Italie: Moment crucial pour le mouvement “Non au TGV”

En raison de la forte opposition du  mouvement “No Tav” (Non au TGV),  les controverses sur la réalisation de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin deviennent de plus en plus vives en Italie [en italien, comme les liens suivants]. De même, la montée des protestations ces dernières semaines a attiré l'attention des institutions et des médias.

Logo NoTav Depuis 1991, ce mouvement de protestation, principalement composé d'habitants de la vallée de Suse dans le Piémont, s'oppose à la construction de la ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin, un ouvrage jugé coûteux et inutile , non content d'être nuisible au territoire et à ses habitants tant d'un point de vue environnemental que social et économique. Cette ligne, en effet, défigurerait le paysage en changeant de manière irréversible le visage de certaines localités. De plus, elle conduirait à la fermeture de petites entreprises locales.

Le gouvernement italien et l'Union européenne sont déterminés à faire avancer ce projet qu'ils considèrent comme “statégique” puisqu'il s'agit de relier le nord de l'Italie à l'Europe de l'Est. Les maires des communes de la Vallée et leurs habitants soutiennent que la construction d'une nouvelle ligne ferroviaire est complètement injustifiée étant donné que le trafic de marchandises sur celle déjà existante est minime. L'ouvrage devrait coûter environ 30 milliards d'euros à l'Etat italien alors que les citoyens, eux, se serrent la ceinture en raison de la crise.

La répression du mouvement par les forces de l'ordre a été particulièrement dure ces derniers mois. Après les affrontements de l'été dernier, les travaux ont repris le 27 février. La base du mouvement a été évacuée et les terrains privés ont été clôturés sans procédure régulière d'expropriation.

Corteo "No Tav", 25/02/2012, Marcia da Bussoleno a Susa. Foto Foto del Collettivo Politico Scienze Politiche ripresa con Licenza Creative Commons BY-SA 2.0

Défilé "Non au TGV" le 25 février 2012 de Boussolène à Suse. Photo utilisée sous licence Creative Commons BY-SA

Lors d'une récente manifestation contre l'évacuation, Luca Abbà, l'un des visages les plus connus du mouvement, est resté gravement blessé après avoir fait une chute d'environ 10 mètres d'un pylône. La suspension des travaux a été, par voie de conséquence, immédiatement demandée. Dans la vidéo ci-dessous, laquelle a été aussi chargée sur la plateforme YouReporter.it, on peut voir  des policiers faire irruption dans un local et procéder à une identification des personnes présentes suite aux blocages de l'autoroute par des manifestants.

http://www.youtube.com/watch?v=ltFytXSsT6s

Les actes de répression ainsi que la représentation “violente” du mouvement par les médias nationaux sont vus par beaucoup d'internautes comme un prétexte pour discréditer  le mouvement tout entier. Mauro Piras écrit par exemple sur son blog Le Parole e le Cose (Les mots et les choses):

Le problème n'est plus de prendre position: pour ou contre le TGV. Ce n'est pas celui non plus des “groupuscules violents” opposés à la “majorité des manifestants pacifiques”. Cette représentation est naïve ou fabriquée. Il y a quelque chose de plus profond, quelque chose qui nous échappe à nous les quadragénaires de la classe moyenne qui appartiennent, disons-le, au centre gauche.

Le débat s'est désormais étendu à tout le pays, en passant par les centres sociaux jusqu'aux écoles. Même les étudiants ont décidé de manifester. Les raisons en sont expliquées sur le site Rete della conoscenza (Réseau de la connaissance):

Nous croyons que ces opérations policières ont eu pour unique objectif de criminaliser et de discréditer un mouvement qui avait organisé une grande manifestation pacifique (…).
La bataille “Non au TGV” n'est pas seulement la lutte d'une population pour la défense d'une vallée mais aussi la lutte de tous ceux qui croient que le territoire est un bien commun qu'il faut défendre et non exploiter pour des intérêts économiques . C'est la raison pour laquelle nous retournerons au Val de Suse et serons toujours aux côtés de ceux qui luttent contre les ouvrages inutiles.

