Brésil : Réactions après le lancement des travaux du barrage de Belo Monte

Cet article fait partie des dossiers spéciaux de Global Voices Amazonie et Peuples indigènes.

Les peuples indigènes, les hommes et femmes vivant sur les rives du Xingu qui seront directement affectés par la construction du barrage du Belo Monte, ainsi que de nombreuses personnes ont protesté en masse contre le projet de construction du barrage de Belo Monte, mais n'ont pas réussi à faire reculer le gouvernement. Cet ouvrage est en passe de devenir le troisième plus grand barrage du monde.

L'Agência Brasil a constaté* que les travaux ont été initiés le 23 juin dernier. Dès le 7 juillet, l'organisation environnementale Xingu Vivo était sur les lieux pour superviser les manifestations en communiquant par Twitter :

@xinguvivo : Il y a 40 hommes qui travaillent depuis la semaine dernière, on en attend 400 pour la semaine prochaine. + 40 nouveaux engins. #BeloMonte [traduit du portugais]

Ce jour-là, ils ont dénombré une dizaine d'engins réalisant le terrassement sur le lieu désigné pour accueillir les logements des ouvriers.

Comunidades indígenas protestaram na Avenida Paulista em junho de 2011. Foto por Pedro_dm_Ribeiro no Flickr. CC-BY-NC 2.0

La veille, le 6 juillet, environ 300 femmes venues des quatre coins du Pará se réunissaient à Belém (capitale de l'Etat du Pará), formant un Congrès au nom des femmes des “champs et des villes”. Un représentant de Xingu Vivo a reproduit via Twitter le discours d'une des leaders du groupe. En voici un extrait qui en dit long sur leurs intentions :

@xinguvivo: Kayapó Tuíra: “seule l'unité des peuples contre #BeloMonte pourra nous mener à la victoire” Discours bref, mais très dense.

Un autre utilisateur du réseau Twitter, Antônio Freitas (@tunynfreitas), faisait part des premières tensions dues au lancement des travaux, dans la ville d’ Altamira.Des familles entières ont quitté leur maison, classée en zone inondée, sans pour autant réussir à se loger en ville. Nombre d'entre elles occupent désormais des terrains vacants, mais sont régulièrement réprimées par la police. Il commente:

La construction de Belo Monte provoque une augmentation des loyers dans la ville d'Altamira. Les gens veulent occuper un terrain vacant. La police les tabasse.

Le débat est dans la société, mais pas dans les médias

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Manifestants à São Paulo. Photographie de
Pedro_dm_Ribeiro, Flickr. CC-BY-NC 2.0

On constate encore une fois l'importance des réseaux sociaux. De nombreux utilisateurs relaient les événements, comme Priscila Costa (@PriscilaCosta4) qui a passé un appel sur Twitter:

Nous avons le pouvoir de nous auto-détruire, nous allons prendre soin du peu qu'il reste pour nous, la planète court un grand danger ! Dites non au barrage de Belo Monte!

Le 2 juillet dernier, lors d'un séminaire préparatoire pour le Sommet National des Étudiants de Communication (ENECOM), le professeur d'économie Eduardo Costa a vivement critiqué les conceptions du gouvernement sur l'Amazonie, visant à représenter la forêt comme une source d'intérêts économiques:

Le gouvernement regarde encore l'Amazonie comme une éternelle source de matières premières pour le reste du pays. Dans quel rôle le gouvernement relègue-t-il l'Amazonie ?

Pour lui, le débat doit se passer dans la société, mais pas dans les médias. Comme rien n'est traité dans les médias traditionnels, la nouvelle n'est pas parvenue aux oreilles d'une grande partie de la population. Les étudiants organisateurs de l'événement ont fait de la discussion sur Belo Monte, un des objectifs du sommet qui comprenait aussi une action contre la centrale de Belém :

@EnecomPA: L'action de #Enecom2011 aura pour sujet Belo Monte. Suivez donc @xinguvivo et informez-vous ici: https://migre.me/5cQL8 et https://migre.me/5cQMr.

 

Na rua contra Belo Monte e novo Código Florestal
Manifestants contre Belo Monte, São Paulo, juin 2011.
Photographie de Marisa Meliani, Flickr. CC-BY-NC-SA 2.0.

De nombreux militants dans les villes de Salvador, Rio de Janeiro, Belém, Manaus, Porto Alegre et São Paulo – mais aussi Londres et San Francisco – sont descendus dans la rue, le 17 juillet dernier, pour protester contre les conséquences sociales et environnementales de ce projet. Certains élevaient aussi la voix contre le nouveau Code Forestier, qui a été voté au Parlement et approuvé par le Sénat Fédéral.

