Equateur: Les injures sur les réseaux sociaux pourraient être sanctionnées

[liens en espagnol et anglais] Les utilisateurs des réseaux sociaux en Equateur pourraient être poursuivis pour injures publiques et calomnie, selon une proposition de réforme du code pénal qui sera présentée à l'assemblée nationale prochainement. Selon Alexis Mera, conseiller juridique à la présidence de la république et principal initiateur de la proposition, ce délit pourrait être sanctionné par deux années de prison. 

“J'ai proposé une régulation de tous les faits de  calomnie sur les réseaux sociaux parce que ceux ci ne doivent pas demeurer des espaces d'impunité. J'ai demandé au service de la Justice d'envisager une procédure spéciale pour les injures sur Twitter ou Facebook parce qu'aujourd'hui une injure contre une personne qui est suivie par 10 000 autres peut produire des effets très rapides et désastreux” a déclaré M. Mera fin août.

Internet cafe. Photo by Pixelthing via Flickr (CC BY-SA 2.0)

Café Internet. Photo de Pixelthing via Flickr (CC BY-SA 2.0)

Plus récemment, un parlementaire, Mauro Andino a déclaré que l'on était en train de chercher la façon de mettre en pratique cette mesure, car il est “très compliqué” d'identifier les personnes physiques derrière différents comptes Internet. Une des options à l'étude est l'installation obligatoire de caméras de surveillance dans les cybercafés. Ceci, non pas pour attenter à la vie privée de chacun, ou contrôler les réseaux sociaux, mais pour pouvoir identifier les délinquants.

Cette mesure va pourtant à l'encontre des recommandations des organismes internationaux de défense des droits de l'homme et constitue une menace pour la liberté d'expression des Equatoriens. Plusieurs organisations de la société civile équatorienne ou internationale ont rejeté cette proposition en insistant sur le fait que les droits de la personne en dehors d'Internet sont les mêmes que lorsqu'elle est en ligne, et que l'expression sur les réseaux sociaux ne doit pas être abordée de façon différente. 

Frank La Rue, rapporteur spécial de l'ONU pour la promotion et la protection des droits à la liberté d'opinion et d'expression, a indiqué à plusieurs reprises que compte tenu du caractère particulier d'Internet, une série de règlements ou restrictions pouvant être considérés comme légitimes et adaptés au cas particulier des moyens de communication traditionnels, ne le sont plus du tout ici. Il a rappelé également plusieurs fois que “la diffamation devait être dépénalisée”. Les promoteurs de cette réforme  font exactement le contraire

Les moyens qui seraient utilisés pour sa mise en place (en particulier imposer une surveillance vidéo dans les cybercafés), ont un impact élevé sur la liberté d'expression et le respect de la vie privée des citoyens et citoyennes. D'une part, ils vont contre le principe de nécessité et proportionnalité consacré par le droit international pour la restriction de la liberté d'expression, d'autre part ils accordent des pouvoirs de contrôle à des entreprises privées comme les cybercafés (et bien que cela ne soit pas mentionné, probablement aux fournisseurs de services Internet), faisant fi des garanties légales auquelles a droit chaque citoyen en dehors d'Internet. 

Ce qu'on se prépare à mettre en place en Equateur va décourager le débat public et se traduira en pratique par une autocensure, phénomène hautement nocif pour la démocratie.

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