Six personnalités qui ont fait ou font Madagascar

Dans l'actuel climat politique clivé de Madagascar (après les élections du mois dernier, le deuxième tour de la présidentielle est fixé au 20 décembre 2013), il y a très peu de figures unanimement révérées par les Malgaches. Découvrez ici six personnages contemporains de Madagascar qui ont transformé la Grande Ile.

Albert Rakoto Ratsimamanga, le pionnier de la science 

Albert Rakoto Ratsimamanga via arom asso

Albert Rakoto Ratsimamanga via arom asso CC-BY-2.0

Albert Rakoto Ratsimamanga est de loin le savant le plus renommé de Madagascar. Il s'est rendu célèbre par son vaste travail consacré à une meilleure compréhension des propiétés médicinales de la flore endémique unique de Madagascar. Il est crédité de près de 350 publications scientifiques allant de la fonction de la glande surrénale aux remèdes naturels du diabète.

Voici ce qu'il a dit de l'interaction entre la nature et la population malgache :

Nous devons avancer à notre rythme, nous devons avant tout avoir confiance en nous-mêmes et dans les vertus thérapeutiques de la nature. Car la nature et l'homme ne font qu'un.

Dans la vidéo ci-dessous [en français], Ratsimamanga décrit le corps de son oeuvre et sa passion de la recherche :

L'entretien relève que

(Rastimamanga) a mis au service de son pays le fruit de ses connaisances modernes conciliées au savoir empirique des guérisseurs malgaches 

Mais son oeuvre scientifique n'est qu'une moitié de sa vie. Il a aussi été un élément majeur du mouvement pour l'indépendance malgache d'avec la France en tant que co-fondateur de l'Association des Etudiants Malgaches (AEOM), une des organisation à l'avant-garde de la lutte contre le colonialisme.

Cover of Gisele Rabesahala biography via ocean editions CC-BY

Couverture des Mémoires de Gisèle Rabesahala via ocean editions CC-BY

Gisèle Rabesahala, la patriote 

Gisèle Rabesahala a été l'une des figures de proue de la lutte pour l'indépendance de Madagascar. Journaliste et militante politique, elle a créé le journal Imongo Vaovao. Elle a aussi été la première femme malgache élue, en 1958 au conseil municipal d'Antananarivo, la capitale de Madagascar. Elle est morte en 2011, et Internet a débordé d'hommages à sa mémoire.   

Le blog Gradiloafo a relevé ses activités caritatives multiples et son militantisme politique : 

Dans le social, Gisèle Rabesahala a été la fondatrice de l'ONG Comité de solidarité de Madagascar ou « Fifanampiana malagasy » qui œuvre, en l'occurrence, dans l'aide aux démunis [..] Militante engagée dès son jeune âge dans la lutte pour la souveraineté du pays, elle était de tous les mouvements de jeunesse solidaires de la libération des pays sous la tutelle coloniale 

Jean-Luc Raharimanana, le gardien de la mémoire 

Raharimanana on flickr by Gangeous CC-BY-2.0

Jean-Luc Raharimanana. Photo sur Flickr de Gangeous CC-BY-2.0

Jean-Luc Raharimanana est un écrivain malgache. A 20 ans, il avait déjà obtenu le Prix de poésie Jean-Joseph Rabearivelo pour ses premiers poèmes. Ses écrits sont appréciés pour leur description des beautés de la nature dans sa patrie, mais aussi de la pauvreté sordide qui y règne, notamment dans les bidonvilles. Dans son oeuvre, légendes et superstitions anciennes se juxtaposent à l'histoire politique contemporaine.

Catherine Bédarida, une critique littéraire de France, a écrit sur Raharimanana et son livre “Nour, 1947″ :

 “Nour, 1947″ son premier roman, est à la fois livre d'histoire, oratorio, récit poétique, pages battues par les vents, l'océan, le sel, le sang.  1947, c'est l'heure de l'insurrection malgache. La colonie française voit le retour de ses tirailleurs, enrôlés dans la deuxième guerre mondiale, qui rêvent de se libérer à leur tour de l'occupant. La répression fait des milliers de morts. [..] ” Les mots s'en sont allés et nous ont laissés sans mémoire “ : reconstituer la mémoire de Madagascar, telle est l'obsession du narrateur. 

Erick Manana, l'icône de la culture

Erick Manana est un chanteur-compositeur qui a été appelé le “Bob Dylan de Madagascar”. Sa carrière de musicien professionnel a débuté en 1982 dans le groupe Lolo sy ny Tariny. Manana a été récompensé de plusieurs prix, et il a fêté ses 35 ans de carrière en 2013 à l'Olympia, la salle parisienne historique.

Uli Niebergall écrit de Manana :

Le répertoire de Manana fait alterner harmonieusement ballades lyriques (comme “Tany niaviako”) et des mélodies pop aux irrésistibles rythmes libres et complexes (comme “Izahay tsy maintsy mihira”), et un public appréciatif réagit avec enthousiasme à chaque note et syllable. Les paroles des chansons de Manana parlent souvent de la vie quotidienne des Malgaches. [..] Manana ne se limite pas pour autant aux influences de sa mère-patrie : il déploie un éclectisme particulier dans son choix de chansons d'autres artistes, tant géographiquement que stylistiquement. Par exemple, en hommage à Air Madagascar qui couvre la distance entre Paris et Antananarivo, il a remodelé “Amazing Grace” en une chanson appelée “Vorombe tsara dia” (L'avion qui vole bien). Il chante une version malgache de la “Suzanne” de Leonard Cohen, qui sonne d'une fraîcheur étonnante.

