Global Voices (GV): Pouvez-vous dire pourquoi les étudiants tchadiens en Algérie observent un mouvement de contestation ?
Makaila NGUEBLA (MN): Les étudiants d’Algérie ont observé un mouvement de protestation pour dénoncer le montant des bourses d’études que les autorités tchadiennes leur envoient annuellement.
C’est à l’issue d’une réunion tenue le 17 avril dernier que l’Union des Etudiants et Stagiaires tchadiens en Algérie (UESTA) a décidé de rejeter la somme de 294 000 000 CFA, l'estimant insuffisante pour couvrir les besoins de 750 étudiants tchadiens. Ils décident donc de ne rien percevoir et donnent un délai de 10 jours à l’ambassade du Tchad et à la délégation venue les payer pour trouver une solution acceptable. Ils affirment également que ces 3 points ne sont pas négociables. Après avoir donné cet ultimatum et n'ayant reçu aucune réponse des autorités, les étudiants ont envahi l’Ambassade du Tchad à Alger sans pour autant causer des dégâts matériels ni humains. Les forces algériennes sont intervenues pour les disperser en arrêtant plusieurs d’entre eux. Ce qui irrite les étudiants tchadiens en général qu’ils soient au Tchad ou à l’étranger, les étudiants n’ont jamais obtenu régulièrement leurs bourses d’études malgré les ressources naturelles dont dispose le pays.
Au Tchad, les manifestations publiques sont systématiquement interdites depuis la prise du pouvoir d’Idriss Deby en 1990. La seule grande manifestation de l’opposition date de 1992, les autres sont organisées par le pouvoir qui manipule ses militants à des fins politiques.
Les manifestations estudiantines et syndicales sont réprimées dans le sang les plus souvent dans l’anonymat médiatique total et dans l’indifférence de la communauté internationale.
GV : qui est Issa Kelei ?
Makaila NGUEBLA : Issa est un étudiant tchadien qui préside l’UESTA, il fait des études de médecine à Alger et ne dispose pas de blog. Il dérange parce qu’il revendique les droits de ses collègues étudiants. Au Tchad, vous risquez des ennuis lorsque vous vous engagez dans un militantisme de cette envergure. Les autorités sont frileuses sur la question des manifestations et craignent le débordement.
GV : Pourquoi a-t-il été arrêté ?
Makaila NGUEBLA : Il a été arrêté sur ordre de l’ambassadeur du Tchad à Alger qui a demandé à la police algérienne d’arrêter Issa Kelei et son chargé de la culture qui était un étudiant aussi.
GV : Quelle est la situation de la liberté d’expression au Tchad ?
Makaila NGUEBLA : Vous savez, au Tchad, la liberté d’expression n’est qu'un leurre pour endormir les partenaires internationaux. Les journalistes tchadiens sont souvent interpellés par des militaires et les autorités en toute impunité. Si vous critiquez le Président, les membres de sa famille ou les dignitaires du régime tchadien, vous risquez une convocation de la justice et si vous vous présentez, aussitôt on vous arrête et vous êtes en garde à vue en attendant une parodie de procès pour une condamnation arbitraire. Les journalistes, les opposants, les responsables syndicaux et de la société civile, vivent la peur au ventre et n’osent pas entreprendre des initiatives qui risqueraient de les envoyer en prison pour rien. La situation est bloquée.
GV : Etes-vous toujours en contact avec Issa ?
Makaila NGUEBLA : Avant son arrestation, j’étais en contact avec lui sur Facebook à la veille de la manifestation. Mais, après son interpellation, je suis en contact avec un membre de l’association qui me relaye les informations afin de diffuser et d’alerter l’opinion sur leur mouvement.
GV : Quel est son statut à ce jour et sa situation en Algérie ?
Makaila NGUEBLA : Comme je disais précédemment, Issa a un statut d’étudiant et sa situation est celle d’un homme qui se bat pour les autres. Je précise qu’il est actuellement libre de ses mouvements et qu'il attend selon ses collègues une convocation des autorités judiciaires qui ont reçu une plainte de l’ambassade du Tchad contre Issa. Il est possible de le joindre. Je pourrai aussi vous mettre en contact avec d’autres blogueurs tchadiens