Ukraine : Crise, micro-finance et politique

Voici une sélection de billets récents de blogs anglophones sur la crise politique et économique en Ukraine. (Un billet antérieur sur la crise en financière en Russie est ici, et dans les autres pays d'Europe centrale et orientale ici.)

Michelle Knisley du blog Greetings from Kyiv écrit qu'en raison de la crise l'ambiance dans la capitale ukrainienne a été «plutôt extra-sombre» ces derniers temps; son billet est intitulé «Christmas ou Crisismas ?» (jeu de mot intraduisible sur «Noël» et «crise») :

[…] Où qu'on aille, tout le monde ici parle de la «crise». On entend même ce mot quand on capte les conversations en marchant dans la rue. La «crise» est dans tous les esprits et pour de bonnes raisons. La grivna [devise ukrainienne] est hors de contrôle, […] et à ce qu'on dit il n'y a pas de dollars à acheter. Les Ukrainiens sont vraiment en train de vivre une crise économique aux dimensions épiques.

La semaine dernière, la moitié des habitants de Kiev ont eu leur eau chaude et leurs radiateurs coupés. C'était dù autant aux factures impayées des habitants (certains sont si pauvres qu'ils sont dans l'impossibilité de les payer) qu'à la mauvaise gestion de l'administration. […] Apparemment l'eau chaude a été rétablie à présent mais les rumeurs enflent, selon lesquelles les tarifs vont être multipliés par dix dans certains quartiers de Kiev. Cela signifie que les loyers vont augmenter. Il semble que, quelle que soit la solution à un problème, elle ne fait que créer une réaction qui engendre une nouvelle crise dans un autre domaine de la vie.

MoldovAnn écrit également que «cette période de fêtes ne sera pas si joyeuses pour de nombreux Ukrainiens» – et voilà pourquoi :

Tarifs des transports publics multipliés par 4

Eau chaude coupée 3 – 4 jours dans une grande partie de Kiev

Chauffage réduit dans toute la ville, certains immeubles périodiquement privés de chaleur

Hausses de prix quasi quotidiennes, les stands au marché ne prenant plus la peine d'écrire les nouveaux prix, et se contentant d'inscrire «+20%» sur les prix d'hier

Comptes bancaires gelés, les gens ne peuvent pas retirer leur argent

Retraites non payées

Fonctionnaires ne sachant pas s'ils seront payés ce mois

Licenciements, dégraissages, faillites

Baisse de la grivna, valeur des salaires réduite de moitié

Annonces par les banques sur leurs pages d'accueils de ventes aux enchères de voitures et d'autres biens saisis

Evie de Kiva Stories from the Field écrit plus en détail sur ce qu'est la vie en Ukraine aujourd'hui :

[…] Dans le monde occidental, «tensions politiques», ça veut dire essentiellement que les réseaux câblés d'informations continues ne parlent plus que de politique, sans arrêt. En Ukraine, du fait des «tensions politiques» entre les responsables locaux, de nombreux quartiers de Kiev, la capitale, ont été privés la semaine dernière de chauffage et d'eau chaude. Ce sont des services contrôlés par l'administration – l'administration locale peut littéralement couper sur un coup de tête le chauffage au gaz de votre immeuble. Par des températures en-dessous de zéro et les conditions glaciales de l'hiver continental, manquer de chauffage pendant une semaine est une épreuve à faire pâlir. Les gens ne pouvaient même pas laver la vaisselle, parce que l'eau sortait du robinet littéralement gelée. Même maintenant, trois jours après que le chauffage a été rétabli par ces mêmes fonctionnaires, les radiateurs sont à peine tièdes, les appartements sont toujours glaciaux et les gens sont malades, avec des rhumes et la grippe.

De plus, la valeur de l'UAH (ou «grivna») a chuté de 5,05 gr pour 1 dollar le 1er octobre à 9,45 pour 1 dollar le 17 décembre – une perte de presque 50% de sa valeur en deux mois et demi. Cela a un impact direct sur beaucoup d'Ukrainiens, étant donné que la moitié de tous les prêts bancaires et la plupart des loyers sont libellés soit en dollars soit en euros, alors que la plupart des gens sont payés en grivnas. Imaginez que votre loyer était de 2 525 grivnas (500$ par mois) le 1er octobre. Au cours du change actuel, le loyer que vous devez au 1er janvier est maintenant de 4 725 grivnas.

