Blogueuse de la semaine : Janine Mendes-Franco

Notre série, les “Blogueurs de la semaine” , nous amène cette fois-ci sur les superbes îles de Trinité-et-Tobago, où vit l'éditrice de Global Voices pour la zone des Caraïbes anglophones,  Janine Mendes-Franco. Je l'ai rencontrée pour la première fois lors du  Sommet 2008 de Global Voices, en juin dernier, où elle a charmé  de nombreux participants. J'ai récemment eu l'occasion d'un peu mieux la connaître et de l'interroger sur son implication dans Global Voices, sur l'identité caribéenne et ses talents pour le jardinage, entre autres sujets…

- Comment avez-vous découvert Global Voices et quand avez-vous commencé à y contribuer en tant qu'auteur ? Global Voices est apparu sur mon radar vers la fin de  2005, quand  Georgia Popplewell a commencé à couvrir la zone Caraïbes pour le site.  J'ai commencé à lire régulièrement ses billets et suis devenue “accro”.  Georgia m'a recrutée comme auteur pour la remplacer durant le sommet Global Voices 2006  en Inde, et le reste a suivi…Je suis une Global Voiceuse depuis.

- Quelle était votre motivation principale quand vous avez commencé à contribuer au site  Global Voices?
Cela peut sembler faible, mais j'aidais juste une amie, et même si c'était un service que je rendais,  j'ai vite pris grand plaisir à lire tous les blogs caribéens dans mon lecteur RSS chaque matin, pour voir ce que mes compatriotes écrivaient. Je voulais vraiment faire partie de cette “conversation”.

- A propos de votre blog personnel : quand avez-vous commencé à bloguer et pourquoi ?  Mon blog personnel est ce que les gens à la Trinité appellent un outside child  (“enfant du dehors”, enfant négligé) depuis que je contribue à Global Voices. Je l'ai ouvert en avril 2005 sur l'insistance de Georgia (ça devient une constante, non ?). Elle n'arrêtait pas de me dire que c'était une excellente façon d'améliorer son style écrit (et écrire est très important dans mon travail de productrice TV). Quand j'y repense, maintenant, je crois que c'était un complot. Elle avait tout prévu bien à l'avance et je suis tombée dans son jeu. Plaisanterie à part, elle avait raison.  

Publier un blog m'a apporté beaucoup plus qu'un espace où améliorer mon style écrit : cela m'a ouvert au monde entier ! Ceci dit, mon blog va connaître une rénovation majeure bientôt. Au début, c'était un forum sur  “Voilà ce que j'ai à dire sur tout ce qui me passe par la tête” et maintenant, il faut qu'il détermine son style. Ce serait bien aussi si je publiais de façon plus régulière …

-De quoi parle votre blog ? Comment le décririez-vous à quelqu'un qui ne le connaît pas ? Je l'ai appelé Francomenz , c'est un jeu de mots sur mon nom de famille et une expression locale, “franko-men”, qui signifie “être franc, dire les choses telles qu'elles sont”. J'ai publié de façon très irrégulière, ces derniers temps, ce qui m'a donné le recul nécessaire pour réfléchir à mon blog . J'ai écrit sur tous les sujets, depuis l’art jusqu'à la politique, et pas toujours sur la zone Caraïbe, ce qui est l'un des problèmes selon moi. C'est une auberge espagnole d'opinions, sur ce qui me touche, ou bien m'irrite ou m’amuse . Mais ce n'est certainement pas la meilleure manière d'augmenter les statistiques de fréquentation, car, comme le dit Forrest Gump, “On ne sait jamais sur quoi on va tomber”.

- Quelle est votre plus mémorable expérience de blogueuse ?

On ne peut se réjouir des ravages apportés par les catastrophes naturelles, mais je dois dire que j'ai apprécié de couvrir le tremblement de terre des Caraïbes en novembre dernier. Il y a quelque chose de très stimulant à couvrir l'info pure et dure sur un blog, en temps réel, surtout quand une région entière de la terre communique sur le même événement.  Les Caraïbes sont en général vues comme un monolithe par la communauté internationale, mais tous ceux qui les connaissent savent bien qu'il y a de réelles différences d'un territoire à un autre. J'ai pris conscience à ce moment-là d'à quel point nous sommes interconnectés.

- Combien de langues parlez-vous ? Et dans quelle langue publiez-vous votre blog ?

 Ma langue maternelle est l'anglais. Autrefois, je parlais aussi le français et l'espagnol couramment, j'ai même étudié le français à l'université, au Canada.  Mais j'ai tout perdu par manque de pratique. Ce n'est pas comme le vélo. Si vous ne parlez pas, vous oubliez vocabulaire, grammaire, etc…  J'arrive en général à saisir ce que les gens disent, mais j'ai besoin d'une sérieuse remise à niveau – avec les podcasts ! Après tout, ça a marché pour moi pour le Hongrois !


Photo de Janine au Sommet Global Voices 2008 par Neha Viswanathan

- Quelle est votre profession – quand vous ne travaillez pas pour Global Voices ?
J'ai une société de communication, appelée The New Cheeze.

