Brésil : Porto Alegre, une histoire d'arbres et de Coupe du monde

[Liens en portugais] La ville de Porto Alegre, dans l'état du Rio Grande do Sul au Brésil, est connue pour posséder une des “plus belles avenues du monde” : la rue https://fr.globalvoicesonline.org/2013/05/18/145701/Gonçalo de Carvalho [lien en anglais] ; elle est aujourd'hui menacée par un projet urbain qui risque de défigurer cette voie bordée d'arbres. En réalité, le problème ne concerne pas seulement ce secteur. Le 6 février dernier, la mairie de cette ville a déjà créé la surprise en faisant abattre 115 arbres sur l'Avenida Edvaldo Pereira Paiva entre un gazomètre et le viaduc de l'avenue Pinheiro Borda, au centre de la ville. Ce chantier a été interrompu par l'intervention d'un groupe d'habitants du quartier, pour empêcher les ouvriers de la Direction municipale pour l'environnement (SMAM) de monter dans les arbres restés encore debout sur la place Júlio Mesquita, en face de l'usine.

Sur Twitter, @zecaleal a écrit :

@zecalea Gazomètre  dévasté par un élagage incontrôlé des arbres, inconséquence et cynisme à la direction de l'environnement

L'abattage de ces arbres centenaires est la conséquence du projet de dédoublement des voies de l'avenue Edvaldo Pereira Paiva en prévision de la Coupe du monde de football en 2014. Selon l'EPTC (Entreprise publique pour le transport et la circulation), le projet prévoit un élargissement de la voie sur 5,8 km entre le gazomètre et l'avenue Pinheiro Borda.

Dudupruvinelli1 a posté sur YouTube une vidéo montrant les arbres au sol le long de l'avenue :

Le projet de reconstruction de ce tronçon de l'avenue Edvaldo Pareira Paiva coûtera plus de 25 millions de Reais, selon les donnés publiées sur le portail Transparence pour la Coupe de la Mairie.

La société civile se mobilise

Durant le conseil municipal, à l'annonce de cette mesure, l'opposition a exigé une réunion avec la SMAM et la commission  Santé et Environnement. En début de nuit, le préfet José Fortunati a donné l'ordre de l'arrêt de l'abattage des arbres. L'entreprise mandatée pour l'opération a fait une déclaration selon laquelle les arbres du quartier du gazomètre “n'étaient utiles à personne”.  Une déclaration dont on s'est bien moqué dans une vidéo publiée par tonpoa sur Youtube :

Le 19 février, en audience publique, une rencontre a eu lieu entre représentants de  la société civile et le promoteur, proposant à l'administration municipale la construction d'un passage à plusieurs niveaux permettant de ne pas abattre les arbres. Cette proposition a été écartée du fait de son prix élevé et du risque d'inondation provoquée par la proximité du lac Guaíba.

Sur le portail Sul 21, on parle de la plantation de 400 arbres prévue en centre ville en manière de compensation, un nombre qui a été augmenté par la mairie un mois après, lors d'une réunion publique du conseil municipal le 18 mars. Le 23 mars a eu lieu une cérémonie à l'occasion de ces nouvelles plantations dans le Parc de l'harmonie, proche du gazomètre. Le blog Porto Imagem commente :

Pour compenser l'abatage des 115 arbres, il est prévu d'en planter 401, sans parler du projet paysagé de l'avenue qui devrait permettre la plantation de plus de 2 000 arbres tout au long du tronçon élargi. Tous les remplacements prévus par la Mairie sont des espèces natives, contrairement à la majorité de celles qui ont été abattues, répertoriées techniquement comme “exotiques et invasives”.

L'architecte et urbaniste Anthony Ling fait l'analyse sur son blog Rendering Freedom de ce projet dans l'optique de la “planification de la Coupe du monde par la Mairie (…), une procédure riche en contradictions et procédures douteuses en matière de gestion publique. Anthony Ling s'interroge sur le développement de la ville et se demande si la qualité de vie s'y améliore en fonction de l'augmentation de vitesse du trafic dans les rues. D'un autre côté, tout en se montrant opposé au projet, Ling critique également les objectifs de plusieurs mouvements contestataires, partagés entre la conservation des espaces verts et l'utilisation des deniers publics.

