Slovaquie-Hongrie : Tensions nationalistes.

Le 15 novembre 2008, une rencontre a eu lieu entre le Premier Ministre slovaque, Robert Fico, et son homologue hongrois, Ferenc Gyurcsány, dans la ville frontalière slovaque de Komárno, afin de tenter d'apaiser les tensions nationalistes engendrées par les violences du 1er novembre 2008 lors d'un match de football à Dunajská Streda, en Slovaquie.

Eva S. Balogh, sur le blog Hungarian Spectrum, a écrit ces derniers temps plusieurs articles mettant en lumière les relations entre les Slovaques et les Hongrois.

Le 1er novembre 2008, Eva donnait les détails suivants sur les violences liées au match de football [en anglais] :

Au moment où les familles accomplissaient leur pèlerinage annuel en allant fleurir les tombes de leurs proches dans les cimetières, environ cinq cents supporters hongrois se sont déplacés dans la ville slovaque méridionale de Dunajská Streda (Dunaszerdahely en hongrois), afin de provoquer des incidents. Cette ville est très proche de la frontière entre la Slovaquie et la Hongrie, et la population y est majoritairement de culture hongroise. Sur 23 000 habitants, seulement 3 000 sont de culture slovaque.

Le match entre le Slovan Bratislava et l'équipe de football locale ne promettait pas un suspense insoutenable. Néanmoins les 10 000 places assises que compte le stade étaient occupées. Un millier de spectateurs venait de Bratislava, et il y avait un groupe de 500 spectateurs venus de Hongrie. La police slovaque a dû avoir vent que quelque chose se tramait, parce que 1 000 policiers environ ont été mobilisés pour l'occasion. […] Les supporters de Bratislava ont été attaqués sur le chemin du stade : on leur a lancé des pierres. Des arrestations ont été opérées sur le lieu de l'affrontement.

Les Hongrois ont attiré l'attention en déployant des banderoles avec le mot Kitartás (Persévérance). Il se trouve que malheureusement ce mot était utilisé comme salut par les Nazis hongrois des années Trente et Quarante. Le stade était déjà complet une heure avant le coup d'envoi, et chaque camp a hurlé des insultes à l'autre pendant tout ce temps. Juste avant le début du match, le public local et les Hongrois ont chanté l'hymne national de la Hongrie. La rencontre a finalement commencé, mais l'arbitre a dû l'interrompre après dix-huit minutes parce que les supporters de Bratislava avaient lancé un fumigène sur la pelouse. […]

Le 9 novembre 2008, Eva remarquait [en anglais] qu'il était “difficile de savoir exactement ce qui s'était passé” quand la police slovaque est intervenue :

[…] Chaque camp a sa propre version. Les “supporters” hongrois affirment que la partie des gradins qu'ils occupaient était calme et que la police slovaque les a brutalement attaqués sans raison. Les vidéos qui ont circulé sur Internet montrent en effet des policiers slovaques qui utilisent leur matraque de façon plutôt généreuse sur les Hongrois en retraite, sans distinction. Mais je suis du genre prudent, et l'extrait vidéo en question ne montre peut-être pas tout ce qui s'est passé. D'autre part, le décompte des arrestations montre que la police slovaque n'a pas été indulgente avec ses propres extrémistes. À peu près le même nombre de Slovaques et de Hongrois ont été arrêtés, puis finalement relâchés. […]

En Hongrie, les gens ont été “scandalisés” par les agissements supposés de la police slovaque :

[…] Oui, ils admettent qu'il n'était pas opportun d'aller en Slovaquie avec des cartes de la Grande Hongrie, une Hongrie qui comprenait [avant 1918] une partie de la Slovaquie actuelle, appelée par les nationalistes Felvidék (Haute-Hongrie). Et oui, qu'il était provocateur de déployer des slogans irrédentistes. Mais, ajoutent-ils, rien ne justifiait l'emploi brutal de la force. […]

Le 3 novembre 2008, les ultra-nationalistes ont manifesté à Budapest :

[…] Ils ont rassemblé près de 1 000 manifestants devant l'ambassade de Slovaquie, ont brûlé au moins un drapeau slovaque, et ont déployé des banderoles portant l'inscription : “Mort à Ján Slota”. Ján Slota, le chef du SNS (Parti National Slovaque), n'est pas spécialement un tendre. Les Hongrois sont bien placés sur la liste de ceux qu'il abomine, mais les Roms et les homosexuels ne sont pas non plus les personnes qu'il préfère. Il considère la minorité hongroise en Slovaquie comme “une tumeur dans le corps de la nation slovaque”, et il a à plusieurs reprises laissé entendre à quel point il serait heureux d'aller faire un jour un tour à Budapest en char d'assaut. Chaque fois que Slota sort une nouvelle provocation, toute la Hongrie l'écoute. Avant que la coalition actuelle, qui comprend le parti de Slota, n'arrive au pouvoir [en Slovaquie] en 2006, les relations entre la Hongrie et la Slovaquie étaient bonnes. Mais évidemment, le partenaire de la coalition [alors au pouvoir en Slovaquie] était le MKP (Parti de la Coalition Hongroise), le parti de la minorité hongroise. […]

Le 12 novembre 2008, Eva écrivait un nouvel article, pessimiste [en anglais], sur la rencontre à venir entre les Premiers Ministres des deux pays voisins en train de disputer :

Enfin. Après des mois et des mois de relations tendues entre la Slovaquie et la Hongrie, les deux Premiers Ministres ont accepté de se rencontrer. […]

[…]

À quoi peut aboutir la rencontre entre Fico et Gyurcsány ? Autant que je peux l'imaginer, à rien. […]

