Quatre-vingt dix pays se réunissent pour la conférence mondiale contre la peine de mort

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Le 5e Congrès mondial contre la peine de mort a eu lieu à Madrid [fr] du 12 au 15 Juin 2013. Periodismo Ciudadano (PC) et Global Voices en espagnol se sont associés pour couvrir cet événement important. La contribution suivante de Anabel Sánchez Sierra de PC fournit un résumé du congrès. 

Le 5ème Congrès mondial contre la peine de mort était un événement très attendu, avec la participation de 90 pays. Des questions clés ont été examinées dont l'abolition de la peine de mort, ainsi que des sujets liés à l'adhésion aux traités relatifs aux droits humains, l'adoption d'un moratoire sur les condamnations à la peine de mort, et l'instauration de réformes du code pénal.

L'idée de cet événement international tire son origine du congrès précédent, tenu à Genève en 2010. A cette époque, l'Espagne s'était engagée à créer le Congrès international contre la peine de mort (créé la même année à l'occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort) dans le but de parvenir à un moratoire universel sur la peine de mort au cours des cinq prochaines années.

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Un nombre important de parlementaires et de dirigeants politiques étaient présents pour l'occasion, en particulier ceux représentant l'Asie et l'Afrique, régions de préoccupation principale, avec plusieurs lauréats du prix Nobel pour la paix. Au cours de la cérémonie d'ouverture, la vice-ministre norvégien des Affaires étrangères, Gry Larsen, a souligné les standards élevés fixés par l'Europe pour le reste du monde.

Parmi les pays qui, il y a seulement quelques années, pratiquaient la peine de mort, la France, où elle a été abolie en 1981, mérite une mention spéciale  et l'Espagne, où elle a été supprimée en 1995 pour tous les types de crimes. Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a beaucoup insisté sur le fait que les principaux acteurs politiques sont conscients de la nécessité d'abolir la peine capitale, même si l'opinion publique était favorable à sa conservation dans de nombreux cas.

En outre, la vice-ministre a évoqué quelques-uns des thèmes clés du congrès, qui ont fait l'objet de discussions au cours des nombreux débats, ateliers et séances plénières (21 au total). Elle a insisté sur la nécessité que toute activité politique soit dirigée par des réseaux parlementaires, où les représentants politiques à travers le monde puissent être impliqués dans les discussions sur la peine de mort. Des exemples de pionniers dans ces réseaux sont des pays aussi différents les uns des autres que le Royaume-Uni et le Maroc. Le premier a créé un groupe parlementaire spécial, composé de membres de la Chambre des Lords et de la Chambre des communes, dont les représentants se rendent dans les parlements des pays non abolitionnistes pour tenter de changer leurs positions. Le second pays a réussi à réunir un total de 160 parlementaires qui travaillent pour quelques objectifs communs [fr] : l'abolition de la peine de mort et la question connexe de l'adhésion aux traités relatifs aux droits de l'homme, ainsi que la mise au point d'un moratoire sur ces types de peines (prévus pour 2014) et les réformes du Code pénal.

Des représentants d'autres pays également ont assisté à la séance d'ouverture avec différentes positions politiques, tels que le Bénin, les Philippines, le Burkina Faso, l'Irak et la Tunisie. La participation de la Tunisie a été remarquée, non seulement en raison d'une pétition que son  représentant a adressé au Congrès pour que l'abolition soit traitée comme une question clé lors des prochaines élections, mais aussi en raison de l'espoir de devenir l'une des principales nations abolitionnistes d'Afrique du Nord.

Moyen-Orient et Afrique du Nord

La plus grande partie du programme de ce congrès était centré autour de l'axe géographique connu sous le nom de MENA (acronyme anglais désignant les pays du Moyen-Orient et l'Afrique du Nord) [fr]. De nombreux problèmes constituent actuellement des obstacles dans cette région freinant l'évolution vers l'abolitionnisme : la radicalisation religieuse des gouvernements et l'existence d'un système de justice qui crée la méfiance de la population quand il s'agit de punir les délinquants. La séparation des droits de l'homme de la religion a été présentée comme essentielle.

Lors de la séance d'ouverture, le ministre irakien de la Justice, Hassan Al Shammari, a défendu la position de son pays sur la nécessité d'assurer un châtiment exemplaire pour les crimes commis par des “terroristes”, ajoutant que la décision d'adopter ou non la peine de mort était une question influencée par la religion et la culture. Le lendemain, ces arguments ont été démantelés au cours d'une séance plénière, dans laquelle Youssef Seddik (anthropologue et philosophe islamique tunisien) a déclaré que le principal obstacle vers une position abolitionniste était enraciné dans le fait que ces pays faisaient une mauvaise interprétation du Coran, qui n'impose pas l'application de la loi du talion [c-à-d “œil pour œil”] pour les musulmans, mais au contraire, la préservation de la vie humaine à travers le pardon.

