Un guide religieux saoudien apporte la ‘preuve scientifique’ que les femmes ne devraient pas conduire

"God did not say I can't drive," reads this sign posted on the We The Woman N7nu flickr account

Sur cette affiche publiée sur le compte Flickr de N7nu We The Woman, on peut lire “Dieu n'a jamais dit que je ne devais pas conduire”

En Arabie Saoudite, les femmes n'ont pas le droit de conduire. Alors que onze mille d'entre elles ont décidé de braver cet interdit par le biais d'une pétition, un homme d'une grande sagesse a enfin pu expliquer, preuves scientifiques à l'appui, pourquoi il était préférable que les femmes ne conduisent pas. Dans une interview donnée à la version en ligne du journal Sabq, le Cheikh Saleh al-Lehaydan, consultant judiciaire et psychologue pour le compte de l'Association psychologique du Golfe, a fait part de nouvelles révélations dans le domaine médical de la reproduction humaine [en arabe]:

وتابع: “إلى جانب أن المرأة إذا قادت السيارة لغير الضرورة – كما تقدم – قد يؤثر ذلك عكسياً على الناحية الفسيولوجية؛ فإن علم الطب الوظيفي الفسيولوجي قد درس هذه الناحية بأنه يؤثر تلقائياً على المبايض، ويؤثر على دفع الحوض إلى أعلى؛ لذلك نجد غالب اللاتي يقدن السيارات بشكل مستمر يأتي أطفالهن مصابين بنوع من الخلل الإكلينيكي المتفاوت لدرجات عدة”.

Il ajoute : “De plus, si la femme devait conduire sans que ce soit utile, cela pourrait l'affecter d'un point de vue physiologique; le cas a été étudié dans le domaine de la physiologie fonctionnelle et il s'avère que les ovaires sont automatiquement affectés, que la poussée du bassin est contrariée, et c'est ce qui explique que la plupart des femmes qui conduisent régulièrement des voitures donnent naissance à des enfants qui présentent des problèmes de santé d'ordre varié.”

Le Cheikh Lehaydan a tenu ces propos alors que des activistes saoudiennes militent pour que le 26 octobre devienne un moment où les femmes pourront conduire. Son appel à conjurer les femmes à “bien réfléchir aux conséquences négatives” d'une telle activité a trouvé écho chez d'autres citoyens saoudiens au sens civique poussé [en arabe]:

Ceux qui appellent à une manifestation pour autoriser les femmes à conduire le 26 octobre ont été nourris au sein de l'Occident, et ce lait les a rendus grands et gros. Cette tribu imite maintenant l'Occident et tente d'américaniser notre société.

Seulement ‘les mains étrangères,’ un refrain qui revient souvent au Moyen Orient quand il s'agit de dénoncer les atteintes faites aux droits de l'homme, ne sont pas les seules coupables à s'opposer à une interdiction qui existe depuis longtemps :

Que Dieu me soit témoin, les laïcs et les chiites travaillent main dans la main pour que les femmes puissent être autorisées à conduire. Voilà qui prouve que ce sont les pays de l'ouest qui ont amené et soutiennent ce débat.

Eman al-Nafjan a publié sur sur son compte Tweeter une image de l'apocalypse à venir:

Quelque Saoudien misogyne a crée cette affiche pour expliquer que si les femmes se mettent à conduire, cela mènera au communisme, à la drogue, au libéralisme, …

(Le slogan de l'affiche dit : “Ils veulent qu'elles conduisent pour qu'elle soit conduite”.)

La fabuleuse découverte scientifique faite par le Cheikh al-Lehaydan ne pouvait pas rester longtemps dans l'ombre. Sur Twitter, le hashtag, #قيادة_المرأة_تؤثر_على_المبايض_والحوض, qui signifie que “les femmes qui conduisent se créent des problèmes aux ovaires et au bassin”, a connu un vif succès et les commentaires liés aux connaissances scientifiques d'Al-Lehaydan ont été nombreux :

Quelle mentalité nous avons :/ L'homme est allé dans l'espace et vous interdisez toujours aux femmes de conduire? Idiots

Quand la bêtise épouse le dogmatisme dans la chapelle des traditions médiévales, voici le fruit de leur union.

