagascar.

Quel est le problème ?

A la date limite de dépôt des candidatures à l'élection, il y avait 49 candidats déclarés à la présidentielle. La date du scrutin ayant repoussée de mai à juillet, puis à une date à fixer courant 2013, une poignée de candidats ont déjà quitté la course, tandis que trois autres ont été requis par le groupe international de médiation (GIC-M) de retirer leurs noms pour se conformer avec l'esprit de la feuille de route.

Les trois personnalités politiques dont les candidatures ont été jugées inacceptables par le GIC-M sont l'actuel président de la transition, Andry Rajoelina ; le déjà deux fois président de Madagascar Didier Rastiraka, en fonction de 1975 à 1993 et de 1997 à 2002 ; et Lalao Ravalomanana, l'épouse du président déchu Marc Ravalomanana.

Le représentant de l'Union Africaine Ouedraogo explique la vision qu'a le GIC-M des élections malgaches :

C’est vrai que ces candidatures ne respectent pas toute la légalité, mais la situation des Malgaches est telle que, après quatre ans de crise, il vaut mieux chercher la solution. Et la solution, nous, nous disons qu’avec une pléthore de candidatures – une pléthore parce qu’il y a 41 candidatures – il suffit de responsabiliser les Malgaches, de leur faire confiance, et ils feront le bon choix pour eux-mêmes

Aucun des trois candidats ne semble pourtant prêt à abandonner la course. La photo ci-dessous montre M. Rajoelina en campagne dans l'ouest de Madagascar, sous couvert d'un quelconque événement officiel (la campagne présidentielle n'a pas officiellement commencé puisque la date de l'élection n'est pas encore fixée) :

Rajoelina campaigning in the Mahajanga, Madagascar,  July 2013. Image posted on Facebook by Patrick Raharimanana with permission.

Rajoelina en campagne à Mahajanga, Madagascar, juillet 2013. Photo postée sur Facebook par Patrick Raharimanana, avec permission.

Lalao Ravalomanana a déclaré au Wall Street Journal [anglais] :

Je suis candidate à la présidence, il n'y a rien eu récemment pour me faire changer d'avis. Je suis prête à subir des sanctions personnelles pour mes convictions [..] L'issue que veulent tous les citoyens malgaches, c'est un accord sur une date d'élections ; rien de plus, rien de moins. Après quoi ce sera aux gens de décider qui ils veulent comme prochain Président. Tous les quarante-et-un candidats devraient être autorisés à présenter leur programme.

Le reste des candidats invitent la société civile malgache à se mobiliser et tout faire en son pouvoir pour obtenir la fixation une fois pour toutes d'une date d'élection. Dans ce but, une pétition a été lancée et signée par 21 des 41 candidats encore en lice.

Les Etats-Unis se sont aussi prononcés en faveur d'une élection incluant tous les 41 candidats cette année.

Qui profite des retards, qui est pénalisé ?

Comme déjà dit, de nombreux observateurs se demandent combien de temps durera le gouvernement de transition et comment le pays peut mettre fin à la crise. Le problème sous-jacent est que l'administration actuelle n'est pas disposée à se dépouiller de son pouvoir, comme l'illustre le départ en campagne de Rajoelina. Plus le statu quo dure, plus longtemps ils peuvent se maintenir en place.

Zafy Albert, un ex-président, a affirmé que l’un des principaux obstacles est l'armée, l'institution qui a elle-même mis en place le pouvoir actuel :

Zafy confirme que le blocage c'est l'Armée mais que des négociations sont en cours

Les raisons de continuer à s'accrocher encore un temps apparaissent clairement sur une récente infographie publiée par l'agence publique OMNIS, à qui a été confiée la mission gérer, développer et promouvoir les ressources pétrolières et minières à Madagascar :

natural ressources of Madagascar and the corporations vying for them. Graph posted by  Front Patriotique Malagasy on Facebook, with his permission

Les ressources naturelles de Madagascar et les sociétés en concurrence pour leur exploitation. Carte publiée par l'agence OMNIS sur Facebook, avec permission

La carte liste tous les sites pétroliers  de Madagascar et les multinationales qui ont signé des contrats pour exploiter les ressources minières dont dispose le territoire. Le manque de transparence sur la teneur de ces contrats empêche les Malgaches de connaître les termes exacts des accords et quels en sont les bénéficiaires. Autre raison de demeurer plus longtemps au pouvoir, la poursuite de la lucrative contrebande de bois de rose [anglais].

Si la transition prolongée profite à quelques privilégiés, elle pèse lourdement sur la population ordinaire. Une étude récente montre que la crise politique a occulté une crise économique et sociale plus pernicieuse : alors que Madagascar était déjà au nombre des pays les plus pauvres, à présent neuf Malgaches sur dix vivent avec moins de deux dollars par jour. Les chiffres montrent qu'il y a quatre millions de personnes en situation de pauvreté de plus dans le pays depuis 2009.

La vidéo suivante d'Eric Rabemanoro détaille les effets de la crise sur le chômage, le pouvoir d'achat et la criminalité :

A ce stade une sortie de la crise n'est plus seulement une question de politique, elle met en jeu la survie de la majorité de la population. Point d'interrogation aveuglant : où sont au juste les priorités de l'élite politique et de la communauté internationale ?

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