Le grand combat de la Grèce pour le futur

Image by psyberartist, September 11, 2013, Omonoia, Athens, Attica. CC 2.0.

Photo psyberartist, 11 Septembre 2013, Omonoia, Athenes. CC 2.0.

 

La Grèce se prépare à tenir son premier référendum national en plus de 41 ans. La dernière fois que les Grecs ont voté ainsi, c'était en 1974, lors de Metapolitefsi,  la soi-disant transition démocratique de la Grèce, et la démocratie était en jeu. Le 27 Juin, dans un discours à la nation disponible en ligne avec des sous-titres en plusieurs langues, le Premier ministre Alexis Tsipras a annoncé un nouveau référendum qui aura lieu le 5 Juillet. Le discours a été prononcé après minuit, au terme d'une avalanche de réunions d'urgence, et a stupéfié tant la Grèce que le reste de l'Europe.

Lors de ce référendum, il sera formellement demandé aux citoyens grecs d’accepter ou rejeter le plan proposé par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international qui prolongerait l'aide financière à la Grèce, mais comprend deux nouvelles mesures d'austérité: “Des réformes pour la poursuite du programme actuel et au-delà” et une “analyse préliminaire de la viabilité de la dette”. Le pays endetté avait bénéficié de deux plans de sauvetage en 2010 et 2011 mais ce programme a expiré cette semaine.

Après cette annonce de minuit, les Grecs ont passé le week-end dans un mélange d'approbation et de panique, Des milliers de personnes se sont précipitées aux guichets automatiques des banques pour retirer de l'argent ce qui a obligé la banque nationale à prendre des «mesures considérables » pour approvisionner en liquidités le pays.

Enorme queue devant le distributeur de billets dans ma ville, Thessalonique. J'ai peur que mon pays s'effondre.

Des files d'attente devant les distributeurs de billets à Galatsi (un quartier d'Athènes)

Dans la population et dans les salles de rédaction autour du monde, on luttait pour rester calme, résister à la frustration et l'angoisse. Quelques minutes après la fin du discours du premier ministre, les hashtags #Greferendum et #dimopsifisma, sont apparus sur Twitter, et sont  devenus  cette semaine les points de ralliements pour exprimer peurs, espoirs, commentaires ironiques, et les dernières nouvelles :

Les meilleurs sondages d'opinion sont toujours les sites de paris en ligne étrangers. Le OUI va remporter une très nette victoire.

A Bruxelles, l'analyste politique Paul Quinn porte le deuil de “la solidarité européenne”, qui pour lui sera bientôt défunte :

Repose en paix, mythe de la solidarité européenne

Nikos Chatziandreou, scientifique et manager de ressources culturelles, s'interroge:

Avons-nous atteint le point où nos partenaires européens condamnent un premier ministre pour décider de demander à ses électeurs ce qu'ils pensent ?

Tsarkos de Ioannina, en Epire, fait une prédiction :

Bienvenue au Schisme. Bienvenue au retrait massif de dépôts. [Le schisme national grec fut une periode de conflit politique intense et a commencé dans les années 1910. ]

Au nord de la Grèce, le blog Milamere écrit à propos du futur:

Le plus gros pari de notre génération : oui ou non ? Europe ou Tiers-monde ? Démocratie ou totalitarisme ?

A Yale, Stathis Kalyvas, un professeur de sciences politiques, a partagé une photo d'émotion :

La génération Metapolitefsi [qui a vécu la transition démocratique en 1974 ] remercie ses enfants.

Mais d'autres, au souvenir de cette ère, sont d'un avis opposé dans leurs tweets :

La génération Metapolitefsi devrait S'EXCUSER auprès de ses enfants.

Zoi Konstantopoulou, rapporteur du parlement, a parlé du référendum comme  “d'une initiative historique prise par le gouvernement, 41 ans après l'entrée en vigueur de la Constitution actuelle. Il fait appel à la démocratie directe et prouve la confiance dans le peuple.”

Réaction de l'Europe

Dans l'ombre de ce référendum, l'atmosphère en Europe est loin d'être agréable chez les représentants de l’ Eurogroupe qui critiquent pour la plupart le choix de la Grèce de faire ce choix par un vote populaire. Le ministre belge et président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a décrit la situation comme ‘malheureuse’, ajoutant que la décision du premier ministre Tsipras avait été une surprise. De son côté, le ministre des Finances allemand Wolfgang Schaeuble a souligné que :

H ελληνική κυβέρνηση έβαλε τέλος μονομερώς στις διαπραγματεύσεις. Προς το παρόν, δεν υπάρχει πλέον βάση προκειμένου να υπάρξουν διαπραγματεύσεις. Κανένας από τους συναδέλφους με τους οποίους μίλησα δεν έχει την παραμικρή ιδέα για το τι μπορούμε να κάνουμε τώρα. Κανείς δεν βλέπει πλέον την πιθανότητα συμφωνίας.