C'est dans ces moments-là que je comprends que certaines personnes se suicident.

S'il vous plaît, un peu de respect, si vous ne voulez pas nous voir conduire, tâchez au moins de trouver une raison vraiment valable

Les femmes ne sont pas les seules à critiquer et faire preuve de sarcasme avisé :

Après de longues études cliniques et psychologiques, les scientifiques ont enfin découvert pourquoi les femmes ne savent pas faire un créneau : à cause de leurs ovaires

Qu'est-ce que c'est ? J'en ai parlé à mon médecin et elle m'a dit “Comment peut-on être aussi ingnorant? Ces théories n'ont rien à voir, ni de près ni de loin, avec la médecine !”

Les religieux saoudiens ne racontent vraiment que des conneries

Richard Dawkins, scientifique (masculin) de renom et fervent critique de la religion, fait cette observation:

Pourquoi les femmes saoudiennes ne doivent-elles pas conduire ? Parce que cela endommage leurs ovaires et leur bassin. http://t.co/r1BnHWrLDC Oh JE VOIS, ce n'est pas la religion qui le dit mais la science !

A quoi @Seeektrooof a répondu:

Voilà comment ils l'ont découvert.

Sarcasme mis à part, l'opposition à cette interdiction pour les femmes de conduire en Arabie Saoudite est une bataille menée depuis longtemps. En effet, le premier mouvement d'opposition à cette interdiction a eu lieu en novembre 1990 (anglais) quand 47 femmes ont pris le volant pour traverser Riyad, la capitale. Elles ne furent pas seulement arrêtées mais nombre d'entre elles furent également interdites de voyage et suspendues de leur occupation professionnelle. Mai 2011 fut un moment marquant de ce mouvement de protestation après que l'activiste saoudienne pour le droit des femmes Manal al-Sharif fut arrêtée pour avoir diffusé une vidéo sur YouTube dans laquelle on la voit conduire. Elle resta en prison plus d'une semaine, devenant ainsi un modèle pour de nombreuses femmes en Arabie Saoudite et dans tout le Moyen Orient. En juin 2011, de nombreuses Saoudiennes à travers le royaume ont suivi l'exemple de Manal al-Sharif en participant à la campagne “Women2Drive”; elles ont défié l'interdiction qui leur était faite en conduisant dans les rues de leurs villes.

D'ailleurs en Arabie Saoudite, il n'est écrit dans aucun texte de loi que les femmes n'auraient pas le droit de conduire. Le responsable de la police religieuse saoudienne lui-même a également dit que “la charia ne dit nulle part que les femmes ne doivent pas conduire”, insistant sur le fait que, depuis qu'il était à la tête du Comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice, la police religieuse n'avait poursuivi ou arrêté aucune femme qui conduisait. Cet interdit tient donc bien ses racines dans les traditions conservatrices du pays.

Depuis, la mobilisation pour mettre un terme à cette prohibition oppressive ne cesse de grandir et les actes de désobéissance citoyenne se sont multipliés. En plus des courageuses prises de position des principaux médias en Arabie Saoudite, la campagne du 26 octobre a également reçu l'immense soutien de nombreuses personnalités publiques du pays. Madeha Al-Ajroush, la courageuse activiste qui a pris le volant en 1990 et en juin 2011, a déclaré:

Oui, je conduirai à nouveau le 26 octobre.

Sur Twitter, par le biais du mot-dièse #أنا_رجل_مؤيد (“Je suis un homme et je soutiens”), des hommes ont également montré publiquement leur soutien :

[mot-dièse] Je suis un supporter homme [des] [mot-dièse] femmes conduisant le 26 octobre. [Mot-dièse] Tweetez avec une photo.

Commentaire en anglais : Les hommes saoudiens pour les femmes au volant #October 26

L'affiche tenue par l'homme dit [arabe] :

“J'en ai marre de travailler comme chauffeur pour mes six soeurs.”

Alors qu'elle recevait une récompense pour « contestation créative » au Forum d'Oslo pour la liberté , Manal al-Sharif a expliqué que : “La pluie commence toujours avec une simple goutte”. Il semblerait que le ciel de l'Arabie Saoudite se soit bien assombri.

Leila Nachawati a contribué à cet article.

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.