Israël dans la cyber-tourmente de #Flottille

L'impact mondial des médias sociaux et de la Toile en temps réel à mesure du déroulement de cette affaire ne fait aucun doute. De Twitter à Facebook en passant par les forums en ligne et les fils de discussions, le champ de bataille s'est déplacé de la Méditerranée à une cacophonie numérique de données. C'est une bataille sur la vérité, une guerre sur l'exactitude des faits, pour savoir qui a raison ou tort. Qui obtiendra plus d'attention sur sa version et qui peut faire tomber le site de l'adversaire [en anglais]. Choisir son bord est aussi simple que joindre un groupe Facebook, témoigner son soutien ne demande que de ReTweeter un message ou publier une nouvelle entrée.

Les organisateurs de la flottille, les Forces armées israéliennes et le monde dans son ensemble expérimentent la force brute du flux d'information. Et surtout, ils s'aperçoivent qu'à notre époque, son flot est impossible à arrêter. Les outils de médias sociaux tels que Twitter et Facebook créent des canaux immédiats donnant à tout utilisateur la capacité de publier un message, en toute fluidité et pour un coût quasi nul. Une fois en ligne, les messages peuvent être aisément répercutés, par les réseaux d'amis et de “followers”, pour être vus en général par quelques-uns, mais touchant parfois des lecteurs par millions.

Le mot ‘Flottille’ a figuré en tête de tendance sur Twitter pendant 20 heures sur la dernière journée et demie. Ce qui est déjà en soi une immense victoire pour ses organisateurs et le mouvement Free Gaza. Pour un sujet, se trouver en tête de tendance a d'énormes effets : une visibilité et une attention massives. Des messages par dizaines de milliers en quelques heures, dont plus de la moitié comportent des liens vers des sites web.

Dans ses préparatifs, l'armée israélienne a mis l'accent sur l'assurance qu'au cours de l'opération aucune information émanant des activistes ne filtrerait par des moyens de cyber-guerre. C'est Israël qui était censé être le premier à fournir des informations sur la tournure des événements. L'intention des militaires était d’empêcher toute forme de communication [en hébreu] en provenance des bateaux des militants et de faire en sorte qu'un groupe de journalistes à bord des navires israéliens soient les premiers à informer la planète. A leur déconvenue, leur plan a échoué.

Avraham Pechter argumente [en hébreu] qu'Israël aurait dû ouvrir ses canaux de communication auparavant :

Les Forces israéliennes de défense (IDF) auraient dû démarrer l'opération par une vague continue et ouverte de communication à la radio et la télévision, accompagnée par les journalistes qui étaient avec l'armée. Décrire les événements en temps réel au monde entier aurait apporté la preuve des affirmations des IDF – face à un piège violent et organisé qui atteignait le stade de menace contre leurs vies nécessitant d'ouvrir le feu – justifiées vu les circonstances. Y adjoindre des journalistes internationaux aurait neutralisé l'hostilité planétaire…

Yoni Ben-Menachem ajoute [en hébreu]:

Il est temps de réorganiser la stratégie de communication d'Israël, sinon Israël luttera “à mains nues” contre la délégitimation en train de se produire contre lui. Il est temps de réduire en miettes les systèmes existants, attendre ne fera que causer plus de tort à Israël.

Roni écrit [en hébreu]:

Faire le jeu des provocateurs  – voilà la plus grande faiblesse. Les Israéliens ont lamentablement échoué vis à vis des médias. Le ministère des affaires étrangères, dirigé par un des plus grands activistes qu'ait jamais connu notre pays, devrait se voir confier cette matière. A la lecture des journaux du monde entier, nous Israéliens paraissons tous soutenir l'opération. Nous n'avons pas le droit de faire comme si nous étions étonnés que le monde nous haïsse – puisqu'il n'y a eu aucun effort pour essayer d'expliquer notre position ou faire un compromis. Si on s'en tient aux faits, Israël paraît agressif, illogique et fondamentaliste. Le problème avec ce gouvernement et ce pays, et les extrémistes qui nous conduisent au désastre complet, c'est qu'ils ne comprennent pas que nous devons aussi nous entendre avec le monde, et pas seulement fortifier nos opinions et dire que nous avons raison quoi qu'en pensent tous les autres.

Twitter n'est pas d'un usage très répandu dans la population israélienne, mais a été adopté par les administrations et officiels de l'Etat (@IsraelMFA, @IsraelConsulate, @Tzipi_Livni) ainsi que les organes des médias (@Haaretz, @liquid_rotter, @galey_zahal). Parmi ceux qui écrivent sur Twitter en bébreu, beaucoup reprennent les grands titres de la presse, tels ephic:

RT @nrgcoil le cabinet : interception de la flottille – auto-défense contre le Hamas : à la fin d'un débat sur l'opération des IDF contre les bateaux activistes voguant vers Gaza http://bit.ly/aPQmOL

Certains ont opté pour la dérision cynique :
romanrap:

Qui est pour envoyer une flottille humanitaire pour aider les kurdes ou les arméniens de Turquie ? Et bien sûr, ne pas stopper quand on leur demande. Et si possible, placer des bâtons et des couteaux à bord.

