Le blog PEROU contre la fausse “question rom” en France : construire enfin

Programme du chantier de la Base de Vie, source Journal de l'Ambassade du PEROU à Ris-Orangis, avec permission

Programme du chantier de la Base de Vie, source Journal de l'Ambassade du PEROU à Ris-Orangis, avec permission

L'Ambassade du PEROU (en majuscules) à Ris-Orangis… et à Grigny : rien à voir avec le pays latino-américain, mais il s'agit bien de diplomatie : celle qui s'efforce, avec la participation active des deux parties, d'articuler une ville et son bidonville. Ces deux villes du département de l'Essonne, en grande banlieue parisienne, abritent de nombreuses familles roms. Mais l'action du PEROU, le Pôle d'exploration des ressources urbaines, à replacer dans le contexte des destructions de campements qui avaient culminé en nombre et en visibilité médiatique pendant l'année 2013, dépasse la “question rom” et même la réfute, dit Sébastien Thiéry, son coordinateur, dans un débat du “Monde des Livres” :

Surtout, elle [La question rom] empêche de concevoir que la politique de violence et de non-accès aux droits ne cible pas seulement ces prétendus Roms, mais aussi les SDF à Paris ou les migrants à Calais. “Rom” est l'une de ces catégories qui naturalisent la précarité des personnes ainsi désignées : du côté du rebut humain par essence – ou pire, par volonté – elles “méritent” donc la violence qui s'abat sur elles. 

Sébastien Thiéry a expliqué, dans un entretien publié par le site question de classes, ce qu'est le PEROU :

Le PEROU – Pôle d’exploration des ressources urbaines est un collectif d’architectes, artistes et chercheurs qui souhaite contribuer à rénover le répertoire des savoirs sur la grande précarité urbaine, et peut-être par là-même à rénover le répertoire des actions publiques conduites pour y répondre. Notre méthode est pragmatique : agir sur les situations de cette grande précarité urbaine, transformer l’espace comme les représentations qui y sont associées.

Le Journal de l'Ambassade du PEROU à Ris-Orangis… et à Grigny se propose de donner à voir le quotidien de ces familles reléguées, et à comprendre les mécanismes langagiers de leur discrimination, comme l'explique l’appel initial de 2012 :

[L]'expression “campements informels roms”. Voici une expression ahurissante à divers titres, et en premier lieu en raison de l'évocation appuyée de ce nomadisme hors-sujet, certes contrebalancée par l'étrange expression “expulsions forcées” (connaît-on des expulsions non forcées ?), qui raconte que si ces populations voyagent effectivement, ça n'est pas en raison d'un goût pour le nomadisme, mais à cause d'un destin d'indésirables qui, depuis des siècles peut-être, leur a inculqué un certain savoir-fuir.

Comment faire “se renverser ces représentations” ? En transformant leur espace, en construisant :

Evacuer les déchets, faire disparaître les rats, mettre à distance la boue, renforcer les baraques, les isoler de telle sorte à ce qu'elles ne puissent prendre feu, donner à l'espace, à partir des savoirs et savoir-faire des personnes habitant là, une qualité à distance des clichés assassins qui colportent qu'ici tout est branlant, tels sont les enjeux premiers d'une action qui, transformant l'espace, vise la transformation des regards portés sur ceux qui les habitent. Construire, c'est s'émanciper de la figure sulfureuse du dévastateur. 

Les débuts :

Dans une quinzaine de jours, le PEROU inaugurera son ambassade au coeur du bidonville situé en lisière de la Nationale 7 à Ris-Orangis. L'ambassade c'est un lieu de vie, de plaisir, de travail, d'imagination d'un autre avenir. C'est un lieu pour les enfants, un lieu de l'enfance, un lieu à partir duquel doivent s'inventer d'autres lieux, de nouveaux horizons.

Chez Roméo, 24 décembre 2012 :

[…] Avec son mari et ses cinq enfants, vit ici Ekaterina, soeur de Roméo. Son sourire est délicat, ses gestes légers. Elle traverse sa petite baraque telle une danseuse, et attrape en bout de scène la tasse de café qu'elle s'empresse de nous offrir.