Toutefois, ce débat entre arbres et développement est une vision déformée du véritable enjeu. Le projet de l'équipe qui porte ce projet ne mène pas forcément vers le développement et la position de ceux qui sont contre n'est pas forcément dans l'intérêt des arbres du coin.

Pour s'opposer à ce qu'il appelle une “planification finale”, Ling  propose un assouplissement des règles actuelles pour favoriser un meilleur aménagement des rives du lac Guaíba :

Transformer ce superbe rivage en un espace utilitaire et pas seulement en un espace destiné au passage des véhicules. Ma critique ne concerne pas seulement un problème d'arbre, mais plus globalement la manière de piloter ce projet, son ambition à courte vue sans prendre en compte la demande des usagers et  l'économie locale.

Le Parc du gazomètre

""Um das coisas que mais gosto nessa cidade (Porto Alegre) é passear por lugares assim. Infelizmente as pessoas em Natal não tem a menor consciência do quanto a preservação e o plantio de árvores pode fazer uma grande diferença na paisagem urbana." Foto de Kênia Castro, no Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

En légende: ” La préservation et la plantation d'arbres peut créer une grande différence entre les paysages .” Photo de Kênia Castro, sur Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

Au cours d'une réunion plénière du conseil municipal le 18 mars, Jacqueline Sanchotene, présidente du Mouvement pour que vive le Gazomètre a rappelé l'existence d'un projet présenté en 2007 par l'architecte Rogério dal Molin pour l'aménagement du “couloir du parc du Gazomètre” qui s'oppose à celui que la Mairie met en oeuvre actuellement. En partant d'un abaissement de la voie et d'un agrandissement des places, le Parc du gazomètre devrait créer un lien avec la rive du lac Guaíba et ouvrir un accès direct pour la population.

Prévue lors de la révision du plan d'orientation le 22 juin 2010 par la Loi complémentaire 646, la zone verte relie les places Julio Mesquita et Brigadeiro Sampaio au delà de l'usine Gazométrique et du quai Mauá également  concerné par un projet de réhabilitation en cours de réalisation. Cette loi précise que dans les 18 mois, un appel d'offre devait être organisé. Rien n'aurait été fait et pourtant cette avenue Edvaldo litigieuse se trouve en plein milieu de la jonction. En dépit des manifestations d'opposition aux coupes d'arbres, le vice-préfet Sebastião Melo a annoncé leurs reprises, compte tenu du fait que les contrats pour ce travail ont été signés. Il a néanmoins promis la création d'un groupe de travail pour l'aménagement du Parc. Celui-ci était en place le 20 mars, constitué de représentants de cinq institutions de la société civile : l’Association Gaúcha de Protection de l'environnement (AGAPAN), l’Institut des Architectes du Brésil (IAB-RS) l'Union des Association d'habitants de Porto Alegre (Uampa) et la  Régie générale de planification 1 (RP 1), qui intègre la commission municipale pour le développement urbain et l'environnement (CMDUA). En dépit de ce  projet, les habitants de Porto Alegre continuent à s'indigner devant les abattages d'arbres.

Sur Twitter, certain ont utilisé le  hashtag #SOSArvoresPOA pour manifester leur indignation. Ainsi, Cintia Barenho (@CintiaBarenho)qui écrit : “Il semble que nous devront y monter de nouveau pour les défendre”, et Leonardo Frota (@leonardo_frota1) qui écrit :

Persister dans l'abattage des arbres dans le secteur du gazomètre est une attitude lamentable de la part de la Mairie (@prefeitura_poa) et du Vice Préfet @sebastiaomelo

Une pétition en ligne “Pour l'arrêt de l'abattage des arbres et la reconnaissance du Parc du gazomètre” a été lançée, réunissant au 25 mars plus de 1200 signatures

Article actualisé le 29 de mars .

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