Le Brésil approuve les quotas raciaux au sein de l'enseignement supérieur

Cet article fait partie de notre dossier spécial Les droits des indigènes.

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Le 26 avril 2012, la Cour Suprême du Brésil, en formation plénière, a approuvé à l'unanimité l'adoption des politiques de quota racial au sein de l'enseignement supérieur du pays. Avec cette décision, les universités, collèges et autres institutions scolaires sont légalement autorisés à allouer un certain pourcentage de places aux étudiants d'origine africaine et/ou indigène.

L'approbation de cette loi soulève à nouveau le débat polémique sur la discrimination et les inégalités raciales dans le pays, suscitant d'importantes réactions et des opinions divisées.

Commemoration of the judgment of the Supreme Court on affirmative action. Photo of Emily Silberstein (CC BY 2.0).

Commémoration du jugement de la Cour Suprême sur la discrimination positive. Photo Emily Silberstein (CC BY 2.0).

Cette mesure est le reflet d'une action de discrimination positive devenue constitutionnelle au sein du pays depuis la démocratisation en 1988. Sur son blog, Diana Costa écrit : ‘Le processus de discrimination affecte négativement les gens, en les stéréotypant, les cantonnant à un statut social inférieur, d'incapables, de dégénérés, etc., les reléguant à un niveau de sous-citoyenneté et de risque civil.’

Elle explique également en quoi consiste la discrimination positive :

C'est un un ensemble de lois qui, en pratique, proclame que les gens ne sont pas traités de manière équitable et par conséquent n'ont pas les mêmes opportunités, leur interdisant l'accès à la production des savoirs et du pouvoir de négociation.

Le blog Religioes Afros Brasileiras e Politica (Religions Afro Brésiliennes et Politiques) déclare que, dans le pays, le résultat de la politique de discrimination positive à travers le système de quota a déjà montré des résultats : selon l'IBGE (Institut Brésilien de Géographie et Statistiques), il y aurait eu, entre 1999 et 2009 ‘une augmentation notable de la proportion des noirs et des ‘personnes de couleur’ diplômés’.

L'Université du Brésil (UNB) fut la première à adopter cette mesure quand en 2004, elle commença à réserver, aux seuls Noirs, 20% des places au sein de l'université ainsi qu'un certain quota pour les Indiens et ce, sans que ces derniers n'aient à passer l'examen d'entrée réglementaire.
Le Parti des Démocrates (DEM) avait intenté une action en justice contre l'UNB pour avoir usé du système des quotas raciaux comme une forme de ‘tribunal des races’ (attribuant la race aux gens selon leur couleur de peau). Depuis l'adoption de cette mesure  par l'UNB, bon nombre d'autres établissements de l'enseignement supérieur ont adopté le système du quota.

Pour faciliter le processus de recherche, le NGO Educafro met à disposition, sur son site, une liste complète des institutions offrant des quotas pour les étudiants de l'enseignement inférieur, les étudiants noirs, les étudiants indigènes ou ceux présentant un handicap.

#CotasSim vs. #CotasNao (#YesQuotas vs #NoQuotas)

De nombreuses personnes se sont réjouies de l'approbation unanime de l'adoption de la politique des quotas. Durant le vote, les magistrats de la Cour Suprême eux-mêmes étaient favorables à cette décision. Selon G1, le Ministre Joaquim Barbosa, seul noir au sein des votants, aurait déclaré que ‘ces mesures ont pour mission non seulement de lutter contre les manifestations flagrantes de discrimination, mais aussi contre la discrimination de fait, inhérente à la société, et tellement enracinée qu'elle n'est même plus perçue.’

Photo #YesQuotas from @PriscilaPila on Twitter.

Photo #YesQuotas de @PriscilaPila sur Twitter.

Journaliste et enseignant, Jeso Carneiro, a aussi célébré cette décision et a dit sur son blog :

La Cour Suprême a honoré son importante mission de défense de la suprématie de la Constitution. La décision de la cour est une victoire pour la société brésilienne, particulièrement pour la communauté noire qui, depuis les années 1980, a ardemment réclamé l'usage de la discrimination positive pour lutter contre le racisme et l'exclusion sociale des noirs dans ce pays.

Sur Twitter, à travers les mot-clefs #CotasSim, les manifestations de soutien étaient intense.

Le musicien Sany Pitbull (‏@SanyPitbull) a écrit :

Dans ce pays, l'élite blanche brésilienne a une dette à rembourser au peuple noir, aux pauvres, aux Indiens et aux personnes originaires du Nord-Est.

La blogueuse et historienne Conceicao Oliveira (@maria_fro) a ajouté :

Les quotas ne sont pas à l'origine du racisme, bandes d'hypocrites, le racisme existe dans un pays raciste qui ségrègue les jeunes noirs #CotasSim

Cependant, tout le monde n'est pas d'accord avec la décision de la Cour Suprême. Le vidéo-blogueur Daniel Fraga argue, dans sa vidéo, que pour un pays comme le Brésil, où le taux de mixité raciale est élevé, il serait difficile de définir correctement qui est noir ou blanc. Cette décision serait basée sur des «critères visibles» et cite en exemple le cas de 2 frères à l'UNB, l'un considéré comme blanc et l'autre comme noir, le dernier profitant d'une «place-quota» à l'université.

D'autres arguent que les quotas seront seulement une échappatoire pour le public pauvre du système scolaire primaire et secondaire, une affirmation réfutée par un article publié par l'Université Fédérale de Minas Gerais, déclarant que «c'est une grossière erreur de penser que, dans le champ de la politique publique démocratique, les avancées se produisent de façons séquentielles : d'abord, améliorer l'enseignement de base et ensuite démocratiser l'université. Les deux challenges sont urgents et doivent être relevés vigoureusement et simultanément.»

L'approbation a aussi généré des réactions racistes. Le 29 avril, sur le mur d'un magasin faisant face à l'Université de Minas Gerais (UFMG), ont été tagués les mots : «UFMG va virer au noir».

Le Blog Brasil Escola explique l'importance d'une meilleure compréhension du racisme au Brésil pour appréhender les politiques de discrimination positive dans le pays :

Le mélange racial n'exclut pas les péjugés. Notre Constitution place la discrimination raciale au rang de crime excluant la libération sous caution. De nos discussions, il ressort à la fois l'horreur du racisme et l'aveu public du Brésil comme étant un pays raciste. Cette contradiction montre que notre racisme est voilé mais cependant vivant. Nous voulons faire un discours pour les noirs mais ne voyons pas l'urgence d'une quelconque mobilisation en vue de la résolution de notre problème. Nous continuons d'accepter la distinction entre les noirs et les morenos (« bruns », basanés) avec une échelle de tons pastels où le dernier occupe une meilleure situation que le premier. De fait, nous créons l'étrange situation où «tous sont potentiellement racistes, excepté moi, bien entendu». Ceci montre bien que le champ d'application de la démocratie est un sujet aussi difficile et complexe que notre relation aux noirs au Brésil.

La discussion se perpétuera dans les semaines à venir, puisque outre cette action, la Cour Suprême a maintenant à décider de la constitutionnalité des quotas raciaux appliqués aux étudiants de l'école publique. Il est à souligner que les quotas ne sont pas rendus obligatoires – chaque institution scolaire peut choisir d'appliquer cette politique ou non. Par exemple, l'Université de Sao Paulo (USP), la plus grande institution éducative du Brésil, ne les applique pas.

Cet article fait partie de notre dossier spécial Les droits des indigènes.

Cet article a été écrit en collaboration avec Debora Baldelli.

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