Les banques ressentent le rétrécissement du crédit de la façon la plus aiguë, puisque la plupart de leurs dettes sont également libellées en devises. Des rapports officieux de l'Etat ukrainien constatent qu'il est quasi impossible pour les individus ou les entreprises d'obtenir des dollars aux distributeurs de billets ou dans les bureaux de change – les banques gardent les mains sur toutes les réserves de devises et refusent de les vendre. Une source a tenté de trouver des dollars US dans plus de 20 distributeurs et kiosques de change, sans succès. […]

La blogueuse, qui est une associée basée en Ukraine de Kiva, une ONG américaine qui «aide les particuliers à prêter directement à des micro-entrepreneurs dans le monde en développement» – explique aussi comment la crise affecte les initiatives de micro-finance en Ukraine :

[…] Lorsqu'un prêteur envoie 25 dollars par Kiva à un entrepreneur, cet argent est réceptionné et déboursé par notre partenaire sur le terrain dans ce pays – en l'occurence, HOPE Ukraine. Le partenaire local est une banque de micro-finance qui est enregistrée comme institution financière dans ce pays. […]

Lorsque Kiva envoie 300 dollars à un entrepreneur, c'est exactement 300 dollars. Aussi nous attendons un remboursement de 300 dollars, indépendamment du cours de la monnaie locale. Imaginez que HOPE Ukraine ait levé 300 dollars sur Kiva le 17 octobre pour un micro-entrepreneur appelé Tania. Ils l'auront converti en grivnas au cours de 5,05, et donné à Tania 1.515 grivnas à échéance de 10 mois. Ses remboursements en principe sont de 152 grivnas, ce qu'elle verse à HOPE Ukraine chaque mois, et HOPE Ukraine s'engage à les convertir et à les rembourser pour 30 dollars. Cependant, quand HOPE Ukraine a reconverti en dollars le remboursement mensuel de Tania le 17 décembre, ces 152 grivnas ne valent plus 30 dollars, mais seulement 16. HOPE Ukraine doit alors payer 14 dollars de sa poche pour envoyer aux créanciers de Kiva un versement de 30 dollars.

[…]

Avec la crise, aucune des grandes banques classiques ne distrbuera plus de prêts, tout le monde vient donc chez HOPE Ukraine. Ils ont autant d'affaires qu'ils peuvent en traiter, et plus encore. Et comme la grivna vaut moins, ils peuvent prêter de plus grandes sommes.  Comme Kiva a un plafond de prêt de 1200 dollars, en octobre, aucun client de Kiva ne pouvait emprunter plus de 6 060 grivnas. Aujourd'hui ce plafond de prêt vaut 11.340 grivnas – ils peuvent donc servir des clients qui ont un plus large éventail de besoins financiers. Et ils peuvent utiliser le revenu supplémentaire qu'ils réalisent sur tous ces nouveaux prêts pour payer ces 14 dollars sur le prêt de Tania.

Les institutions de micro-finance commencent à paraître, dans ces circonstances, sinon à l'abri de la récession, du moins capables d'y résister. […]

Pendant ce temps, les politiciens ukrainiens paraissent plus éloignés que jamais de la réalité sur le terrain.

«Opposition totale. Tous les principaux acteurs et institutions politiques d'Ukraine s'opposent les uns aux autres.» Tel est le titre du dernier billet de Tatiana Vysotska sur le blog What's Up, Ukraine ?, dans lequel elle décrit la situation politique actuelle :

[…] Ainsi, aujourd'hui, le Premier ministre d'Ukraine s'oppose au Président de l'Ukraine et à la Banque Nationale d'Ukraine. Le Président de l'Ukraine s'oppose au Premier Ministre. La Banque Nationale se comporte aussi comme un organisme politique, en déclarant son absence de soutien au gouvernement et à sa politique. L'opposition officielle – le Parti des Régions – déclare qu'il est contre les autorités mentionnées ci-dessus, et attend le printemps pour venir au pouvoir après la chute des «leaders oranges». Le Président nouvellement élu du Parlement Volodymyr Lytvyn revendique sa neutralité, mais en réalité il s'oppose à tous ceux qui sont intéressés aux élections législatives anticipées, qui lui ôteraient le perchoir du parlement.

Ukrainania (ici) et Foreign Notes (ici et ici) vont plus loin sur les relations complexes entre le président, le premier ministre et la Banque Nationale en Ukraine.

Chernobyl and Eastern Europe partage les résultats d'un récent sondage sur les résultats qu'obtiendraient les personnalités politiques du pays si l'élection présidentielle avait lieu aujourd'hui :

D'après une étude sociologique intitulée «Crise 2008 : la politique en Ukraine au miroir de l'opinion publique», le leader du Parti des Régions Viktor Yanoukovitch et la Premier ministre actuelle Ioulia Timochenko atteindraient tous deux le second tour d'une élection présidentielle, si elle se tenait maintenant. Le Président actuel Viktor Iouchchenko n'y arriverait pas. […]

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