D'autres apportent leur critique :
TovAnoT:

Les Israéliens n'auraient pas dû aller sur ce bateau, et de toute façon, le siège de Gaza n'a pas de sens. Nous devrions riposter à la violence avec *pleine* force, mais la flottille n'était pas violente.

Facebook est nettement plus populaire en Israël. Ces deux derniers jours, Facebook a été utilisé pour héberger des discussions sur les pages individuelles et de groupes. Un groupe Facebook a appelé à soutenir les IDF et un plus restreint a réuni des gens demandant à Bibi Netanyahu et Ehud Barak de démissionner. Un des groupes les plus nombreux (40.000 membres) engage les Israéliens à soutenir un boycott des produits turcs, avec le slogan: “Je ne vends pas ma fierté nationale pour une affaire de $500 tout compris”.

Amir Mizroch écrit sur le pouvoir du signe ‘#’ par rapport à celui du signe ‘$’, soulignant l'incapacité d'Israël à mettre au point des communications convenables [en anglais] :

Les commandos israéliennes ignoraient peut-être que les membres de la flottille de Free Gaza portaient des couteaux, des armes à feu et des barres de fer. Mais ils auraient dû savoir que beaucoup d'entre eux étaient armés d'appareils-photos, de téléphones portables, de blogs et de comptes Twitter. Pour un pays aussi technologiquement avancé, et ayant des problèmes publics de diplomatie aussi aigus, échouer aussi lamentablement à préparer une offensive de communication sur les nouveaux médias est un ratage de proportions stratégiques…

Les médias sociaux sont bon marché et l'antithèse des institutions centralisées et ils subvertissent leur autorité. Ils se montrent, jusqu'à présent, une arme asymétrique de choix pour les militants de terrain…

Si Israël est reconnu à juste titre comme la “nation start-up” du monde pour son dynamisme et son entreprenariat technologiques, nous nous faisons battre à plate couture pour les usages médiatiques de cette nouvelle technologie. Nous sommes peut-être une nation start-up, mais pour la communication nous en sommes restés à la brique et au mortier. Nos adversaires nous ont ctrl-alt-suppr-imés.

Le blogueur sur les technologies néo-zélandais Luke Appleby décrit le rôle important joué par la technologie [en anglais] :

le rôle de la technologie dans cet épisode n'est pas négligeable – en fait, il a été primordial.
C'est une preuve de plus de l'impact que peuvent avoir les médias sociaux et les appareils nomades pour contribuer au libre flux de l'information, en particulier pour alerter le monde sur les actions, politiques et décisions gouvernementales.
Les gens deviennent sélectifs dans ce qu'ils croient, prenant l'information à une large pléiade de sources et se forgeant leur propre opinion, ce qui ne peut être qu'une bonne chose.
Le monde entre dans une nouvelle ère – de transparence, de rapidité de circulation et de connectivité globale. Il y a toujours quelqu'un pour regarder, tweeter, bloguer ou mettre en ligne.

Un intéressant et pertinent fil de commentaires a suivi ce billet.
commentaire N°1 :

concernant la technologie, je suis d'accord avec l'analyse ci-dessus – l'information reste partiale et sans compréhension du contexte d'une situation dans son ensemble les opinions ne valent pas grand chose.

commentaire N°2:

Ces réseaux favorisent absolument ceux qui cherchent à diffuser un message, mais ce ne sont pas forcément des compte-rendus de haute qualité. Ils ont des chances d'êtres biaisés en faveur de leur auteur. Je ne soutiens pas les Israéliens ou quiconque, mais le tableau reste encore beaucoup trop confus pour tirer quelque conclusions que ce soit.
Il n'en reste pas moins que le gros volume d’ “information”, pour la plupart banale, tend à ensevelir les choses importantes. Au bout de quelques heures elle s'efface de la conscience sociale.
Peut-être est-ce là une raison pour laquelle les Israéliens sont allés à l'abordage aussi loin des côtes. Près des côtes, ça veut dire plus de téléphones etc qui fonctionnent, facilitant l'envoi d'appels/photos/vidéos. Etre au large limite les communications à des dispositifs spécialisés comme les téléphones satellites, etc.

Peut-être est-ce pour cela qu'Israël a décider d'intercepter les navires dans les eaux internationales. Mais la vraie raison reste inconnue.
Avec le retour dans leurs pays des activistes, on en saura certainement plus sur ce qui s'est passé. De prochains billets feront état de ces futures informations.

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