Mauritanie : une campagne sur les blogs contre les compagnies minières étrangères

Un groupe de blogueurs mauritaniens a lancé une campagne de blogging  “contre les compagnies minières étrangères” début octobre.

Pour les blogueurs, l'objectif de cette campagne était de partager leurs opinions sur les compagnies étrangères accusées de piller les richesses minérales de la Mauritanie. Cette campagne a été lancée par la publication simultanée d'une série de posts et s'est poursuivie durant une semaine.

Les blogueurs mauritaniens ont adhéré à cette campagne, beaucoup ont dénoncé les abus commis par ces compagnies. Ils ont aussi participé sur Twitter, sous le mot-clé arabe, “Contre le pillage de nos minéraux”. Les actualités, articles et logos de la campagne ont largement circulé sur Facebook et de Twitter.

Les articles de cette campagne sont consacrés aux atteintes aux lois sur la protection de l'environnement et à la destruction des sites par les exploitations. De plus, ils ont révélé la faible part de profits reversés par ces compagnies à la Mauritanie, qui s'élèverait tout au plus à 4 pour cent du prix de l'or et du cuivre extraits. Ils ont par ailleurs dénoncé les politiques de discrimination menées par les compagnies étrangères envers leurs employés mauritaniens.

Des écrivains et journalistes se sont associés à l'initiative des blogueurs, et ont écrit des articles pour soutenir la campagne.

Le blogueur mauritanien Sidi Weld Mohamed Lamine a publié un article qu'il a intitulé “Je veux mon ami en vie”. Il parle de la mort d'un ami, victime des substances toxiques utilisées par les compagnies minières. Il a écrit :

Alors que tout gouvernement qui se respecte sanctifie la vie de ses citoyens, il a cessé de jouer son rôle naturel de protection du pays, de ses fils, ses animaux, ses arbres et sa richesse. Et si ça doit être au détriment de notre richesse, laissons faire. Mais il doit protéger les vies humaines qui travaillent dans un volcan éteint qui peut exploser à tout moment et exploite des vies sans pitié – juste comme ce qui est arrivé à mon ami décédé.

Interdire le cyanure afin que le seul enfant de mon ami décédé grandisse – il est né après son décès –  alors qu'il est menacé quand il jouera et que toucher ou inhaler cette damnée substance peut le faire mourir immédiatement – ne me console pas.

Révéler la vérité qui est derrière la mort de mon ami, causée par l'entreprise, ne me console pas.

Et apprendre que la Mauritanie obtient de meilleurs revenus du cuivre et de l'or ne me console pas.

L'auteur mauritanien Abed Arhman Widadi a aussi participé à la campagne lancée par les blogueurs, parlant sur son blog “Raja Elsada” (Echo) de la part versée par les compagnies étrangères à la Mauritanie :

Les mines de Taziazat et d'Akjojet sont un témoignage criant de la gravité de la catastrophe ; seulement 4 % des revenus du cuivre et 3 % de ceux de l'or sont versés par les compagnies étrangères [à la Mauritanie]. Ces deux sociétés dénient toujours les droits des employés et utilisent des substances toxiques de façon éhontée.

C'est honteux que tout cela intervienne quatre décennies après la nationalisation de la compagnie Miverma, qui fournissait le meilleur ratio. La décision de nationaliser cette compagnie fut prise par Mokhtar Weld Dadah, Dieu lui accorde sa miséricorde, malgré les circonstances difficiles que traversait la Mauritanie pendant les années 70 : l'absence de compétences nationales,  l'impact de la domination française, qui en avait été irritée au point de brandir la menace d'une intervention militaire.

