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Brésil : Un tortionnaire de la dictature retrouvé sans vie chez lui

Catégories: Amérique latine, Brésil, Histoire, Médias citoyens, Politique
Coronel Paulo Malhães em depoimento a comissão Nacional da Verdade, em março. Foto: Marcelo Oliveira / ASCOM – CNV

Le Colonel Paulo Malhães lors de sa déposition devant la Commission Nationale de la Vérité, en mars. Photo: Marcelo Oliveira / ASCOM – CNV [1]

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Dans les derniers jours de mars, le Colonel à la retraite Paulo Malhães est arrivé en fauteuil roulant, caché derrière des lunettes noires, pour faire l'une des plus impressionnantes dépositions jamais entendue devant la Commission Nationale de la Vérité, sur la période de la dictature militaire au Brésil. Le vendredi 25 avril, soit un mois après, le corps du tortionnaire et assassin avoué, a été retrouvé sans vie [2]. Selon les informations de la police, Malhães, ainsi que son épouse et le gardien, ont été fait prisonniers par trois hommes, à l'intérieur de leur maison située dans les environs de Nova Iguaçu, état de Rio de Janeiro. 

La police travaille sur plusieurs hypothèses, d'abord celle de l'exécution d'un témoin gênant, celle de la vengeance ou encore celle du crime crapuleux [3] puisque les auteurs ont emporté avec eux la collection d'armes du colonel. Le rapport du médecin légiste, présenté le lendemain, conclut pour sa part à un décès dû à des causes naturelles. La famille a confirmé [4] que Malhães, âgé de 76 ans, avait des problèmes cardiaques. Malgré ça, la CNV [NdT: Commission Nationale de la Vérité] a demandé à la police fédérale d'accompagner  [5]l'enquête sur cette affaire. 

Selon des informations publiées par la revue Carta Capital [6], Malhães aurait affirmé en “témoignage privé” avoir peur pour sa vie. Le colonel s'est refusé a dévoiler les noms d'agents de la répression qui ont “officié” à ses côtés pendant la dictature militaire, affirmant “qu'il ne pouvait laisser échapper aucun nom sous peine de voir sa vie menacée”. 

Avouer sans regretter 

Dans sa déposition devant la Commission de la Vérité de l'état de São Paulo et à la Commission Nationale de la Vérité,  Malhães a admis et décrit des tortures, des assassinats et des pratiques de dissimulation de cadavres, ablation de prothèses dentaires et mutilations dans le but d'empêcher toute identification. En février, il avait reconnu sa responsabilité dans la disparition du corps du député Rubens Paiva [7], mais il s'était rétracté [8] par la suite.  Alors qu'il était interrogé sur le nombre des victimes qu'il avait éliminé, froidement, le colonel a répondu : “Autant que cela était nécessaire [9]”. Depuis le début des activités de la CNV, en 2012,  Malhães était le cinquième agent à déposer en audience publique, le second à admettre la pratique de la torture et le premier à avouer sa participations à des crimes. Il n'a manifesté aucun remord tout au long des trois heures [10] pendant lesquelles il a été entendu. Au contraire, dès le début de la session, il a déclaré :

Como faço com tudo na vida, eu dei o melhor de mim naquela função. (…) Eu cumpri o meu dever. Não me arrependo. 

Comme je l'ai toujours fait au cours de ma vie, j'ai donné le meilleur de moi-même dans ce rôle-là. (…) J'ai rempli mon devoir. Je ne regrette rien. 

La mort de Malhães a fait prendre conscience au Brésil que la période militaire n'était peut-être pas tout à fait terminée. Elle a suscité un débat sur les criminels de l'histoire récente qui n'avaient jamais été puni [11]. La Loi d'amnistie [12], encore en vigueur dans le pays, ne permet pas le jugement des tortionnaires [Ndt: encore en vie] devant les tribunaux. Le blogueur et activiste Belchior – plus connu sous le nom de Negro Belchior – en est venu à regretter la mort [13] du tortionnaire, tout en rappelant le nombre de brésiliens qui ont préféré se faire justice eux-mêmes dans plusieurs villes du pays au début de l'année:

Foi acerto de contas por parte de grupos ligados a resistência à ditadura? Foi vingança por parte de família e amigos de algum torturado? Não acredito. É mais razoável imaginar que se trata de uma ação com a intenção de intimidar possíveis futuros delatores das atrocidades cometidas pelas forças oficiais do Estado durante os anos da repressão.

Mas, quero tratar aqui da mensagem que fica: A ideia da justiça feita pelas próprias mãos. Assassinatos, torturas, desaparecimentos e linchamentos cada vez mais frequentes e banalizados, a começar pela ação das polícias, cujos exemplos não faltam. E que agora se vê promovido por “populares”.

O discurso fascista se fortalece: “É a ausência da lei! Bandido faz o que quer e a população se sente desprotegida. A tendência é que façam justiça com as próprias mãos!”

Règlement de compte de groupes liés à la résistance pendant la dictature ? Vengeance de familles ou d'amis d'une victime de la torture ? Je n'y crois pas. Il est plus raisonnable de penser qu'il s'agit d'une opération organisée dans le but d'intimider d'éventuels futurs délateurs des atrocités commises par les forces officielles de l'État pendant les années de la répression.

Mais, je veux parler ici du message que l'on en retient : l'idée de la justice rendue de nos propres mains. Des assassinats, des tortures, des disparitions et des lynchages toujours plus fréquents et banalisés, en commençant par l'action de la police, et dont les exemples ne manquent pas. Et qui maintenant sont promues au rang de “populaires”.

Le discours fasciste en sort grandi : “C'est à cause de l'absence de loi ! Les bandits font ce qu'ils veulent et la population ne se sent plus protégée. La tendance est de se faire justice soi-même !”