C'est pour cette raison que l'un des principaux objectifs dans cette région est d'essayer d'en finir avec la menace que la peine de mort impose sur le droit à la vie dans la plupart des constitutions de ces pays. Pour ce faire, une véritable démocratisation est nécessaire permettant de protéger les droits humains par-dessus tout et qui ne se limite pas à la tenue d'élections.

Le parlementaire libanais Ghassan Moukheiber résume les espoirs de la région succinctement : ” Ces trois choses sont nécessaires: il faut du courage, du temps et une action continue “.

Etats-Unis et Amérique latine

La question de l'abolitionnisme aux Etats-Unis a également été très débattue, ainsi que le paradoxe évident que la première puissance du monde et championne des droits de l'homme continue de défendre et de pratiquer la peine capitale.

Dans la région des Caraïbes, la situation particulière de Puerto Rico est remarquable, pays qui a aboli la peine de mort en 1929, mais pourrait bien continuer à l'appliquer en raison de l'influence américaine (à ce jour, aucun jury n'a prononcé une sentence de peine capitale à Porto Rico). Les condamnations pénales y sont prononcées en anglais, et non dans la langue parlée par la majorité de la population, l'espagnol, ce qui complique encore plus le problème.

Une situation grave existe au Guatemala, qui est bien illustrée par les statistiques : 42 morts violentes pour 100.000 habitants, 16 par jour, et une opinion publique favorable à la peine de mort.

Asie

Le débat concernant l'Asie a commencé avec les remarques sur les progrès réalisés par le mouvement abolitionniste, comme l'adoption d'un moratoire dans plusieurs pays. Malgré cela, il est à craindre que les exécutions puissent reprendre en raison de l'opinion publique, comme cela a déjà eu lieu à Taïwan et en Inde. Un autre problème est que les peines sont infligées non seulement pour les crimes de sang, mais aussi pour des crimes tels que le trafic de drogue (Indonésie et Singapour). La Mongolie est le pays qui offre le plus d'espoir dans la région, et selon Sosormaa Chulunnbaatar, conseiller pour les droits de l'homme du gouvernement, elle pourrait adopter l'abolition dès l'année prochaine.

Au cours des débats, les sujets de discussion ont suscité beaucoup de controverse, comme la question des mineurs. En Iran, la peine capitale est applicable aux mineurs à partir de 15 ans pour les garçons et de 9 ans pour les filles, et elle est habituellement négociée par les familles. En de nombreuses occasions, une famille paiera une somme d'argent en échange de la vie du mineur, la vie des garçons étant plus “chère” que celle des filles. Au Soudan, la plupart des mineurs condamnés à mort sont des garçons, des enfants-soldats qui sont usuellement exécutés par pendaison, lapidation ou par la même méthode utilisée pour tuer leurs victimes. À l'heure actuelle, il y a sept enfants-soldats dans le couloir de la mort.

Table-ronde Mineurs et peine de mort dans le monde

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Le trafic de drogue

Le problème posé par le trafic de drogue, c'est que, bien que généralement pas considéré comme une infraction très grave, il produit un grand nombre d'exécutions. Maya Foa, directrice adjointe de la division de la peine capitale de Reprieve [fr], fournit des données importantes [anglais]. La peine de mort est obligatoire pour les crimes liés à la drogue dans un total de 12 pays. Le plus grand nombre d'exécutions appliqué pour ces crimes est en Iran (10.000 pendaisons publiques entre 1979 et 2001), un pays qui enregistre le plus grand problème du monde pour la dépendance à l'héroïne chez les personnes de moins de 35 ans. Ces faits sont aggravés par deux autres : les pays européens financent la “chasse” aux trafiquants de drogue, et dans de nombreux cas, les prisonniers sont extradés de pays abolitionnistes vers des pays non abolitionnistes pour exécution.

Pour parvenir à l'abolition mondiale de la peine de mort, des solutions sont nécessaires. La plupart des séances se concentrées sur la recherche de solutions par le dialogue et le partage d'expériences entre les différents pays du monde. Tous étaient d'accord que l'une des solutions les plus efficaces est d'éduquer les populations des pays qui n'ont pas encore adopté l'abolition. A Porto Rico, des ateliers sont en cours d'élaboration pour les journalistes (leur fournissant informations, statistiques et autres données pertinentes) afin d'obtenir une plus grande médiatisation et organiser des activités culturelles autour du sujet. Avec d'autres pays comme le Maroc et le Liban, Porto Rico s'est engagé à promouvoir la discussion et la sensibilisation des élèves.

Aux États-Unis, il est prévu de diffuser des témoignages et des campagnes d'information visant à influer sur la conscience américaine. Des messages par Internet et des plans de marketing sont essentiels, de même que la création de réseaux internationaux de victimes du système judiciaire.

Le Congrès s'est conclu le 15 juin par une cérémonie de clôture à Callao City Lights sur la place Callao, réunissant de grandes figures du monde de la politique et des droits humains, ainsi que des porte-parole de la Coalition mondiale contre la peine de mort [fr], et le directeur ainsi que le secrétaire général de l'organisation “Ensemble contre la peine de mort” [fr] qui sont les organisateurs de l'événement.

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