Petite fille esclave, puis députée et héroïne nationale au Népal, elle retourne sur les bancs de l'école

Screenshot of Shanta Chaudhary, Former CA Member, in an interview with Nepali journalist Dil Busan Pathak at the talk-show Tough Talk on News 24 Television.

Capture d'écran de Shanta Chaudhary, ancienne députée de l'Assemblée Constituante, interviewée par le journaliste népalais Dil Busan Pathak pour le programme Tough Talk de la télévision News 24.

Son histoire ferait un scénario parfait pour un film de Bollywood : une fillette réduite en esclavage par la misère lutte contre la pauvreté, se fraye un  chemin jusqu'à l'Assemblée Constituante du Népal, écrit un livre couronné d'un prix, se bat contre un cancer et devient la fierté de son peuple.

Shanta Chaudhary avait 8 ans quand ses parents l'ont vendue pour 75 $ à récurer, cuisiner, balayer, 19 heures par jour au Népal

A présent Shanta Chaudhary, une femme indomptable, fait de nouveau l'actualité. Elle vient d'entrer en huitième année [NdT : l'année qui précède l'entrée au lycée] en vue de parfaire son instruction. Avec son fils en neuvième année et sa fille en septième année dans un pensionnat de la capitale népalaise Katmandou, elle a choisi une école publique dans son village.

L'ex-députée Shanta Chaudhary, qui a présidé 4 ans la commission parlementaire des ressources naturelles, s'est inscrite en 8ième

Mme Chaudhary, militante et dirigeante du Parti communiste du Népal – marxiste-léniniste unifié, est une Kamlari devenue héroïne nationale.

Les Kamlaris

Les Kamlaris sont des fillettes appartenant à la communauté indigène Tharu et esclaves chez les riches de l'Ouest du Népal.

Malgré l'abolition de l'esclavage au Népal, ces fillettes doivent trimer jour et nuit, leur vie n'est que souffrance et maltraitance physique et sexuelle, il peut même leur arriver d'être tuées dans des circonstances obscures.

Les Kamlaris sont peu ou pas du tout payées pour leur travail. D'après des estimations, plusieurs milliers de filles sont toujours employées comme Kamlaris dans les villes népalaises, y compris Katmandou.

L’interdiction officielle du système des Kamlari en 2013 n'a pas empêché les gens de continuer à en avoir.

Ci-dessous, l’histoire de trois de ces fillettes, sauvées de l'esclavage et devenues les militantes d'un mouvement pour mettre fin à la pratique des Kamlari :

PHOTOS : De l'esclavage à la liberté – Femmes libérées du système esclavagiste Kamalari au Népal.

Comme les autres fillettes Kamlaris, Shanta a été exposée aux tentatives d'agression des hommes et à dû se marier pour se protéger.

Le livre de sa vie

Kamlari Dekhi Sabhasadsamma (Une Kamlari à l'Assemblée Constituante) est le récit poignant de son parcours, depuis la discrimination et l'exploitation d'une Kamlari jusqu'à la personnalité qui fait la fierté de sa communauté, modèle pour les filles esclaves et libres.

Dans son autobiographie, elle décrit les moments qui la poursuivent encore :

  • Enfant, elle a été Kamlari dans sept maisons différentes depuis ses huit ans.
  • La plupart des propriétaires l'ont exploitée. La plupart lui faisaient arroser le jardin même sous la pluie. On ne doit pas laisser [les Kamlaris] se reposer, elles doivent travailler tout le temps, telle est l'idée profondément enracinée chez les propriétaires.
  • Elle a dû remplacer sa belle-soeur tombée enceinte des suites de viols par un homme de la maison où elle servait comme Kamlari. C'était l'usage d'en envoyer une autre si la Kamlari n'est pas capable de travailler à cause de maladie ou pour toute autre raison.
  • Dans l'une des maisons, la fille des propriétaires lui crachait dessus et la frappait. Elle lui marquait son mépris en l'appelant “Tharuni”. Elle croyait qu'on pouvait tout faire à une Tharuni. La mère et la grand-mère la haïssaient également et ne supportaient pas qu'elle reste oisive même une seconde.
  • Il y avait une règle étrange : les Kamlaris devaient être prêtes à accepter les mauvais traitements, sans avoir le droit de se plaindre. Qu'elle vanne le riz, apporte de l'herbe, aille au marché ou lave la vaisselle, les tentatives de maltraitance ont été légion. Mais aucune n'a abouti, ce qu'elle considère comme une grande victoire.
  • Un jour [quand elle était députée] elle conduisait une voiture de son village au chef-lieu régional de Ghorahi. En route, un de ses anciens propriétaires attendait le bus — elle l'a emmené. Il était abasourdi du retournement — il avait du mal à accepter qu'elle était bien l'ancienne Kamlari.

Shreepriya Poudel est étudiante. Elle publie un compte-rendu de l'autobiographie de Shanta Chaudhary :

On me dit qu'il est nécessaire de connaître les vies des moins chanceux parce que ça vous fait apprécier votre vie actuelle. Cela me paraît un motif égoïste, mais j'ai voulu m'y tenir cette fois. Alors voilà une liste, basée sur le livre de Mme Chaudhary, de choses auxquelles les gens en général ne pensent pas, mais dont ils devraient être reconnaissants. Elle vous aidera peut-être à trouver comment vivre mieux.

1. Un toit sur notre tête qui ne fuit pas.
2. L'accès aux médicaments, même du simple paracétamol.
3. Un pays où les lois ne sont pas seulement faites, mais aussi appliquées.
4. Une presse, radio ou télévision qui garantissent que les autres ne vous mènent pas en bateau.
5. Ne pas passer cinq jours de suite sans manger.
6. Votre salaire, si vous en avez un qui dépasse les maigres sept dollars par an alors que vous travaillez 12 heures par jour.
7. La liberté de prendre votre enfant dans vos bras quand il pleure.
8. La liberté de nourrir votre enfant quand il a faim.
9. Ne pas vous être couché le ventre vide hier soir.
10. Ne pas avoir passé votre vie entière dans un rayon de 50 km.
[..]
13. Ne jamais avoir été agressé sexuellement par quelqu'un contre qui vous ne pouvez pas dire un mot.
14.Votre emploi qui vous paie plus de 80 cents par jour.
[..]
18. Vos habits et en avoir de rechange.
19. Savoir lire.
20. Ne pas avoir à attendre 7 ou 8 ans pour acheter de nouveaux habits à vos gosses.

Encore une fois, je ne prétends pas savoir quels sont les devoirs d'un être humain pour un autre, mais essayer d'être aussi généreux que possible semble une bonne idée. Si cette liste ne vous fait pas reconsidérer quelques-unes de vos idées sur votre richesse et votre privilège, quelque chose d'autre le fera.

A côté de son combat pour les droits des Kamlaris et de sa communauté, Mme Chaudhary lutte contre le cancer depuis quatre ans.

La lutte personnelle/politique de Shanta Chaudhary est une grande inspiration ! Génial de voir sa combativité face au cancer.

En allant au lycée, elle renouvelle sa croisade contre la discrimination et l'exploitation.

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