L'épidémie Ebola : ignorance, paranoïa et mise en quarantaine

Situation à la date du 12 aout 2014. Une situation en évolution permanente

Situation à la date du 12 aout 2014. Une situation en évolution permanente

Depuis le bilan fin juillet 2014 présentant la carte des 567 cas d'Ebola en Guinée, au Liberia et au Sierra Leone, l'épidémie a pris une plus grande ampleur dans les trois pays, malgré toutes les mesures prises par les gouvernements des trois pays concernés et des organisations humanitaires internationales.

L'Organisation mondiale de la santé partage les informations suivantes ( à la date du 19 aout 2014) :
En cinq mois, cette fièvre hémorragique très contagieuse a fait 1. 229 morts (confirmés, suspects ou probables) selon le dernier bilan arrêté au 16 août: 466 au Liberia, 394 en Guinée, 365 en Sierra Leone et quatre au Nigeria. Entre les 14 et 16 août, selon ce bilan, 113 nouveaux cas et 84 décès ont été enregistrés dans ces pays.
La progression reste donc forte malgré la mobilisation internationale contre cette épidémie sans précédent depuis l’apparition de la maladie en 1976. L’OMS, qui a décrété le 8 août une urgence de santé publique mondiale et recommandé des mesures d’exception dans les pays affectés, a évoqué quelques lueurs d’espoir au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, mais aussi en Guinée.

Le blogueur Boubacar Sanso BARRY présente sur le site GuineeConakry.info l'approche adoptée par chacun des gouvernements des pays concernés pour circonscrire le fléau:

Face à la nouvelle flambée à virus Ebola qui sévit en Afrique de l’ouest, les différents pays adoptent des approches plutôt différentes. Si en Guinée, en dépit des dernières statistiques alarmantes, les autorités demeurent dans la logique de la relativisation de la maladie, par contre au Libéria et en Sierra Léone, l’armée et les forces de sécurité sont littéralement réquisitionnées pour faire face à l’ennemi. Dans le premier cas, on peut parler de sous-évaluation du problème, alors que dans le second, on a tout de même l’impression que les autorités libériennes et léonaises usent d’approches disproportionnées qui, en plus, décuplent la panique générale.

 L'ignorance de la maladie est encore très répandue au sein des populations. Le Centre communautaire pour le développement de l’éducation (CECODE), une ONG locale a effectué un sondage d'opinion dans un quartier de Conakry, en Guinée, pour évaluer les connaissances de la maladie de la part des populations. A la “question 1 : L’épidémie Ebola représente quoi pour vous ?”:

Plus de 72% des personnes interviewées trouvent la maladie « dangereuse, contagieuse, grave et mortelle ». Par contre, pour 24% des enquêtés, l’épidémie Ebola ne représente rien ; et 4% des personnes interviewées restent perplexes.

On relève dans les propos ce qui suit :

  • « L’épidémie Ebola n’existe pas. Je ne crois pas à ce que les gens disent ».
  • « Cette maladie ne représente rien pour moi parce que je ne comprends rien »
  • «  Je ne suis pas sûr de l’existence de la maladie ».
  • « J’ai des inquiétudes d’aller à l’hôpital, j’ai peur »
  • « Cette maladie est créée par les USA, les blancs ».
  • « Je ne comprends rien de cette maladie ».
  • « C’est un châtiment de Dieu ».
  • « L’inquiétude ».
  • « C’est pour protéger les intérêts du gouvernement »
  • « Je vois à la télé des gens masqués soi-disant pour soigner la population ».
  • « Je ne veux pas en parler ».
  • « C’est un grand qui m’a dit que cette maladie ne vient pas de la forêt sinon nous allons tous périr »
  • « Sanction divine ».

Au Liberia, le pays le plus sévèrement touché, le 17 aout, un groupe  d'hommes armés de couteaux et de gourdins qui criaient ‘”il n'y a pas d'Ebola” dans le pays ont attaqué un centre d'isolement, installé dans un lycée de West Point, une banlieue de Monrovia obligeant les maladies à prendre la fuite. Ce n'est que le 20 aout que 17 de ces fuyards ont été retrouvés et transférés au Centre de traitement de l'Ebola nouvellement établi à l'hôpital John F. Kennedy de la capitale. 

