Chili : Sauvons les funiculaires emblématiques de Valparaiso !

En 1962, Eduardo Reyes, qui avait alors 16 ans, monta dans le funiculaire de l'Artillerie qui surplombe la côte rocheuse de Valparaiso [en français] au Chili. En tant que fraîche recrue de la Marine, il commença une nouvelle vie au rythme des cahots et du grondement des rails qui caractérisent ce funiculaire, qui fait partie du club exclusif des sites du patrimoine mondial de l'Unesco.

“Je n'ai jamais considéré les funiculaires comme une attraction touristique. A l'époque, la seule chose qui m'inquiétait, c'était d'arriver en retard à la caserne,” déclare Eduardo Reyes.

Pour Eduardo Reyes et ses voisins, les funiculaires fournissent un service essentiel, en montant et en descendant  pour un prix modique les habitants lors de leurs trajets journaliers mais à présent les funiculaires de Valparaiso sont menacés de disparition. Le  Fonds mondial pour les monuments [anglais] les a désignés comme étant l'un des 100 trésors historiques les plus en danger.

Il y a environ 130 ans, il y avait 30 funiculaires. Aujourd'hui, seuls cinq sont encore en service, c'est pourquoi les habitants se battent pour s'assurer que le gouvernement local tiendra ses promesses d'acheter et de réparer les funiculaires.

Photo by Katie Manning

Photo de Katie Manning

 

Les cabines en bois, coulissant chacune sur des voies parallèles, ont plusieurs fonctions. Jusqu'à près de douze passagers par cabine peuvent scruter le paysage au travers des jumelles panoramiques. Des touristes photographient en souvenir les pentes perpendiculaires de Valparaiso sur lesquelles s'étagent des maisons multicolores.

Pendant des années, les funiculaires ont permis aux travailleurs de monter et de descendre et de contribuer au développement de la ville au-delà de la côte.

Eduardo Reyes qui a, à présent, 82 ans est demeuré là après son service dans la Marine et a travaillé en tant que professeur à l'Université chilienne de Valparaiso et journaliste scientifique. Il découpe les articles de presse sur les projets de réparation et les prix  que les funiculaires ont remportées par le passé.

Il dit : “Ils sont dans nos cœurs et nos esprits. Les avoir est nécessaire. Cela a contribué à l'histoire de notre ville et à la façon dont elle s'est développée.”

De nombreux Porteños ou habitants de Valparaiso vivent perchés sur les collines et descendent pour travailler sur la côte. Ils ne déboursent que 100 à 300 pesos chiliens la course (soit quelques centimes d'euros). Mais le prix bon marché des funiculaires ne rapporte pas assez d'argent pour leur entretien.

Par conséquent, 10 demeurent hors service, contraignant les Porteños à chercher des moyens de transport alternatifs. Eduardo Reyes explique que beaucoup ne peuvent se permettre de prendre un taxi. Les routes sont souvent coupées de manière soudaine, ce qui implique une ascension suffocante et difficile par les itinéraires de bus. Cela entraîne un long trajet et pose un problème pour les personnes âgées.

Eduardo Reyes dit :  “Valparaiso est pauvre. Ce n'est pas comme les villes balnéaires d'à côté. Et ce n'est pas qu'une question de commodité, les funiculaires sont aussi un objet de fierté pour notre communauté.”

L’UNESCO [français] place les anciens funiculaires dans le premier paragraphe de son explication sur le pourquoi Valparaiso est listée comme ville du Patrimoine mondial. Il dit ceci :

La ville coloniale de Valparaiso est un excellent exemple du développement urbain et architectural du 19ème siècle en Amérique latine. La ville a bien préservé ses intéressantes infrastructures du début de l'ère industrielle telles les nombreux “funiculaires” sur les raides coteaux.

Les usagers des funiculaires ne sont pas d'accord sur le fait que les funiculaires soient “bien préservés.”  Oscar Aspillago, 41 ans, est à la tête de ce collectif car, dit-il, leur état rouillé démoralise les habitants et il est fait une fausse publicité de l'une des principales attractions de la ville.

“Ces funiculaires sont un emblème important de ce que signifie être un habitant de Valparaiso. Nous méritons les funiculaires et ceux-ci méritent d'être entretenus,” d'après Oscar Aspillago.

