Russie : Les blogueurs anglophones discutent des aspects sociaux et politiques des feux de tourbières

Les blogueurs anglophones de Russie discutent depuis début août des aspects sociaux et politiques des feux de tourbières catastrophiques et des opérations menées en ce moment par les pompiers en Russie centrale. Voici un choix d'opinions.

Dans un billet du 4 août, Streetwise Professor notait que, pour un certain nombre de raisons, la Russie manquait d'une grande partie de ce qui est nécessaire à “l'efficacité des services d'incendie” : “une bonne gestion opérationnelle,” un “investissement en équipement,” significatif,  “d'excellentes communications,” et “du personnel entraîné capable de réaction immédiate à des évolutions subites”, et de conclure :

Sans surprise peut-être, la réponse officielle semble autant soucieuse de paraître avoir les choses en mains et agir que de réellement avoir les choses en main et faire quelque chose . […]

Un lecteur habitant en Russie, mossy, a rétorqué en commentaire :

[…] Ça va vraiment, vraiment mal. Le système le plus organisé, prêt, bien financé et bien organisé serait insuffisant face à ça. D'un autre côté, nous n'avons pas de système organisé, prêt, bien financé et bien organisé. Et les gens sont des imbéciles. Mon voisin arrose 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, même si ça lui fait perdre de l'eau. Les gens font des feux avec les débris de chantier et les laissent sans surveillance. Alors sûr, les autorités foirent. Mais sûr, c'est vraiment une situation malheureuse. Il n'y a jamais rien eu de pareil dans l'histoire connue de Moscou.

[…]

[…] Sur Poutine “prenant les choses en mains.” C'est une arme à double tranchant. […] D'un côté, certains se diront sans doute : Molodets ! [excellent !] Reprendre la main sur ces crétins locaux qui n'ont pas fait leur boulot. Il prend soin des gens. De l'autre côté, il y en aura qui penseront : qu'est devenue la verticale du pouvoir ? Si tu es au sommet en contrôlant tout jusqu'à la base, pourquoi tu as laissé pourrir à ce point ? Et comment se fait-il que la seule fois où les problèmes se règlent, c'est quand tu te manifestes ? Nous n'avons donc aucun système de gouvernance qui fonctionne sans que le premier ministre intervienne lui-même ?

Alors je ne sais pas comment ça va finir. J'ai été surpris par la virulence de la critique du gouvernement par des catégories de “citoyens ordinaires” qui soutiennent d'habitude Poutine. Nous avons eu une version réduite de cette horreur en 2002, et je ne me souviens d'aucune critique envers le gouvernement à l'époque. Je ne crois pas que ce sera la goutte d'eau qui fera déborder le vase, par contre je pense que le ras-le-bol général est monté d'un nouveau cran. […]

Le 5 août, Miriam Elder a déposé une dépêche sur GlobalPost montrant un village réduit en cendres à 140 km de Moscou et a aussi raconté dans son blog comment elle s'est grièvement brûlé le pied là-bas :

[…] Je prenais des photos des restes de Kadanok, un village qui a entièrement brûlé, lorsqu'un faux pas m'a fait m'enfoncer dans quelque chose qui m'a fait sentir un millier de couteaux bouillants me taillader le pied.

La Russie brûle. Tout ce que vous entendez, multipliez-le par mille, c'est aussi grave que cela. […]

[…]

Et il n'y a personne pour porter secours. Avec trois collègues, j'ai quitté Moscou à 7 heures du matin, et suis arrivée à l'hôpital à Moscou à 7 heures du soir. Douze heures et pas un seul engin de pompiers, camion militaire, véhicule du ministère des situations d'urgence en mouvement. On a laissé ces gens livrés à eux-mêmes. A Beloomout, les gens, pour beaucoup des retraités, prennent des pelles et creusent seuls des tranchées.