Au niveau international, les citoyens de ces pays font l'objet d'une quarantaine de plus en plus stricte avec la fermeture des frontières, la suspension des vols de la plupart des compagnies aériennes qui les desservaient, le rapatriement des membres des familles du personnel diplomatique dans ces pays, l'annulation de conférences internationales, la délocalisation d'évènements sportifs, etc. 

"Nous nous excusons, mais à cause du virus Ebola, nous n'acceptons pas d'africains ces jours-ci."poster affiché à lentrée de JR Pub à Séoul - Source: Harriet sur Facebook avec permission

“Nous nous excusons, mais à cause du virus Ebola, nous n'acceptons pas d'africains ces jours-ci.”poster affiché à lentrée de JR Pub à Séoul – Source: Harriet sur Facebook avec permission

Pourtant, selon un billet publié sur resistanceauthentique.wordpress.com qui reflète l'opinion de nombreux spécialistes:

Il faut un contact direct avec un liquide biologique comme le sang, les selles, les vomissures. Il n’y a aucune transmission par voie aérienne C’est-à-dire que, lorsqu’une personne parle ou tousse, elle ne répand pas le virus Ebola dans l’air ambiant.

Loin de la région infectée, la peur pousse à des initiatives qui cachent mal d'autres motivations. En Corée du sud, par exemple, un pub a affiché l'avis lisible sur cette photo reprise de twitter et publiée sur mediaequalizer.com. Environ 800 commentaires de lecteurs réagi montrant à quel point de nombreux coréens ont une vision très négative des africains. 

Cependant, un lecteur Raptor, intervenant sur instinct-de-survie.forum relevait, non sans quelque raison, le 6 aout:

L'éternel exemple que je sors à chaque fois: La grippe saisonnière fait entre 1500 et 2000 morts annuellement sur notre territoire. Loin de moi l'idée de vouloir tout comparer, mais je tente de relativiser tout ça. Dans la même veine, lors du séisme en Haïti nous avons pu constater des résurgences de peste, choléra, tuberculose… Pour autant, les conséquences à l'international n'ont pas été très visibles… Suspect Avec près de 700 morts, nous sommes encore loin des références en la matière qui ont pu nous toucher par le passé (peste noire, grippe espagnole notamment).

Tenant compte de ça, quand je vois des occurrences comme “totalement hors de contrôle”, “épidémie sans précédent” dans les articles, je me demande si les médias n'auraient pas tendance à faire du journalisme à sensations plutôt que de la vraie info. Certains flux migratoires ramènent régulièrement des trucs qu'on ne trouvait plus sous nos latitudes, pour autant nous n'enregistrons pas de crises sanitaires.

La fermeture des frontières ou simplement l'introduction de formalités d'entrée plus sévères de la part des pays voisins pose de sérieux problèmes économiques surtout pour les échanges trans-frontaliers. Le site actu224.com, publie les propos d'un syndicaliste des chauffeurs routiers à la frontière guinéo-malienne:

Beaucoup de Maliennes ont aujourd’hui abandonné l’axe Bamako -Conakry à cause des méfiances et des incertitudes autour de cette maladie. Voyez-vous, la gare est remplie de véhicules vides. Les rares qui arrivent à quitter de la journée ont tout le mal à faire le plein de clients …

Malheureusement, avec la pandémie d’Ébola, les Maliens sont de plus en plus réticents à aller à l’intérieur de la Guinée, mais les populations guinéennes continuent de fréquenter les foires hebdomadaires maliennes.

Tandis que la solidarité internationale fait affluer vers les pays concernés des aides de toute sorte, notamment matériel médical, argent, vaccins non encore commercialisés, les leaders religieux organisent des prières pour sensibiliser les opinions publiques pour une meilleure perception du travail des agents de santé.
 Le prédicateur et millionnaire nigérian très controversé, TB Joshua, prétend quant à lui qu'une eau bénite de son invention pourrait guérir les malades atteints du virus Ebola. Il a envoyé donc 4 000 bouteilles de son eau pour aider la Sierra Leone, par son jet privé.

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