“Le gouvernement grec a unilateralement mis fin aux négociations. Actuellement, il n'y a aucune base pour de nouvelles négociations. Aucun de nos partenaires avec qui je me suis entretenu n'avait la moindre idée de ce que nous pouvons faire maintenant. Personne ne voit une possibilité d'accord.”

Le ministre des Finances grec Yanis Varoufakis a écrit sur Twitter:

La démocratie méritait un stimulant pour les affaires liées à l'Europe. Nous venons juste de la lui donner. Laissons le peuple décider (C'est drôle à quel point ce concept sonne radical !)

Plus tard, les 18 membres de l’ Eurogroupe ont publié un communiqué collectif sur la situation en Grèce.

[…] L'Europe rappelle les transferts et aides importantes fournis à la Grèce ces dernières années. L'Eurogroupe est resté ouvert jusqu'à l'ultime moment à la possibilité de prolonger l'aide au peuple grec, à travers une aide orientée vers la croissance. L'assistance financière actuelle à la Grèce prendra fin le 30 juin  2015 […] Les autorités de la zone euro restent prêtes à faire tout ce qui sera nécessaire pour assurer la stabilité de la zone euro.

Pendant ce temps, le 29 juin, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a appelé les citoyens grecs à voter “oui'” au referendum, en arguant qu'un “non” équivaudrait à un vote contre l'Europe. Le 26 juin, le correspondant du Financial Times   Ferdinando Giugliano a tweeté :

Difficile de voir comment les banques grecques peuvent survivre à une semaine d'incertitudes avant le référendum. Un contrôle des capitaux est-il en chemin ?

De fait, peu après ce commentaire, les autorités grecques ont annoncé que les banques du pays n'ouvriraient pas le lundi 29 juin et resteraient fermées jusqu'au 6 juillet. Durant cette période, le montant disponible par retrait dans un distributeur de billets sera limité. La page Facebook satirique Plasticobilism a immédiatement ciblé cette mesure d'urgence.

Chaos dans le paysage politique grec 

Les opposants politiques du premier ministre Tsipras et de son parti de gauche Syriza n'ont pas perdu de temps pour critiquer sa gestion de la situation. Fofi Genimmata, nouveau leader d'un parti rival, a déjà exigé la démission de Tispiras et appelé à de nouvelles élections en urgence.

Evangelos Venizelos, que Mme Genimmata vient de remplacer, a appelé le reférendum un “coup” et une tentative illégale d'obtenir des suffrages. Il met en question la   constitutionnalité de ce référendum.

Antonis Samaras, autre ancien premier ministre, leader du parti Nouvelle démocratie, le principal parti d'opposition, a accusé Tsipras d'irresponsabilité en isolant le pays, tandis que Costas Karamanlis (lui aussi ex-premier ministre) avertit que la Grèce peut faire face aux conséquences graves  d'une rupture avec la zone euro.

Τα πιο ζωτικά συμφέροντα του έθνους επιβάλουν την παραμονή της χώρας στην καρδιά της Ευρώπης. Οι υπαρκτές ατέλειες της ΕΕ δεν αναιρούν επ’ ουδενί την αξία αυτού του στρατηγικού προσανατολισμού. Άφρονες επιλογές που ναρκοθετούν την αρχή αυτή εξωθούν τη χώρα σε περιπέτειες με απρόβλεπτες και πιθανώς μη αναστρέψιμες συνέπειες».

Les intérêts les plus vitaux de la nation exigent que la Grèce reste au coeur de l'Europe. Les défauts existant de l'UE ne remette en aucune manière en cause son orientation stratégique. Des choix peu raisonnables sapent ce principe, et envoie le pays vers des aventures aux conséquences imprévisibles et possiblement irréversibles.

Nouvelle démocratie et le parti d'opposition PASOK ont présenté une motion de censure  contre le gouvernement pour annuler le référendum. Le parti d'extrême-droite Aube dorée, blâme le gouvernement pour l'évolution de la situation mais a soute le référendum. Sur Twitter, Greek Analyst, qui soutient le référendum, reproche au gouvernement l'évolution de la situation.

Le #greferendum n'est pas non démocratique par lui-même ; c'est le moment choisi, la question malhonnête, la propagande du gouvernement et l'absence de plan pour le Grexit qui le rend non démocratique.

Un saut dans l'inconnu

La Grèce lutte pour respirer et les mesures d'austérité européennes sont profondément impopulaires. Ces dernières années, le chômage, les licenciements, les faillites et même les suicides ont augmenté de façon inquiétante. Les Grecs se sentent poussés au-delà de leurs limites et ont réagi en conséquence lors des derrières élections, tentant de tourner le dos à des années de statut quo politique corrompu. Tous ces événements ont conduit le pays à ce moment, le plus grand défi qu'il doit affronter dans son Histoire contemporaine.

Le poids de ces problèmes a conduit les Grecs aux urnes ce week-end. L'Europe retient son souffle pour savoir ce que sera le futur de la démocratie européenne dans le pays où elle est née.

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