Le même jour, le Mouvement Brésil pour la vie des forêts organise un sit-in sur l'un des carrefours les plus empruntés de São Paulo, entre l'avenue Paulista et l'avenue Brigadeiro Luís Antonio. Selon le site du mouvement, autour de 500 activistes ont participé à l'action, pancartes en main, “chantant et montrant, durant plus de 20 minutes, leur désaccord sur le projet de barrage et les modifications du Code Forestier.” Regardez la vidéo de cette marche ci-dessous, ainsi que des photographies.

https://www.youtube.com/watch?v=vOi6hDrzW2I&feature=related

Le gouvernement brésilien et la polémique autour de la gestion des énergies

Le site Global Voices suit l'affaire du barrage depuis la reprise des discussions à ce sujet, en 2010. La spécialiste des autorisations liées à l'environnement Telma Monteiro décrypte sur son blog le Plan Décennal de l'Énergie (PDE). Elle dresse un tableau de la situation, qui montre le processus sous un jour encore plus critique. En plus des usines de Belo Monte, Tapajós, Madeira et Tocantins, le gouvernement fédéral a l'intention de construire au minimum 24 usines hydroélectriques au Brésil, dont 10 d'entre elles dans la région amazonienne, entre 2016 et 2020. Selon un entretien accordé à IHU, Mme Monteiro critique ouvertement la politique du gouvernement :

Le gouvernement brésilien est prêt à renoncer à toutes ses ressources naturelles, pour les exporter comme matières premières, pour permettre au pays de devenir la cinquième économie mondiale.

Pendant un certain temps, l'IBAMA (Institut Brésilien pour l'environnement et les ressources naturelles renouvelables) avait refusé d'accorder la licence d'exploitation du site, provoquant des tensions internes [en anglais], ce qui a changé avec l'actuel directeur Curt Trennepohl.

À la mi-juillet, M. Trennepohl a accordé un entretien à une chaîne australienne au sujet de Belo Monte. Un dialogue enregistré à son insu a mis au jour les conceptions du directeur de l'Ibama sur l'environnement et les communautés indigènes. La conversation a fuité et le journaliste Gustavo Barreto l'évoque sur son blog:

Interrogé par la journaliste sur son travail (s'il consistait à préserver l'environnement), celui-ci répondit : ” Non, mon travail est de minimiser les impacts”.
Irrité par le ton de récrimination de la journaliste, M. Trennepohl répliqua : “Vous avez les aborigènes en Australie, vous ne les respectez pas !” La journaliste demanda alors : “Vous allez donc faire aux Indiens la même chose que nous avons fait aux aborigènes ?” Et Trennepohl de confirmer  : “Oui, oui”.

20 août, jour de manifestation

Affiche appelant à la manifestation
contre Belo Monte.

Bien que les travaux aient débuté, le combat des militants n'a pas été abandonné. Le 20 août, des manifestations ont eu lieu dans 10 villes majeures du Brésil et dans 16 pays.

Il y a environ un mois, Diego Casaes, rédacteur pour Global Voices, a publié sur Twitter :

Il est impossible qu'il n'y ait pas d'alternative au barrage. Je veux dire, vraiment ? N'y a-t-il pas UNE solution plus durable pour pourvoir de l'énergie au Brésil ?

C'est justement cette question que les manifestants souhaitent poser au gouvernement et aux Brésiliens.

Cet article fait partie des dossiers spéciaux de Global Voices Amazonie et Peuples indigènes.

Suivez Global Voices pour en apprendre davantage sur le débat au Brésil, au Chili et au Pérou au sujet de la construction des barrages.

*Les liens de cet article sont en portugais.

 

2 commentaires

  • la Résistante

    Je pense vraiment que toute cette manifestation et les polémiques sur Belo Monte servent plus aux intérêts mondialistes que veulent que les ressources de l Amérique Latine restent en attente pour le marche spéculatif de demain . Si tous ses pays pleins de ressources arrivent a autonomie énergétique et développement ça menacerait l’ Empire économique de nations développées Il faut que les brésiliens arrêtent de se faire manipuler et donnent leur appui aux projets du gouvernement . Ces gens qui protestent sont des jeunes de classe moyenne que ont pas les mêmes soucis que le reste des gens du pays qui ont pas le droit de l’ eau courante et électricité , après la manif ils rentrent au chaud de leurs foyers. Et les indiens de leur part veulent défendre leur mode de vie, bien sur , mais le reste du pays doit payer le prix ? Il faut que on se souvienne que des que un gouvernement essaye de faire avancer le pays il se passe quelque chose, des manifs convoquées je sais pas par qui ou un bon coup de finance par des organismes internationales. On peut pas continuer a se faire avoir. La dernière fois ça nous a couté 30 ans de dictature

  • sofififififififon

    Et quand arrêterons nous de tout saccager, et de ne se poser que des questions à court terme ?
    Se développer c’est une chose, produire de l’énergie également. Ces peuples autochtones vont donc une fois de plus subir un génocide au nom du progrès ? Combien de civilisation disparue, et pour quel résultat ? Les états-unis ? Quelle belle nation…
    Le brésil et ses favelas, la colombie et ces cartels de drogue ?
    Et aujourd’hui, on écrase purement et simplement, au nom d’intérêt économique les vestiges d’une civilisation qui avait tout le respect pour la nature, et qui savait subvenir à ses besoins sans tout polluer, détruire.

    C’est donc pour mieux s’intégrer dans ce merveilleux modèle économique occidental, qui pétine les droits de l’homme les plus simples, qui délogent des populations qui étaient là bien avant nous, et qui attaque le poumon même de notre planète, que nous allons laisser ce monumental projet babylonesque.

    Bel état d’esprit.

    J’applaudis.

    Comment ne pas devenir de plus en plus cynique et pessimiste face au mur dans lequel nous fonçons de plus en plus rapidement…

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