Brésil : Déforestation et élections

Brésil (état du Pará), 2007. Photo de Deborah Icamiaba.

L'Institut National pour les Recherches Spatiales (INPE) [en portugais] du Brésil a annoncé une forte augmentation de la déforestation ces derniers mois [en anglais], surtout dans les états du Pará and du Mato Grosso. Dans certains états brésiliens, le rythme de la déforestation est le triple de celui observé en août 2007.

Le Ministre de l'Environnement, Carlos Minc, a interprété ce phénomène comme étant une conséquence de l'approche des élections municipales, qui se déroulent les 5 et 26 octobre 2008. Selon lui, “aucun maire ne veut faire d'obstruction en une telle période, ni aucun gouverneur. L’IBAMA (Institut Brésilien de l'Environnement et des Ressources Naturelles Renouvelables) [en portugais] fait son travail, mais a besoin de l'appui des polices locales”. Minc a aussi publié une liste des 100 plus grands responsables de la déforestation, dans laquelle l'Institut National pour la Colonisation et la Réforme Agraire (INCRA) [en portugais], un organisme public, apparaît en tête de liste comme responsable de la déforestation de l'Amazonie.

Les blogueurs brésiliens n'ont réagi que lentement à cette information, mais l'ONG Greenpeace [en portugais] souligne que depuis des mois elle a signalé une déforestation croissante, et que par conséquent les chiffres de l'INPE ne constituent pas une surprise. Le Directeur de Campagne Amazonie de Greenpeace, Paulo Adario, déclare :

Lamentavelmente não é nenhuma novidade. Há meses, o Greenpeace vem alertando para a tendência de aumento do desmatamento na Amazônia, confirmada novamente pelos dados do Inpe divulgados nesta segunda-feira

Malheureusement ce n'est pas une nouvelle. Depuis des mois, Greenpeace alerte l'opinion d'une tendance à l'augmentation de la déforestation en Amazonie, qui vient d'être confirmée par les chiffres de l'INPE.

À propos de la présence de l'INCRA en tête de liste des défricheurs, Greenpeace avait publié en 2007 un rapport intitulé Colonisation sur le papier, exploitation forestière en réalité – L'entente entre l'INCRA et les forestiers menace l'Amazonie [en portugais] dénonçant la façon dont certains agents de l'INCRA en Amazonie s'entendent avec des petits paysans ou des bûcherons clandestins pour créer de fausses exploitations agricoles, dans le cadre de la réforme agraire, qui servent à couvrir l'exploitation forestière illégale au nom de la justice sociale. Cette “colonisation” permet à l'INCRA d'atteindre ses objectifs (en terme de distribution de terres), et à ses agents locaux de toucher de l'argent, tout en permettant ce qui est la principale activité économique de beaucoup de municipalités amazoniennes, l'exploitation forestière clandestine.

Candido Cunha [en portugais], un blogueur de Santarém, dans l'état du Pará, a été prompt à dévoiler certains des intérêts politiques se cachant derrière ces informations récentes. Selon lui, il y a une mésentente entre le Ministre de l'Environnement Carlos Minc et le Gouverneur du Pará, Ana Julia, qui n'a pas apprécié de voir son état cité en tête de liste pour la déforestation. Candido Cunha pense qu'Ana Julia a réussi à cacher la déforestation dans son état quand Marina Silva était Ministre de l'Environnement (avant Minc [en anglais]), et passait son temps à attaquer le gouverneur de l'état du Mato Grosso, Blairo Maggi, tout en étant à l'écoute de responsables de la déforestation “partenaires”, en particulier liés à de grands projets miniers et forestiers.

A mistura explosiva dos aliados petistas no Pará, madeireiras e mineradoras parece ser o combustível perfeito para a derrubada e queima da floresta amazônica. Para isso, não há “simpatia” que dê jeito!

Le cocktail explosif des alliés du Parti des Travailleurs au Pará, les compagnies forestières et les mines, semblent être le parfait combustible pour la coupe et le brûlis de la forêt amazonienne. Pour cela, il n'y a aucune “sympathie” qui convienne !

Étant tous des politiciens membres du Parti des Travailleurs, tout ceci indiquerait des divisions internes à ce parti. Selon le point de vue de Candido Cunha, la stratégie de Minc de révéler les liens entre politiques locales et déforestation a pour but de lui apporter le soutien nécessaire à la création d'une Force Militaire Fédérale pour soutenir les opérations de fiscalisation de l'IBAMA.

Brésil (état du Pará), 2007. Photo de Deborah Icamiaba.

Le point de vue d'un anthropologue (ancien président de la FUNAI, la Fondation Nationale de l'Indien) s'exprime sur le blog de Mércio Pereira Gomes [en portugais], qui a été le témoin de la menace constituée par des opérations de colonisation de terres, dans le cadre de la réforme agraire menée par l'INCRA, à proximité de réserves indiennes, en particulier dans l'état du Mato Grosso.