Le collectif a affirmé que être sur les réseaux sociaux, ainsi que l'organisation d'une campagne de mobilisation, a encouragé la Cour suprême chilienne en 2009 a ordonner au gouvernement d'acheter le reste des funiculaires aux propriétaires privés. En janvier de cette année, Le Président du Chili, Sebastián Piñera, a officiellement annoncé l'achat, la restauration et la réparation de 10 funiculaires par le gouvernement, à savoir ceux de Florida, de Cordillera, de Larrain, de Mariposa, de Monja, de Villaseca, de Santo Domingo, d'Artillería, de Concepción et d'Espíritu Santo. Selon le gouverneur régional de la ville (l'Intendant) Raúl Celis,  2,4 milliards de pesos chiliens (soit plus de trois millions d'euros) ont été provisionnés pour les acheter. Ce mois-ci marquait la date limite provisoire d'achat.

D'après Celis “Nous espérons que dans les plus brefs délais – soit d'ici la fin de ce mois ou début décembre – nous pourrons faire le transfert juridique des funiculaires et signer l'acte.”

Photo by Katie Manning

Photo de Katie Manning

 

Eduardo Reyes dit qu'il n'est pas convaincu que l'opération se fera, vu le temps qui s'est déjà écoulé depuis la décision de la Cour. Il a déposé une photocopie d'un journal local de 2006 sur une table d'un café au centre-ville de Valparaiso. L'article mentionnait déjà une proposition d'achat des funiculaires il y a quatre ans.

Eduardo Reyes écrit maintenant pour un site de journalisme citoyen en ligne, El Martutino [espagnol] afin d'inciter la municipalité à tenir ses promesses. Il a reproché aux autorités de faire traîner le délai des réparations du funiculaire de Barron. Il s'interroge :

¿Dónde y cómo se fija un valor patrimonial?

Où et comment se fixe la valeur d'un patrimoine ?

Eduardo Reyes et d'autres journalistes citoyens d’El Martutino [espagnol] surveillent le combat mené pour sauver les funiculaires de Valparaiso.

Les usagers des funiculaires, sous le compte @ValpoAncensores, ont tweeté [espagnol] une photo aux près de 500 personnes qui les suivent afin de leur prouver que la promesse de réparer Barron n'est pas encore tenue.

REALIDAD DE ASCENSOR BARON,VALPARAISO,CHILE pic.twitter.com/onDKI3KW

L'état réel du funiculaire de Baron à Valparaiso au Chili pic.twitter.com/onDKI3KW

Outre le compte Twitter, ils ont créé une page Facebook [espagnol] qui compte 3540 suiveurs.

Tandis que les usagers des funiculaires focalisent sur leur aspect pratique pour les habitants, Eduardo Reyes a aussi mentionné le fait que les funiculaires attirent via le tourisme de cruciaux dollars.

Michel Aymeric ,qui a 69 ans et vient de Toulouse en France, a effectué une descente cahotante à bord du  funiculaire de Concepción dans le cadre d'un séjour de 15 jours au Chili, constitué à 20% d'un voyage pour affaires viticoles et à 80% d'un voyage d'agrément. Il avait quitté la capitale pour embrasser la vue de la côte depuis Valparaiso et l'a trouvée “belle fille.”  Il raconte : “ Valparaiso, c'est tout à la fois une ville qui a une âme et qui respire la joie.”

C'est son désir d'un moyen de transport commode pour prendre un café “touristique” qui l'a convaincu de monter dans le plus vieux des funiculaires.  Il mime le grondement du funiculaire avec des bruits gutturaux. C'était “fantastique et original. Nous, les Français, aimons les vieilles choses comme celles-ci. C'est dommage qu'ils n'aient pas réparé le reste.”

Les touristes profitent de la vue et les citoyens, eux, s'inquiètent pour leurs trajets mais l'histoire des funiculaires vieille de 130 ans semble tous les enchanter. Les usagers des funiculaires du groupe Facebook débattent [espagnol] afin de savoir si le fait de changer les voitures – plutôt que de réparer celles d'origine, qui sont très abîmées – porterait préjudice à leur statut de monuments historiques.  Eduardo Reyes s'anime quand il  relate les vieilles histoires sur le rôle des funiculaires, moyen de transport dans l'histoire portuaire de Valparaiso, qui, dit-il, les rend uniques et réclame de fait une  restauration.

Cabezòn dit :

Cette image historique de notre ville est pour l'heure un mensonge. Cela demeurera un faux emblème tant que le gouvernement n'aura pas réparé notre principal mode de transport,  que tout le monde peut voir mais que pas assez peuvent prendre.

Ceci est un reportage de Katie Manning pour le site www.MiVoz.cl qui publie 15  sites d'actualités de journalisme citoyen à travers le Chili. Lire ici pour en savoir plus sur notre partenariat avec Mi Voz

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