Le débat sur Twitter est aussi très animé. Parmi les détracteurs du mouvement, on compte  @Axell qui écrit:

Est-ce que les lycéens opposés au TGV qui ont aujourd'hui bloqué Porta Nuova et sa région savent où se trouve le Val de Suse?  #SiTav (Oui au TGV) #aveterottoleballe (Vous nous cassez les pieds)

Inversement, parmi les défenseurs du mouvement, se trouvent:

@fulviomassa:

“La marche vers Baita Clarea commence maintenant” Courage! #notav! (Non au TGV!)#forzaluca!

Antonio Ballestrazzi ‏ @pesce2802:

#sitav (Oui au TGV)#notav (Non au TGV) expliquez-moi quelque chose… Pour améliorer le transport des marchandises, nous asséchons les fleuves qui servent à irriguer les champs qui les produisent, non?

@uomoinpolvere:

Mais comment est-il possible qu'il y ait 70%  #notav d'opposants au TGV à un sondage mediaset et qu'au Parlement ainsi que dans la presse ils soient tous #sitav pour le TGV ? Faites-vous deux demandes différentes?

Les raisons d'exprimer de la solidarité aux manifestants sont diverses. Sur le blog Uninomade , le mouvement “No Tav” (Non au TGV) s'inscrit dans la crise européenne :

Le mouvement “No Tav”  (Non au TGV) est un mouvement qui s'inscrit dans la crise et contre l'austérité. Il se bat ouvertement contre les impôts et contre la dette et est en faveur de l'Etat Providence. Il n'est pas opposé au développement et à la modernité mais est en faveur d'un développement de l'autonomie de la coopération sociale contre le développement capitaliste qui essaie de la brider ou de l'anéantir.

Voici l'appel au dialogue d’Antonio Negri, lequel met en relation ce mouvement avec le mouvement mondial Occupy :

Toute personne calme et tranquille ne vivant pas dans le souvenir obsessionnel des années 70 comme cela semble être le cas de certains de nos dirigeants sait que négocier est possible et qu'éviter d'inopportunes et dangereuses radicalisations est utile. Mais pour ce faire,  il est besoin que la politique en Italie renaisse et elle ne peut renaître que par la prise de parole de ceux qui, en résistant, ouvrent à tous l'espoir d'une nouvelle participation démocratique.

Sur tout le territoire national apparaissent des prises de positions et des actions en soutien à la vallée de Suse, jusqu'à l'initiative du 1er mars “Blocchiamo Tutto” “Bloquons Tout” avec des barrages aux gares centrales de Rome et de Bologne ainsi que d'autres liaisons ferroviaires cruciales. Tandis que les manifestations de solidarité s'élargissent à l'Europe, du côté français on est aussi concerné par les travaux de la ligne Lyon-Turin.

Durant toute la période de mobilisation, Anonymous Italia a aussi mené le combat, rendant inaccessible d'abord le site des carabiniers puis les sites officiels du gouvernement, du Vatican, de Trenitalia* et d'Equitalia*. Voici quelques réactions d'internautes à ce sujet:

Baruda:
#Anonymous et #Trenitalia: rien à faire, je vous aime! TANGO DOWN #OpItaly wp.me/pfk0G-2dj #notav (non au TGV)

andrea_nicolini:

@Skytg24: #Anonymous attaque #Trenitalia.it: entre la panne et l'usage normal  du site, aucune différence…

Info Free Flow:

Aujourd'hui #equitalia paie. #Anonymous perçoit. Mais les comptes ne sont pas encore soldés. pastebin.com/BSX9gNs7

Tandis que la justice est en train de mener une enquête sur divers manifestants dénoncés lors des dernières manifestations, la situation générale demeure volatile et discutée. Sur Twitter, le mot-clic le plus utilisé est #notav (non au TGV) alors que sur Vimeo, I Fratelli di TAV proposent une série de vidéos concernant l'histoire, les événements et les dynamiques du mouvement dont celle sur le blocage de l'autoroute Turin – Bardonèche le 29 février:

 

Ylenia Gostoli et Bernado Parrella ont contribué à la rédaction du billet.

Note de la Traductrice:

*Trenitalia est une compagnie ferroviaire italienne

*Equitalia est un organisme public italien chargé de la collecte et du recouvrement des impôts et des amendes.

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