Elle commente également la position des responsables politiques de la Hongrie :

[…] À savoir que le gouvernement et tous les partis hongrois condamnent les récentes actions de l'extrême-droite hongroise. Ils sont contre le nationalisme hongrois, contre les extrémistes qui entrent en Slovaquie en uniforme nazi. Ils sont aussi contre ces nazillons qui défilent en Hongrie, mais que peut faire le gouvernement hongrois ? […]

Mais cette position n'est pas unanime en Hongrie, comme le souligne Eva dans son article du 14 novembre 2008 [en anglais] :

[…] Sans surprise, tous les politiciens hongrois ne sont pas sur la même longueur d'onde à propos des récents incidents en Slovaquie. Pour donner un seul exemple, le député du Fidesz Béla Túri-Kovács demande la démission du député du SZDSZ Mátyás Eörsi, qui préside la commission parlementaire des Affaires Européennes. Eörsi a participé en Slovaquie à une réunion avec son homologue slovaque : il a déclaré que les deux parties devaient reconnaître une responsabilité dans les incidents, et a reconnu les torts de la Hongrie. Bien sûr, ce mea culpa n'a pas plu à Túri-Kovács. […]

Le Fidesz, de droite, est le plus important parti d'opposition de Hongrie ; Global Voices a déjà publié [en anglais] une revue de presse à partir des articles du Hungarian Spectrum sur les idées du Fidesz. Dans ce billet [en anglais], Eva analysait un article du sociologue Pál Tamás sur les “managers du populisme”, l'Autrichien Jörg Haider, le Hongrois Viktor Orbán, et le Slovaque Robert Fico.

Dans son article du 15 novembre 2008 [en anglais], Eva rendait le Fidesz en partie responsable de l'échec du gouvernement hongrois à freiner des “groupes d'extrême-droite petits mais actifs et se faisant entendre” :

[…] Le problème est qu'il n'y a pas de réaction politique unitaire afin de faire face aux extrémistes. Viktor Orbán et son parti, le Fidesz, sont les champions du double-language qui encourage les extrémistes. Si le Fidesz ne soutient pas clairement les extrémistes, il ne les condamne pas non plus. Ou bien s'il les critique, il ajoute aussitôt : “mais on peut comprendre leur frustration”. Après tout, Orbán a besoin de leurs votes. L'extrême-droite a une audience beaucoup plus importante que les quelques centaines de militants qui sont prêts à descendre manifester dans la rue. Selon une étude sociologique récente, les idées d'extrême-droite touchent peut-être 20 % de la population, même si seulement 5 % sont prêts à participer à des manifestations qui peuvent se terminer dans la violence. Les autres se contentent de regarder et d'encourager leurs amis. […]

[…]

Le seul espoir est la force de l'opinion publique. Mais ce serait plus facile si le Fidesz appuyait ouvertement et sans réserves le gouvernement dans sa condamnation des extrémistes. Hélas, ce n'est pas dans l'intérêt de ce parti pour le moment.

La rencontre entre Fico et Gyurcsány s'est terminée par une déclaration commune, dans laquelle les deux chefs de gouvernement s'engagent à prendre des mesures pour faire disparaître “toute forme d'extrémisme, de xénophobie, d'intolérance, de chauvinisme, de nationalisme et toute manifestation de violence”. Eva commente le résultat de cette rencontre le 16 novembre 2008 [en anglais] :

[…] Regardons les choses en face, ce n'est pas beaucoup, bien que ce soit à coup sûr mieux que rien. Autant que je le sache, les Hongrois voulaient une explication satisfaisante à propos des “brutalités policières” lors du match de football, et des assurances d'un traitement plus équilibré de l'histoire de la Hongrie dans les écoles de langue hongroise [en Slovaquie]. Ils étaient également mécontents de l'interdiction des drapeaux hongrois pendant les rencontres sportives […]. Aucune de ces demandes n'a été satisfaite. Fico n'a apporté aucune preuve que les supporters hongrois aient usé de violence physique avant que la police ne les charge. Fico n'a pas reculé sur la question des drapeaux. […] Alors que Gyurcsány s'est plaint du discours nationaliste et anti-hongrois du gouvernement slovaque, Fico a exprimé son indignation à propos de la présence d'extrémistes hongrois en uniforme sur le sol slovaque. […]

Pour finir, Eva décrit dans son article du 18 novembre 2008 [en anglais] la couverture médiatique de cette réunion :

[…] Cependant, il semble que Robert Fico ait été mécontent des journalistes slovaques présents lors de la conférence de presse plutôt orageuse qui a suivi la réunion de Komárno. Le soir même, il est apparu à la Télévision publique slovaque (STV), avec le Président de la République et le Président du Parlement, et il a accusé les journalistes slovaques d'avoir été trop gentils avec Gyurcsány, et de ne pas avoir défendu les intérêts de la Slovaquie. Sans trop de surprise, les journalistes hongrois ont estimé que Gyurcsány s'était mieux sorti du duel oratoire. […]

Les commentateurs dont les sympathies sont à droite répètent un vieux proverbe hongrois qu'on peut résumer en “personne ne nous comprend”. C'est ce qui se dit habituellement lorsqu'il est clair pour les journalistes occidentaux que la police réagit souvent avec violence lors des rencontres de football qui sont violentes et que les groupes paramilitaires en uniforme n'ont rien à faire nulle part, surtout pas dans un pays voisin. Ces commentateurs affirment d'ordinaire que l'Occident ne peut tout simplement pas comprendre la complexité des relations entre la Hongrie et la Slovaquie. […]

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