Ce n'est pas la Sibérie ou l'Extrême Orient, c'est un faubourg de Moscou, incroyablement pauvre et complètement oublié. […]

Le 5 août également, A Good Treaty a traduit du russe l'échange sur la rynda ou cloche d'incendie entre l'utilisateur LJ top-lap et le premier ministre Vladimir Poutine (voir la traduction GV ici) et voici ce qu’il écrit à ce propos :

[…] Je suis sûr que beaucoup comprendront la réponse de Poutine comme la nouvelle livraison de son ineffable recueil de bons mots […]. […] Le vrai sens de sa lettre — son sarcasme et son offre finale de ‘rendre la cloche d'alarme incendie’ — semble faire peu de cas d'un problème plutôt grave, c'est-à-dire l'embarrassante pauvreté de la campagne russe. […]

Le 10 août, Vadim Nikitin du blog de l'Association de Politique Etrangère Russia a évoqué les conséquences de la catastrophe pour certains fonctionnaires en Russie :

[…] Jusqu'à présent la catastrophe a provoqué la mort politique de seulement un groupe réduit et isolé de bureaucrates de rang intermédiaire : Medvedev a viré quelques fonctionnaires du Ministère de la Défense pour avoir laissé le feu détruire une base militaire importante. Le Ministre quant à lui n'a reçu qu'un léger blâme.

[…]

[…] A quoi sert de chercher des coupables lorsque le mal a déjà été fait ? Genre finissons-en et passons à autre chose, la Russie !

Sublime Oblivion analyse la situation actuelle sous l'aspect climatique, en plus des côtés social et politique, pour conclure que “la grande vague de chaleur russe de 2010 n'est qu'un prélude.” Ci-après un résumé de son long billet (qui a déjà généré 46 commentaires):

[…] 1) Il n'y a rien que le gouvernement russe aurait pu faire pour contenir une catastrophe naturelle d'une telle ampleur, 2) beaucoup des leçons sur ce que la Russie aurait pu mieux faire pour se préparer auraient été contre-productives si on les avaient mises en application, 3) l'hystérie sur Moscou transformée en morgue géante par les coups de chaleur, le smog ou les nuages de cendres radioactives est exagérée et 4) le vrai problème, ou plutôt dilemme, c'est le réchauffement du climat, dont les effets attendus seront la transformation du coeur de la Russie en une grande Asie Centrale au cours des prochaines décennies. […]

The Reference Frame est lui aussi allé voir de plus près la question climatique, posant – et y répondant – cette question en rapport avec les conditions météorologiques actuelles : “Une vague de chaleur exceptionnelle dans une grande ville peut-elle être le fruit du hasard ?” A lire le blogueur, “la réponse courte est oui.” Voici une petite partie de “la réponse longue”:

[…] Maintenant, est-ce choquant que Moscou connaisse des températures qu'on attend une fois tous les 2.000 ou 15.000 ans ? Eh bien, si Moscou était la seule ville d'importance, si juillet le seul mois de l'année, et si la température la seule variable qui nous excite et provoque l'alarmisme climatique, la réponse serait que ce serait relativement anormal. […]

[…]

Mais Moscou n'est pas la seule ville, juillet pas le seul mois et la température pas la seule variable intéressante ou susceptible de faire figure de signe du ciel pour des individus sensibles. […]

[…]

A l'instar de ce qui se passait il y a des dizaines de milliers d'années, quand on inventait de nouveaux dieux à chaque événement quelque peu insolite – éclipse de soleil, arc en ciel, ouragan – les gens restent irrationnels s'agissant d'événements qui ne se produisent “que quelques fois dans une vie” ou moins. Les gens ne comprennent pas “d'instinct” que les statistiques s'insèrent dans un cadre temporel plus long ou beaucoup plus long qu'une vie humaine. […]

Enfin, le  blog de Robert Amsterdam traduit une explication style théorie du complot de la vague de chaleur, proposée par la Komsomolskaya Pravda, un tabloïd russe populaire :

“[…] Certains spécialistes soupçonnent que les records actuels de température ne sont pas de la faute du réchauffement climatique, mais de la mise en oeuvre par les Américains d'inventions militaires. […]”

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