Roméo vit avec sa femme et ses parents dans la baraque d'à côté. Leur poêle a fonctionné toute la journée, et la chaleur est ici torride. Ils sont réunis autour d'on ne sait quelle discussion, comme écrasés par le sujet. On entre, ils s'animent, se lèvent presque tous pour nous céder un fauteuil. On commence à parler, et la discussion menace de ne jamais finir tant ils paraissent avides de nos paroles. 

Par les actes, nous nous opposons :

22 extincteurs, pour éviter le pire. Photos Margot Crayssac et Mabel Miranda

22 extincteurs, pour éviter le pire.
extrait de la série de photos de Margot Crayssac et Mabel Miranda, avec permission

Eric Fassin, dans l'ouvrage collectif qu'il publie cette semaine aux éditions La Fabrique (Roms et riverains. Une politique municipale de la race) analyse ce qui tient lieu aujourd'hui de politique à l'endroit des bidonvilles : laisser se dégrader la situation jusqu'à ce que l'expulsion s'impose, ou rendre le quotidien des familles invivable jusqu'au cauchemar afin que l'auto-expulsion s'impose.
Par les actes, nous nous opposons à telle lâcheté. C'est pourquoi, inlassablement, nous avons construit à Ris-Orangis. C'est pourquoi inlassablement nous construisons à Grigny. C'est pourquoi nous avons installé 22 extincteurs le week-end dernier sur les baraques du bidonville de la Folie. Pour éviter le pire. Ce que, si tant est que nous demeurions en République, toute municipalité se devrait de faire. Exactement, il nous en a coûté 437 euros.

L'action de PEROU est documentée sur le site de l'association, sous forme de textes et de galeries d'images en pdf. Pour compléter son action, PEROU a même “sa propre agence pour l'emploi” :

Studio photographique de la Folie mis en place par Rafaël Trapet afin de réaliser portraits de chacune et chacun pour trouver bonne place sur les CV notamment réalisés par les étudiants de l'Ensad. 1er mars

Studio photographique de la Folie mis en place par Rafaël Trapet
afin de réaliser portraits de chacune et chacun pour trouver bonne place
sur les CV notamment réalisés par les étudiants de l'Ensad. 1er mars. Avec permission

Ce site Internet, forme d’agence pour l’emploi du PEROU, est alors conçu pour colporter cette parole [de quarante adultes européens vivant à Grigny sous la menace d’une énième expulsion] et faciliter les relations de travail auxquelles aspirent nos concitoyens européens ici représentés. Afin que leur éloignement n’ait plus lieu.

Deux livres récemment parus illustrent la “politique municipale de la race” et l’ “art municipal de détruire un bidonville”. 

 "Considérant qu'il est plausible que de tels événements puissent à nouveau survenir. Sur l'art municipal de détruire un bidonville" Livre de PEROU offert, samedi, à chacune des familles qui pourra, entre autres, lire l'arrêté d'expulsion du bidonville de Ris-Orangis traduit en roumain par Ramona Strachinaru et Marina Nicusor. Photo : Laurent Malone avec permission  La Folie, Grigny, 29 mars  2014.

“Considérant qu'il est plausible que de tels événements puissent à nouveau survenir. Sur l'art municipal de détruire un bidonville”
Livre de PEROU offert, samedi, à chacune des familles qui pourra, entre autres, lire l'arrêté d'expulsion du bidonville de Ris-Orangis traduit en roumain par Ramona Strachinaru et Marina Nicusor. Photo : Laurent Malone avec permission La Folie, Grigny, 29 mars 2014.

 

Le livre “Considérant qu'il est plausible que de tels événements puissent à nouveau survenir – Sur l'art municipal de détruire un bidonville”, Textes réunis et présentés par Sébastien Thiéry, emprunte son titre à l'arrêté municipal qui a préparé la destruction des habitations de fortune de Ris, consolidées et améliorées pendant de longs mois par PEROU. Artistes, philosophes, écrivains et paysagistes y parodient et dissèquent le langage administratif pour en montrer l'effet sidérant. Le livre a été complété par un film, images du “campement illicite” sur lecture de l'interminable arrêté :

CONSIDERANT de Perou Paris sur Vimeo.

 PEROU continue à oeuvrer, parce que “l'hospitalité reste à faire”. Ensemble. Dans la joie et la bonne humeur.

Les photos proviennent toutes du blog Journal de l'Ambassade du PEROU à Ris-Orangis… et à Grigny et sont reproduites avec son aimable autorisation. 

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