Parece que houve um acirramento do desmatamento no mês de agosto. O ministro Carlos Minc culpou as eleições por isso. O Pará está tomando o lugar do Mato Grosso como campeão do desmatamento. A governadora do Pará desmentiu que as eleições provocaram esse aumento, que não há correlação entre uma coisa e outra.

Il semblerait qu'il y ait eu une forte augmentation de la déforestation en août. Le Ministre Carlos Minc en a rendu responsables les élections. Le Pará est en train de remplacer le Mato Grosso comme champion de la déforestation. Le Gouverneur du Pará a réfuté qu'il y ait un rapport avec les élections.

Il semble soutenir les arguments d'Ana Julia selon lesquels il n'y a pas de lien entre élections et déforestation et il soutient que la bataille de la déforestation est en train d'être perdue par Minc à cause de ses stratégies trop “médiatiques” (cherchant avant tout à attirer l'attention sur lui-même) et pas assez cohérentes sur le terrain. Il ne croit pas que Minc durera longtemps comme Ministre. Mais peut-être est-il un allié d'Ana Julia ?

Selon le site du quotidien O Globo [en portugais], l'idée de Carlos Minc est de faire travailler ensemble le Procureur Général de l'Union [qui représente l'État Fédéral] et le Ministère Public [qui au Brésil peut aussi bien défendre les citoyens contre les abus publics que le patrimoine public contre les abus privés] pour poursuivre en justice les 100 plus grands responsables de la déforestation au Brésil.

Os dados do Ibama apontaram situação grave, segundo Minc. Pelo levantamento, além de áreas de assentamentos, houve desmatamento também em reservas indígenas e parques de preservação ambiental. “Todos aqueles mencionados (na lista) terão de responder na Justiça sobre o que aconteceu. O mais importante é mudar a atitude e recuperar as áreas devastadas”, afirmou o ministro.

Les chiffres de l'IBAMA indiquent une situation grave, selon Minc. D'après cette enquête, en plus des zones colonisées, il y a eu aussi des défrichements dans des réserves indiennes et des réserves naturelles. “Tous ceux qui sont signalés (par cette liste) devront répondre de leurs actes devant la justice. Le plus important est de changer de comportement et de restaurer les régions dévastées”, a déclaré le Ministre.

Pour finir, le blog Pense [en portugais], tenu par un couple, Adriana et Henrique, se demande qui poursuivra les grands responsables de la déforestation, en particulier l'INCRA, qui est un organisme public.

Quem será processado pelo ministro? O Incra? As famílias assentadas?

Qui sera poursuivi par le Ministre ? L'INCRA ? Les familles à qui on a donné des terres ?

Médiatique ou pas, le fait est que la déforestation est en augmentation. Vu la difficulté à démêler le réseau d'intérêts qui convergent pour poursuivre la déforestation de l'Amazonie, on peut penser que Carlos Minc utilise les outils qu'il peut pour lutter contre ce problème. Attirer l'attention sur l'augmentation des défrichements, lister les principaux responsables, et les poursuivre en justice, sont des outils stratégiques dans cette lutte.

Cependant, comme il l'a lui-même déclaré récemment dans les médias, mettre fin aux activités illégales d'abattage de la forêt ne résout pas le problème, parce que “on ne crée pas des emplois durables aussi rapidement qu'on ferme des scieries clandestines”. Peut-être que l'explication du conflit entre le Ministre de l'Environnement et le Gouverneur du Pará est que son devoir est de dénoncer et de mettre fin aux activités forestières illégales, alors que celui du Gouverneur (et celui de tous les maires qui vont être élus prochainement) est de créer ces emplois durables.

Vue aérienne, Brésil (état du Mato Grosso), 2007. Photo de Deborah Icamiaba.

1 commentaire

  • De(l)evaux

    hier soir j’ai vu sur Canal plus (une chaine fr privé un excellent reportage sur les favélas de Rio ou la pégre du coin recrutait des enfants des bidonvilles pour vendre cette matiere sur cette ville) je m’étonne au regard de ce blog que vous écrivez sur le massacre de la foret amazonienne sans meme faire remarquer auxautoritésde ce grands pays avec un gouvernement central plutot de gauche et un commerce exterieur dans le positif voir les hausses du cout des matieres premieres qu’aucune de ces recettes ne servent simplement au Brésil pour implanter à Rio un centre d’accueil et de soin et révons d’éducation pour les gosses des rues qui crévent de faim et qui pour subsister doivent traficoter avec la pégre et meme pire..
    sans parents ni famille ni d’aucunes aides d’aucune sorte à l’age ou ici on les met en maternelle.
    Pour le moment songer à protéger la foret des destructions des “on ne sait pas qui” est un peu comme d’eteindre un incendie en y mettant beaucoup d’argent avec des gosses qui crevent de faim dans leurs grandes villes-ou parait il la classe moyenne mais est son travail?s’indiffére de leur sort..

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