Espagne : Le modèle d’investissement des grandes fortunes fait la Une

[Tous les liens de ce billet renvoient à des pages web en espagnol, sauf mention contraire.]

Les discussions concernant les sociétés d’investissement à capital variable [fr] (SICAV) ont repris cet été en Espagne, où certaines entreprises et personnalités utilisent cet outil fiscal collectif pour éviter de payer des impôts. En effet, dans ce pays, les SICAV bénéficient d’un traitement fiscal particulier : elles ne sont imposées qu’à hauteur de 1 % de leurs bénéfices.

Il y a quelques mois, Guillermo Rocafort, professeur de droit et d’économie, a publié un livre intitulé SICAV, paraíso fiscal [« SICAV, paradis fiscal »], dans lequel il explique les détails de cet outil, créé pour éviter que les grandes fortunes ne retirent leur argent massivement d’un pays à la recherche de régimes d‘imposition plus favorables.

Dans une interview accordée à Periodista Digital, Guillermo Rocafort, explique que l’un des plus grands problèmes avec les SICAV en Espagne est qu’une grande partie de leur capital est investi à l’étranger et ne contribue donc pas à stimuler l’activité économique du pays, contrairement aux SICAV françaises ou allemandes qui utilisent le leur de manière plus « patriotique », justifiant d’une certaine manière les avantages fiscaux dont elles bénéficient.

Dans cette vidéo de , mise en ligne le 2 janvier 2012, vous pouvez découvrir l’interview de Guillermo Rocafort :

 

La loi établit que chaque SICAV doit comprendre au minimum 100 actionnaires. Toutefois, dans les faits, il suffit de nommer un série d’hommes de pailles, populairement appelés mariachis, pour que la SICAV soit contrôlée par une seule personne ou un seul groupe. Les personnes usant de cet outil d’investissement sont généralement bien gardés, mais dans son livre, Guillermo Rocafort révèlent le nom de certaines personnalités et sociétés contrôlant des SICAV.

The Daughters of Charity, Prince of Asturias Award for Harmony 2005. Photo from the Prince of Asturias Foundation

Filles de la Charité, prix Prince d’Asturie 2005. Photo de la fondation Principe de Asturias.

Il nomme notamment les propriétaires de grands groupes tels que Zara, Pronovias ou Mango ou des personnalités du monde sportif, dont les footballeurs Fernando Hierro et Iván de la Peña. Il cite également l’homme d’église, Ángel Vallejo, des organisations ecclésiastiques telles que Hijas de la Caridad [« Filles de la Charité » !] ou Hermanos Hospitalarios [« Frères de l’ordre hospitalier »] et des personnalités comme le réalisateur Pedro Almodóvar et l’infante Pilar de Borbón, sœur du roi Juan Carlos.

Ce sont précisément ces deux derniers par qui le modèle des SICAV a refait la une durant l’été.

Le 3 mai dernier, journée mondiale de la liberté de la presse, le site web catalan Anuari Mèdia.cat [ca] publiait la liste des thèmes passés sous silence par les médias en 2011, rassemblant 15 reportages concernant des informations ayant fait l’objet de censure ou du moins peu couvertes par les médias au cours de l’année.

Le premier, intitulé Seis borbones y centenares de mariachis [ « Six Bourbon et des centaines de mariachis »], traitait de la SICAV gérée par l’infante Pilar de Borbón et ses cinq enfants.

Pilar de Borbón y Borbón – Dos Sicilias (…) a cinq enfants (…). Ceux-ci sont les uniques associés recensés de la SICAV (…). Le reste des actionnaires n’apparaît pas. Pour que la SICAV soit légale, il en faut au minimum 100. Labiérnago 2000 en a bien assez : 237 selon la Comisión Nacional del Mercado de Valores, mais 231 ne sont pas nommés. (…)

(…) Au terme de l’exercice 2001, les actifs de la SICAV de Labiérnago 2000 dépassait les 4,3 millions d’euros (…). En 2009, Labiérnago 2000 a réalisé un bénéfice de 392 970 euros et payé 930 euros d’impôts, selon les chiffres des registres. Et non, aucun zéro n’a été oublié. Pour vous faire une idée, si une entreprise fait un tel bénéfice, elle paye 100 000 euros d’impôts sur les sociétés. Si un individu gagne la même somme, plus de la moitié, environ 200 000 euros vont à l’État. (…)

Les affaires de l’infante Pilar de Borbón ne brillent ni par leur exemplarité, ni par leur transparence. La SICAV Labiérnago 2000 n’est pas l’unique affaire de l’infante. En effet, les sommes inverties dans cette société doivent bien provenir de quelque part, mais l’origine de sa fortune est inconnue. (…)

 

 

Les internautes se sont indignés sur Facebook :

Alberto Deza Rey : Voilà comment donnent l’exemple ceux qui sont supposés défendre le drapeau espagnol… Beurk !

Susana Martinez Lopez : Quels « patriotes » ! Et ensuite ils nous demandent de faire des efforts, que tous ensemble nous nous en sortirons. Quelle ironie !

 

La deuxième information à ce sujet est apparue à la fin du mois d’août, sur le site El Aguijón et concerne le réalisateur Pedro Almodóvar :

Pedro Almodóvar. Taken from Listal.com, under their conditions of republication.

Pedro Almodóvar. Photo de Listal.com, reproduite selon les conditions de republication du site.

(…) Selon les informations en possession du journal en ligne El Aguijón, les opérations financières de la SICAV de Pedro Almodóvar sont examinées de près depuis environ une années par les autorités espagnoles qui étudient les revenus obtenus par le réalisateur à l’étranger Ceux-ci pourraient avoir été bloqués par la SICAV ou d’autres investissements et affaires, de manière à ne pas être frappé d’impôt. (…)

 

Bien évidemment, cette information n’est pas passée inaperçue. Les internautes, tels que Ismael Asperilla l’ont commentée sur Twitter.

‏@IsmaelAsperilla: @Riikkki Ah, Almodovar, celui qui possède un SICAV et qui est accusé de blanchiment d’argent ? Allons, et il est inquiet par la hausse de la TVA ?

 

Joaquín A. de Toledo, Miguel Rivas et Tomas Harrow montre du doigt le manque de cohérence entre les positions politiques et le style de vie du réalisateur :

@carlossavedra: Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est la gauche caviar : la SICAV de Pedro Almodóvar sous la loupe de la justice pour évasion fiscale et blanchiment d’argent est en le meilleur exemple.

@gauchiberrimo: GAUCHE POLITIQUE CONTRE DROITE ÉCONOMIQUE : La SICAV de Pedro Almodóvar soupconnée de blanchiment. | Journal El Aguijón http://www.diarioelaguijon.com/noticia/4486/LOS-AGUIJONAZOS/La-SICAV-de-Pedro-Almodovar-investigada-por-evasion-de-impuestos-y-blanqueo.html

‏@ThomasHarrow: #Almodovar, celui qui ne paient pas d’impôts grâce à sa #Sicav, utilise un aéroport public payé par le peuple pour son film. Sale gauchiste hypocrite !

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