- Décrivez-nous la blogosphère des Caraïbes anglophones. Quels sont ses principaux problèmes ?
Trinité-et-Tobago a une blogosphère relativement active, mais elle pourrait être plus importante, si l'on en croit les statistiques de la Telecommunications Authority of Trinidad and Tobago – qui annonce un taux de pénétration d'internet dans les ménages de 27.3%.  Ces chiffres ne prennent pas en considération la taille des ménages ou l'accès à Internet depuis le bureau ou les cafés Internet. Je pense que le taux de pénétration dépasse probablement les 30%.

Un ministre de notre gouvernement, dans le cadre du programme ICT, a ouvert des cafés internet dans plusieurs communautés rurales. Les résidents peuvent être formés à l'utilisation d'Internet et ont l'accès gratuit. Le fait que la blogosphère locale soit toujours aux mains de la classe moyenne me dépasse. Ou bien la pénétration d'Internet est moindre que ce que l'on dit, ou bien la formation sur l'utilisation des médias personnels en ligne n'est pas au point.  

La dernière hypothèse est probablement la bonne. J'ai visité un jour un “café internet” dans une zone rurale et j'ai remarqué que les locaux utilisaient Internet pour lire leurs e-mails, télécharger de la musique ou visiter des réseaux sociaux en ligne. YouTube était aussi un site un site très fréquenté. Mais personne ne semblait soupçonner qu'on pouvait aussi participer et contribuer, télécharger ses propres vidéos, au lieu d'être spectateurs des contributions des autres. Quelques personnes étaient là pour accéder à des sites porno, donc, de toute évidence, il faut plus de formation pour que les gens comprennent comment le pouvoir des médias en lignes peut être utilisé de façon constructive, via les blogs, les médias personnels, l'autopublication de livres, les sites marchands, etc..

- Quels sont vos intérêts et hobbies?
J'aime lire, même si, comme ma page sur le site my GoodReads vous le confirmera, je n'ai pas touché à un livre ces derniers temps. J'en ai commencé un en allant au Sommet de Budapest et puis…Disons qu'il faut que je recommence le livre depuis le début. :O) De mon goût pour les livres est né le goût d'écrire. J'ai deux projets personnels en cours, que j'espère finir bientôt. Je chante et je joue de la guitare, c'est toujours une excellente façon d'évacuer le stress, comme la gym , que je pratique régulièrement, que ce soit en salle de sport ou en promenant nos deux chiens. Et j'adore jardiner ! Notre potager de balcon est prêt pour une deuxième récolte, et je suis heureuse d'annoncer que le jardin lui-même est en fleurs, grâce, principalement, à la saison des pluies. J'adore danser (j'ai commencé la danse classique à trois ans) et maintenant, grâce à Neha, je me débrouille avec les chorégraphies deBollywood  ! :O) Et à part ça…Je ne suis pas mauvaise en ping-pong et je suis super forte en billard  !

- Pour finir, et c'est le plus important, quelles sont les sujets qui vous concernent le plus, dans la vie et dans votre profession ?
Waou! Vaste sujet. La situation de mon pays m'inquiète. Je crois que nous nous consacrons trop au superficiel, au détriment du nécessaire.  C'est une approche aveugle du développement, des fondations très fragiles sur lesquelles construire. Bâtir des gratte-ciels n'a aucun sens quand le système de santé publique est en lambeaux, quand les chiffres de la criminalité explosent ; quand il n'y a aucune prise en compte de l'environnement. Je n'accepte pas que les changements qui affectent Trinité-et-Tobago (et la plus grande partie des Caraïbes) dépendent uniquement de la mondialisation. Il nous faut nous mobiliser et être les maîtres de notre propre destinée.

Ceci, je suppose, est aussi un sujet d'inquiètude dans ma profession, que ce soit dans la production audiovisuelle ou dans Global Voices.  Appelez-le une conséquence du colonialisme, appelez-le ce que vous voulez mais j'ai remarque que les Caraïbes ont, à divers degrés, peur de se regarder en face.  C'est pourquoi Trinité-et-Tobago commence tout juste, au début du 21ème siècle, à édifier son industrie cinématographique, alors que nous avons les talents et des outils pour le faire depuis bientôt quarante ans  (la preuve en est dans des films comme The Right and the Wrong [1970] et Bim [1974]). C'est aussi pourquoi la Jamaïque connaît toujours le phénomène du blanchiment de la peau. Et c'est aussi, partiellement, la raison pour laquelle tellement de nations caribéennes se débattent avec un taux de criminalité en explosion.

L'auto-critique est essentielle pour progresser, et j'ai peur que nous ne soyions pas assez honnêtes avec nous-même. Si nous n'avons pas de débat constructif sur ce que nous avons enduré et d'où nous venons, alors, nous fonçons dans l'obscurité. Quand vous ne vous connaissez pas vous-même, quand vous ne savez pas en quoi vous croyez, alors, il est probable que vous n'écoutez que des bavardages légers, et vous comemencez à croire que votre identité est ce que les autres vous disent d'être.  

* En médaillon: photo de la boucle d'oreille de Janine (!) par Razan Ghazzawi, au sommet 2008 de Global Voices

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