Le blog “Alrai El Hor” [Arabe pour la liberté d'opinion] débat du danger que représentent ces compagnies minières étrangères pour l'environnement mauritanien, et les politiques de discrimination envers les employés mauritaniens travaillant pour elles :

Des voix s'élèvent chaque jour pour demander la réduction de la pollution environnementale causée par ces compagnies, que ce soit par des travailleurs présents sur place – dont l’un m’a parlé de la ségrégation pratiquée là-bas. Il a dit que des employés occidentaux s’isolent dans des zones hautement protégées tandis qu’ils répartissent les travailleurs locaux dans des cantonnements privés du niveau minimum de protection – ou par des experts dans ce domaine tel l’ancien ingénieur et directeur de la surveillance environnementale, Monsieur Khalil Weld Ahmed Khlaifa, qui s’est fait limoger pour avoir révélé les risques immenses qui menacent l’environnement mauritanien.

Sidi Al Tayeb Weld Almujtaba ajoute :

Nos esprits peuvent-ils croire que 500 citoyens mauritaniens sont morts dans la région du nord au cours des cinq dernières années à cause des activités radiologiques menées pas ces compagnies minières…? Néanmoins, ces compagnies continuent de tuer et de nuire sans surveillance ni sanction.

Aucune personne même arrogante aujourd’hui ne peut ignorer l’étendue de ces maladies malignes et de ces cancers fatals dans les villes du nord, résultant de l’épandage de substances toxiques qui se dispersent via les éléments naturels (vent, air, sédiments) et atteignent les nappes phréatiques.

L’État mauritanien connaît cette tragédie, dont témoignent les noms de toutes les victimes, vivantes et mortes, ainsi que les circonstances de leur maladie, et même les lits sur lesquels elles sont mortes. Malgré tout cela, il ferme les yeux et se mure dans le silence.

Ci-dessous, quelques réactions relevées sur Twitter.

Le blogueur Abdallah Weld Jeilany a accusé des politiciens d’avoir reçu des pots-de-vin de la part de ces compagnies étrangères :

@AbdallahJeilany : Certains politiciens ont réagi au crime du pillage de la richesse de la Mauritanie et l’ont défendu. Ils l’ont légitimé malgré les lois, ils ont passé outre pour une poignée de pots-de-vin.

Et Saifuddin Alchankity a critiqué la complicité des médias avec ces compagnies :

@Saifuddin : Nos médias sollicitent le pillage de notre richesse par nos partenaires dans le développement, qui sont en fait des démons cachés sous le développement).

Taha Alhafedh alerte sur l’épuisement de la richesse minérale du pays :

@TahaAlhafedh : Le problème en Mauritanie est que quand les gens se réveilleront, notre richesse sera épuisée à cause du pillage systématique, et d’ici à ce que les gens se réveillent, j’espère qu’il nous restera un pays.

Et Alhoussain Weld Amor a aussi parlé du manque de bénéfices tirés par le peuple mauritanien de leurs richesses minérales :

@houmar83 : Depuis le tout début nous avons compris ce qui est dit à la radio, et nous avons entendu parler de l'agrément de projets d’extraction de minéraux et des permis, mais notre seul bénéfice dans tout ça est la mort.

L’activiste Sheikh Sharif a accusé le président mauritanien de toucher des commissions de ces entreprises :

@cheikhchrif : Bien sûr ces compagnies ne peuvent pas de piller notre richesse minérale sans permission du general, et ce qui est certain, c'est que ce contrat n’est pas gratuit

Le blogueur Badereddine Eldari a écrit :

@baderdine1 : La Mauritanie : un pays qui possède la deuxième plus grande mine d’or au monde. Pourtant, son peuple vit dans une grande pauvreté où les droits sont seulement le privilèges des corrompus.

L’activiste Nasser El Hashem a réagi à la campagne en disant :

@n_nasser56 : Ce qui a lieu est du vol. Vous pouvez acheter le silence de certains bureaucrates, mais les traces du crime vous condamnent. Les collines là-bas ont témoigné de vos crimes.

Un article complet sur ce que les blogueurs mauritaniens ont écrit au sujet des compagnies minières étrangères est consultable sur le blog Paparazzi.

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