Biélorussie : Manifestation silencieuse pour la fête nationale

Les rues de plusieurs villes, petites et grandes, de Biélorussie étaient noires de monde le 3 juillet 2011, jour de la Fête Nationale. Les gens se se tenaient là et se contentaient d'applaudir. Ils sont venus à la manifestation silencieuse, malgré l'interdiction officielle des applaudissements et la fermeture du groupe Vkontakte coordonnant l'action. De leur propre aveu, c'est moins pour protester que pour surmonter la peur en eux qu'ils étaient là.

Applaudir, un délit

Comme à chaque fois, le pouvoir biélorusse s'est montré d'une étonnante créativité pour tenter de dissuader les gens de se rassembler dans les rues.

Le 28 juin, Viktor Golovanov, le ministre biélorusse de la Justice, déclarait [en russe] que sitôt un large groupe de gens arriverait “sur la place” et se mettrait à applaudir, “ce serait la fin de leur liberté et le début de la liberté pour ceux qui […] viennent sur la place se reposer ou se promener avec leurs enfants.” “Cet attroupement [qui applaudit] les dérange [les gens ordinaires],” a-t-il dit, ajoutant que les applaudisseurs seraient conduits ailleurs.

Le 2 juillet 2011, une vidéo a été publiée [en russe], affirmant que les manifestations non-violentes en Biélorussie avaient été fomentées par les Etats-Unis et exhortant les Biélorusses à ne pas succomber à la propagande américaine.

Le compte Twitter de la police @GUVD_Minsk a continué à jouer les “bons flics,” avec des conseils, des photos, tweetant sur la libération de journalistes, et s'efforçant de venir en aide [en russe] aux militants des droits de l'homme.

Le groupe Vkontakte “Contre la révolution orange en Biélorussie” [en russe], créé contre les manifestations non-violentes, a fait un flop : son audience ne dépasse pas les 2.000 membres.

Girl-tractor, photo by Anton Motolko

Un tracteur-fille et peut-être le seul être de Minsk autorisé à applaudir. Photo Anton Motolko, utilisée avec sa permission.

Le 3 juillet, le groupe Vkontakte “Future Movement” (avec plus de 216.000 membres) a été fermé, pour n'être rétabli que le lendemain (à l'heure qu'il est, seuls 17.000 membres se sont réinscrits). Les groupes Facebook (1, 2, 3), utilisés comme substituts, ont une infime partie de l'audience du groupe supprimé. Vkontakte a expliqué [en russe] que le groupe avait enfreint les conditions d'utilisation et que ses membres envoyaient des spams aux autres utilisateurs.

Défilé kafkaïen contre opération applaudissements

Le défilé de la fête nationale de cette année a été, lui aussi, inhabituel. A côté du défilé militaire, il a comporté une apparition d'Alexander Loukachenko avec son fils Nikolaï [un garçonnet], en uniforme millitaire comme son père. Des twitteurs en ont conclu que M. Loukachenko s'était trouvé un successeur. Il y avait aussi d'ubuesques gamins avec des drapeaux “Dieu est avec nous”, un tracteur garçon et une tracteur-filledes hockeyeurs sur patins à roulettes, et bien d'autres choses encore (voir le reportage exhaustif sur le blog d'Anton Motolko [en russe] et la vidéo du discours de Loukachenko [en russe]).

Ce même jour, un événement moins baroque, mais tout aussi kafkaïen se déroulait Place de la Gare à Minsk (comme dans d'autres endroits de Biélorussie). La police a tenu parole et embarqué tous ceux qui applaudissaient (vidéos 1, 2).

Le vidéos les plus intenses, activement tweetées et retweetées, étaient celles ci-dessous : 1, 2, 3:

A côté des opérations sur le terrain, les services de sécurité de Biélorussie se sont activés à la censure d'Internet. LiveJournal est resté quelque temps instable [en russe], la vitesse de chargement a été intentionnellement abaissée [en russe] à 2 mégabytes par seconde.

En résumé

Les réactions à la répression ont été sévères. L'ancien ministre des Affaires Etrangères suédois Carl Bildt a tweeté :

La pensée indépendante bannie pour la fête nationale en Biélorussie. Ils ont fermé les médias sociaux. Un régime en voie d'effondrement. #belarus

Pavel Sheremet, un journaliste russe, a écrit [en russe] :

Лукашенко страшно, очень страшно. Он сходит с ума, когда слышит аплодисменты. Поэтому в воскресенье хлопать президенту не разрешали даже ветеранам.
[…]
Спецслужбы бесятся. Они начали массированную атаку на молодежь еще накануне. Еще в субботу арестовали несколько десятков человек, как им казалось, – организаторов акции.
[…]
Но люди все равно вышли. Тысячи людей по всей стране.

Loukachenko a peur, très peur. Il perd la tête quand il entend les applaudissements. C'est pourquoi dimanche même les anciens combattants n'ont pas été autorisés à applaudir le président.
[…]
Les services spéciaux sont en fureur. Ils ont commencé une attaque massive contre la jeunesse dès la veille. Même samedi, ils ont arrêté quelques dizaines d'individus, qui leur semblaient être les meneurs de l'action.
[…]
Mais les gens y sont quand même allés. Des milliers dans tout le pays.

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