Voici une vidéo d'une de ses plus célèbres chansons, “Izaha tsy maintsy mihira”:

Jacques Rabemananjara, le précurseur politique  

Jacques Rabemananjara était un homme politique, dramaturge et poète malgache. Il est né en 1913 dans une petite ville de la baie d'Antongil, sur la côte orientale de Madagascar. Rabemananjara est considéré comme un des auteurs les plus prolifiques de la Négritude, le mouvement littéraire et idéologique développé par les intellectuels francophones noirs qui rejetaient le racisme colonial français. Léopold Sédar Senghor, le célèbre écrivain sénégalais devenu président de son pays, est le fondateur de ce mouvement. Rabemananjara fut suspecté d'avoir aidé à fomenter l’insurrection malgache manquée de 1947 contre le régime colonial, malgré le fait qu'il avait appelé les insurgés au calme. Il fut arrêté et condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Le blog Green Integer a retracé sa vie

Après avoir quitté l'école, Rabemananjara devint un organisateur du premier syndicat de fonctionnaires malgaches, et co-fonda La Revue des Jeunes de Madagascar, un périodique qui se faisait l'écho de sentiments nationalistes contraires aux maîtres français, qui obligèrent le magazine à cesser sa publication au bout de 10 numéros. Pendant la guerre en France il rencontra les membres du mouvement de la négritude, dont Léopold Sédar Senghor et Alioune Diop, qui contribuaient à la revue africaine Présence Africaine. [..] Mais en 1947, les révolutionnaires malgaches attaquèrent une installation militaire française. Les autorités répliquèrent en tuant ou blessant quatre vingt-mille Malgaches. Et, sans aucune preuve que son Mouvement démocratique de Rénovation Malgache fût impliqué, Rabemananjara fut menacé de mort, soupçonné d'avoir organisé l'insurrection. Jugé, déclaré coupable, il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité. Son Antsa (Chant), publié en France en 1956, a fait de lui un héros national, et l'a associé encore plus étroitement à Senghor et Césaire.

Rado, le poète  

Georges Andriamanantena [malgache], plus connu sous le nom de Rado, est un poète malgache renommé, mort il y a cinq ans. Mais son oeuvre a passé l'épreuve du temps dans la culture malgache, y compris dans la blogosphère.

Georges Andriamanantena via his facebook tribute page with permission

Georges Andriamanantena, via une page Facebook d'hommage. Avec permission

Rado descend des chefs du village d’Amboanana dans la région d'Itasy, connu comme le berceau des combattants de la liberté les plus acharnés contre la colonisation française. Tebokaefatra, un blogueur malgache d'Antananarivo, a expliqué [malgache] en quoi les origines de Rado ont conditionné son indéfectible patriotisme :

“…ilay vohitra kely ao atsimon'Arivonimamo, izay nisehoan'ireo Menalamba sahy nanohitra voalohany indrindra ny Fanjanahantany teto Madagasikara. Araka izany koa dia mba nandova ny ran'ireo tia tanindrazana tsy nanaiky hozogain'ny vahiny.”

…le petit village au sud d'Arivonimamo, d'où sont originaires les Menalamba, les premiers et plus acharnés adversaires de la colonisation à Madagascar. Rado a hérité du patriotisme de ses ancêtres qui ont toujours refusé toute domination étrangère.

Il tenait à son indépendance : il a démissionné d'un emploi bien payé pour l'époque et a préféré fonder son propre journal, appelé Hehy, avec son frère Célestin. Il a publié sept recueils de poèmes, parmi lesquels Dinitra (1973), ny Voninkazo adaladala (2003) et ny fiteny roa (2008). Un grand nombre de ses poèmes ont été mis en musique par quelques-uns des artistes malgaches les plus célèbres. Maintikely, un blogueur malgache du Cap, en Afrique du Sud,  a publié [malgache] un de ses poèmes, dont voici un extrait : 

Ho any ianao,kanefa….
Aza ataonao fantany izao fahoriako izao
Fa aoka hiafina aminy
Ny ketoky ny jaly
Nanempaka ny aiko,tanatin'ny longoa
Izay namandrihany ahy…
Ny dinitry ny foko manorika ahy mangina,
Fa sempo-tsasak'alina
Misaina ity anjarako,
Aza ataonao fantany!
[..]
Eny e ! Ampy izay.Tongava soa aman-tsara !
Dia akatony mora
Io varavarako io
Fa hitomany aho…
Rado, janoary 1966

Tu vas la voir, mais…
Ne lui parle pas de ma souffrance,
Laisse-la ignorer la morsure de la douleur
qui déchire mon être,
dans les rets où elle m'a attrapé,
Mon coeur transpirant qui m'étouffe en silence
au milieu de la nuit
quand je pèse ma destinée,
Ne la laisse pas savoir !
[..]
Tel est mon message. N'oublie pas.
Et Adieu !
Mais avant d'aller,
cette main qui est la tienne, qu'elle ne touche rien,
avant de s'unir à la sienne…
Oui, c'est tout. Fais bon voyage.
Et je t'en prie, ferme cette porte
Sur mes larmes.
Rado, janvier 1996.

Mialy Andriamananjara a contribué à ce billet.

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