Russie : Durabilité des projets collaboratifs après les périodes d'urgence

[liens en anglais sauf mention contraire] La carte d'assistance des incendies a été la première utilisation d’ Ushahidi en Russie pour coordonner l'assistance entre les victimes et les citoyens qui voulaient les aider. Près de 200.000 personnes ont visité la plate-forme et laissé plus de 1.600 messages. Quand la situation d'urgence a disparu et que les feux se sont arrêtés (davantage grâce aux pluies qu'aux pompiers), l'intérêt pour la plate-forme a nettement diminué, comme la motivation des participants. Tout le monde est retourné à sa vie quotidienne.

Cela pose un certain nombre de questions. Avons-nous besoin d'Ushahidi après le retour de la situation à la normale et si oui, comment prolonger ces projets après la période d'urgence ? Et, de façon plus générale, comment maintenir une organisation basée sur le volontariat dans le long terme ?

Ethan Zuckerman suggère un modèle Virtuel-Personne à Personne-Virtuel (VPV – “virtuel, personne à personne, et virtuel à nouveau”) pour le développement des projets en réseau :

Les gens découvrent les communautés en ligne et se connectent sur la base d'une identité et de valeurs communes avec les gens qui sont déjà participants. Ils se réunissent, en personne, soit à des réunions bi-annuelles soit à d'autres conférences. Cela cimente la confiance et les relations dont nous avons besoin pour réussir à travailler ensemble pendant des mois ou des années jusqu'à la rencontre suivante.

La plupart des gens qui ont rejoint le projet Carte d'assistance ne se connaissaient qu'au travers des groupes Google et des discussions sur Skype. Fin septembre 2010, une réunion a été organisée au centre de Moscou. Cette réunion était le passage du premier “V” au “P” avant de continuer des coopérations de type “V”. Les participants ont discuté du passé et du futur de la plate-forme et échangé des idées sur la continuation de la Carte d'assistance, ainsi que d'autres utilisations d'Ushahidi que l'équipe de base pourrait soutenir.

Réunion de l'équipe Carte d'assistance. Photo de Gregory Asmolov

En même temps, il était clair que les projets basés sur Ushahid ne pouvaient pas durer en étant seulement soutenus par l'équipe de base de la Carte d'assistance. La rencontre en personne des membres de l'équipe n'était donc que la première étape avant de rechercher de nouveaux partenaires en introduisant le projet à de nouvelles audiences pour gagner leur participation.

Les meilleurs partenaires pourraient être les étudiants et les universités. Une conférence sur les aspects sociaux et politiques des projets collaboratifs et de la Carte d'assistance comme cas d'école a été organisée dans les départements de sciences politiques des universités moscovites – Moscow State University [en russe] et Higher School of Economics. La discussion était orientée sur la question de savoir si les services informatiques (SI) pouvaient créer de nouvelles plate-formes pour la gouvernance et la société civile. Une discussion différente sur la Carte d'assistance a eu lieu au département de psychologie de Moscow State University, la conférence ici étant orientée vers les technologies de l'information et des télécommunications et la collaboration, en tant qu'outils pour faciliter la coopération des réseaux et l'entraide.

Les conférences dans les universités n'étaient pas seulement une opportunité de lancer des débats mais aussi de trouver des partenaires pour de futurs projets, aussi bien au niveau institutionnel que parmi les étudiants. Les universités peuvent être utilisées pour créer des plate-formes expérimentales qui permettent aux étudiants de s'investir dans des projets collaboratifs et la recherche.

Il n'y a pas que les universités qui ont exprimé de l'intérêt dans Ushahidi et la Carte d'assistance. La Chambre Civique de la Fédération de Russie, un organisme gouvernemental qui comprend des dirigeants de divers mouvements de la société civile, a organisé une réunion spéciale consacrée aux “options pour la coordination d'activités de volontaires sur la base du projet internet Carte d'assistance”. Des représentants de la Chambre, des dirigeants des ONG ayant participé à la lutte contre le feu et des volontaires ont participé à la réunion.

Une des questions majeures posées lors de la réunion de la Chambre civique était de savoir si la Carte d'assistance souhaitait créer sa propre ONG pour continuer à travailler sur les plates-formes collaboratives en vue de faciliter les activités des volontaires. La question de savoir si un projet basé sur un réseau pouvait être facilité par la création d'une organisation structurée est controversée. Des projets comme Carte d'assistance sont solides parce qu'il sont basés sur des réseaux auto-organisés, et esssayer de les transformer en structures organisées pourrait fragiliser leur nature de réseau. Une autre menace d'une telle transformation est la bureaucratie que doivent affronter toutes les ONG en Russie.

Un autre aspect de cette question est apparu lors de réunions avec la communauté du e-gouvernement. Est-ce que le gouvernement devrait soutenir le développement de projets collaboratifs pour les situations d'urgence ? Est-ce que des ressources, la coopération avec les structures du gouvernement et une aide à la sensibilisation pourraient rendre la Carte d'assistance plus efficace ? Ou au contraire est-ce que cela fragiliserait sa nature de réseau auto-organisé personne à personne et réduirait la motivation des volontaires à participer ? Il n'y a pas encore de claires réponses à ces questions. Il est cependant certain que la réponse dépend du contexte politique et du degré de confiance entre un gouvernement et ses citoyens.

Des réunions comme celle à la Chambre civique contribuent à faire connaître le rôle des SI en général et dans les projets collaboratifs en particulier, dans les situations d'urgence. Le résumé officiel de la discussion publié par la Chambre civique s'intitule “La Carte d'assistance continuera à se développer” [en russe].

Un autre canal pour la cooppération vient des ONG locales. L'équipe de Carte d'assistance à rencontré les groupes écologistes locaux. La discussion a porté sur une possible transformation de la carte des feux en une carte qui réunirait des informations sur toutes questions relatives aux forêts (par exemple surveiller les infractions, coordonner la restauration). En même temps, cela aiderait à être préparé pour les prochaines situations d'urgence (selon les prévisions des écologistes russes, les feux de forêt pourraient être pires l'année prochaine qu'ils ne l'ont été cette année).

Ushahidi a déjà provoqué quelques réactions en chaine en Russie. Alexeï Navalny, un blogueur russe reconnu, travaille sur un projet dont le but est de surveiller l'état des routes [en russe] et de forcer les autorités à les réparer. Une des ONG pense à lancer une plate-forme qui surveillerait les violations en rapport avec le service militaire en Russie. Un autre groupe travaille sur une plate-forme qui récolterait des informations relative aux violations de divers droits des citoyens.

Enfin, l'intégration des pratiques collaboratives avec le e-gouvernement est une autre direction possible. Malgré les questions et le scepticisme, on peut encore espérer que des plates-formes comme Ushahidi peuvent jouer un rôle pour rapprocher le gouvernement et ses citoyens. Les efforts e-gov russes ont déjà montré quelques projets intéressants et inspirants comme rosspending.ru, qui, tout en étant facile à utiliser, informe les gens sur les achats du gouvernement et les principaux sous-traitants publics.

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