Supprimer des contenus par pays menace-t-il la liberté d'expression sur Twitter ?

Ce billet a été initialement publié sur le blog Deeplinks blog de l'organisation Electronic Frontier Foundation.

L'entreprise Twitter a annoncé dans un billet sur un blog [ce billet n'est plus disponible] qu'elle lancerait un système qui permettrait à la société de supprimer des contenus sur une base sélective, pays par pays, plutôt que de les retirer de tout le système Twitter. Le Web a immédiatement explosé en accusations de censure, en théories du complot à propos d’investisseurs saoudiens de Twitter ou de filtrage automatisé des contenus et des appels ont été lancés pour une manifestation le 28 janvier. Une chose est claire : la confusion générale règne sur la nouvelle politique de Twitter et sur ses implications pour la liberté d'expression partout dans le monde.

Éclaircissons tout de suite un point : Twitter supprime déjà quelques tweets et le fait depuis des années. Toutes les autres plates-formes commerciales que nous connaissons suppriment des contenus, à tout le moins, en application d'ordonnances judiciaires. Twitter supprime quelques tweets s'ils sont considérés comme pouvant être des abus ou des spams, tandis que d'autres sont éliminés pour se plier à des ordonnances de tribunaux ou des notifications DMCA [en français]. Jusqu'à présent, quand Twitter prenait la décision de supprimer un contenu, il le faisait dans le monde entier.  Ainsi, par exemple, si Twitter recevait une ordonnance d'un tribunal d'éliminer un tweet considéré diffamatoire sur Ataturk  –  un délit pour la loi turque – la seule façon de la respecter était de le supprimer dans le monde entier. Maintenant, Twitter a la capacité d'éliminer le tweet pour les personnes ayant des adresses IP qui indiquent qu'elles sont en Turquie et le laisser sur la plateformepartout ailleurs. Dans ce cas, on peut s'attendre à ce que Twitter se conforme aux ordonnances des tribunaux des pays où l'entreprise a des bureaux et des employés, une liste qui comprend le Royaume-Uni, l'Irlande, le Japon, et bientôt l'Allemagne.

La nécessité croissante pour Twitter de supprimer des contenus est une conséquence de sa croissance dans de nouveaux pays, avec des lois différentes auxquelles l'entreprise doit se plier pour éviter le risque que ses employés locaux soient arrêtés ou détenus ou risquent d'autres sanctions juridiques. Avec l'ouverture de  bureaux et le déplacement de ses employés dans d'autres pays, Twitter augmente les risques de son engagement pour la liberté d'expression. Comme toutes les entreprises (et toutes les personnes) Twitter est lié par les lois des pays dans lesquels l'entreprise opère, ce qui résulte à la fois à plus de lois auxquelles elle doit se conformer et à des lois qui, inévitablement, se contredisent. Twitter aurait pu réduire les risques d'être un instrument de censure des gouvernements en gardant ses actifs et son personnel à l'intérieur des frontières des États-Unis, où des protections juridiques existent comme la loi ACD 230 et des dispositions de sécurité DMCA (qui peuvent imposer des suppressions, mais aussi donner des indications, même si elles peuvent être moches à suivre pour une réédition).

Twitter  tente d'atténuer ces problèmes en éliminant seulement les accès aux contenus pour les personnes ayant des adresses IP du pays qui cherche à censurer ces contenus. C'est bien. Pour l'instant, l'effet global est moins la censure plutôt que plus de censure, comme l'entreprise avait l'habitude de supprimer les contenus pour tous les utilisateurs. Mais les internautes ont exprimé leurs préoccupations sur ces outils : “si vous les construisez, ils les utiliseront”.  Si vous construisez un outil pour la censure pays par pays, les états vont commencer à les utiliser. Nous devons rester vigilants.

En attendant, Twitter adopte deux mesures supplémentaires pour s'assurer que les utilisateurs savent qu'une “censure” a eu lieu. D'abord, l'entreprise le signale aux utilisateurs quand ils cherchent ce contenu. Deuxièmement, elle le signale au projet Chilling Effects, qui publie les ordres de suppression, pour la création d'archives (Note: EFF est l'un des partenaires du projet Chilling Effects). Jusqu'à présent, parmi les très grands sites, seuls Google et Wikipedia offrent de la transparence sur ce qu'ils suppriment ou bloquent et pourquoi. Lorsque Facebook élimine un billet, il n'a pas de responsabilité vis-à-vis des utilisateurs. Grâce à Chilling Effects, les utilisateurs peuvent suivre exactement le genre de contenus qu'on demande à Twitter de censurer ou de supprimer et comment c'est arrivé.

Que devraient, donc, faire les utilisateurs de Twitter? Veiller à ce que Twitter reste honnête. Tout d'abord, faire attention aux avis que Twitter envoie et aux archives en cours de création dans le projet Chilling Effects. Si Twitter commence à se plier aux ordonnances judiciaires de l'Inde et supprimer les tweets qui sont offensants pour les dieux hindous, ou des tweets qui critiquent le roi en Thaïlande, nous voulons le savoir immédiatement. En outre, les projets de transparence tels que Chilling Effects permettent aux militants de suivre la censure partout dans le monde, ce qui constitue la première étape pour mettre la pression sur les pays dans la défense de la liberté d'expression et pour mettre un terme à la censure des gouvernements.

Quoi d'autre ? Contourner la censure. Twitter n'a pas encore bloqué un tweet en utilisant ce nouveau système, mais quand cela arrivera, ce tweet ne disparaitra pas tout simplement, un message vous informera que le contenu a été bloqué en raison de votre situation géographique. Heureusement, votre situation géographique est facile à changer sur l'Internet. Vous pouvez utiliser un proxy ou un nœud de sortie situé dans un autre pays avec l'outil en ligne Tor. Read Write Web suggère également de contourner la censure dans un pays en changeant simplement le pays indiqué dans votre profil.

 

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