Zimbabwe : Un nouveau Zimbabwe est arrivé, mais…

Le président du Mouvement démocratique pour le changement (MDC), Morgan Tsvangirai, a prêté serment mercredi 11 février comme Premier ministre de Zimbabwe, au cours d'une tentative historique d'établir un gouvernement d'unité nationale, après des années de crises politiques, économiques et sociales. La prestation de serment de Morgan Tsvangirai devrait préparer le terrain pour le rétablissement de l'économie, le retour à un état de droit et des changements démocratiques véritables. A l'occasion de ce moment historique pour le Zimbabwe, nous avons voulu rassembler les avis, les analyses et les sentiments des Zimbabwéens sur la blogosphère (tous les blogs cités sont en anglais).
Le blogueur et auteur de Global voices, Denford Magora explique où se trouve le vrai pouvoir politique dans la nouvelle structure de gouvernement. Il ne doute pas qu'il se trouve dans les mains de Robert Mugabe. Il explique pourquoi :

Au lieu de prêter serment devant le président de la Cour suprême, comme Mugabe, Tsvangirai a prêté serment à Mugabe. Cela signifie qu’en dépit des protestations antérieures de Tsvangirai qu’il était l'égal de Mugabe, dans un gouvernement d’union, dans la réalité, il rendra des comptes  au « président ».
Le deuxième point est le serment lui-même. Au cours de ce serment, Tsvangirai a promis de servir loyalement comme Premier ministre, comme prévu, mais ensuite, il a également du prêter serment devant le Cabinet et promettre qu'il offrira, dans la mesure de ses capacités, des conseils au Président au sein de ce Cabinet. Le Conseil de Ministres, que Tsvangirai préside, n'a pas été mentionné, alors que Mugabe préside le cabinet.
Cela veut dire qu'il est clair que le Conseil de Ministres n’a constitutionnellement aucun rôle.  C'est seulement un détail opérationnel, une convenance d'organisation. Ça n’a pas du tout été mentionné pendant le serment. Mais le cabinet, que Mugabe présidera et que Tsvangirai a dû jurer de respecter et de servir loyalement, a été mentionné par chacune des trois personnes assermentées aujourd’hui.
C’est important car je m'attends à ce que les les disputes qui surviendront à l'avenir seront liées aux pouvoirs du Conseil de Ministres, présidé par Tsvangirai, et à ceux du Cabinet, présidé par Mugabe. Tsvangirai, d'ici peu, constatera que des décisions prises par le Conseil seront refusées ou même ignorées par le Cabinet si elles ne sont pas en conformité avec la politique et la « vision » de Mugabe. Légalement, Mugabe aura des arguments pour refuser les décisions du Conseil parce que, comme nous l'avons vu aujourd'hui,  le Conseil des Ministres n'est pas l'égal du Cabinet. Tsvangirai a cherché à faire croire aux gens qu'il l'est, juste comme il cherche toujours à faire croire que ce gouvernement est un gouvernement de deux ans, alors qu’en fait, Mugabe est très clair et a même déclaré face à Tsvangirai que c'est un gouvernement de cinq ans, par lequel Mugabe cherche à effectuer son «mandat», provenant de la mascarade d'élection présidentielle du 27 juin.

Denfor se demande pourquoi les supporteurs de Morgan Tsvangirai n’étaient pas présent pendant l'événement :

Ce que j'ai trouvé surprenant, c'est que les supporteurs de Tsvangirai sur le continent africain ne se sont pas montrés à l'intronisation. Khama, du Botswana, était invisible. Comme  Jakaya Kikwete, président de la Tanzanie, que les médias d'Etat ont commencé à critiquer dernièrement pour ses liens supposément étroits avec le leader de l'opposition. Le Président Wade du Senegal, qui est aussi un supporteur de Tsvangirai, était lui aussi absent. Mais c'était quand même un beau jour.

Il faudra aussi prêter attention à la prestation de serment des ministres pour voir où se situe le vrai pouvoir. Denford continue :

Vendredi, les ministres prêteront serment. Il sera intéressant de voir qui les assermentera : Mugabe ou Tsvangirai. Si c'est Mugabe, comme je m'y attends totalement, puisqu'il est celui qui préside le cabinet, alors, il sera finalement confirmé que Tsvangirai est traité constitutionnellement comme le Premier ministre et rien de plus. Naturellement, personne ne va prêter serment avant de servir le Conseil de Ministres (présidé par Tsvangirai), parce que c'est un corps d'état qui rapportera au Cabinet, c'est comme un sous-comité.

La blogueuse Eusebia célèbre l'arrivée du nouveau Zimbabwe, « même si ce n'est pas de la manière démocratique que nous aurions tous voulu voir ». La démocratie, argumente Eusebia, devrait venir d’ élections démocratiques libres et justes :

«La démocratie telle que nous la comprenons a été traitée d'un haussement d'épaules par ce gouvernement de coalition qui n'est pas issu d’élections démocratiques libres et justes, mais la plupart des Zimbabwéens ne s'en inquiétent pas. La démocratie a été mise en attente pendant quelque temps, jusqu'à ce que la nation proche de la mort soit ressuscitée, jusqu'à ce que les problèmes des personnes dus à l'effondrement économique du pays aient été éliminés, jusqu'à ce que les malades aient été sauvé de la mort dûe au manque de traitements à l'hôpital et jusqu'à ce que le système d'éducation ait été rétabli. Je pense personnellement que Tsvangirai et le MDC ont pris une bonne décision et je soutiendrai le gouvernement de coalition en faisant de mon mieux pour la construction la nation, je crois que le changement que je veux voir dans cette nation doit commencer par moi.

Elle se réjouit du serment de Morgan Tsvangirai avec la voix de Céline Dion :

C’est juste moi ou pensez-vous aussi à la musique chaque fois que quelque chose de bien arrive dans votre vie ? Aujourd'hui, quand je me suis réjouie du serment de Tsvangirai en tant que Premier ministre, la chanson Un nouveau jour est venu par Céline Dion a envahi mon esprit parce que j'avais si longtemps attendu qu’un miracle se produise au Zimbabwe pour renverser la situation difficile des personnes en souffrance. Tout le monde m’a dit d’être courageuses, de me tenir droite, et de ne pas pleurer. A travers l’obscurité et les bons moments, j’ai su que je j'y arriverai, j'étais déterminée à survivre pour ne pas être comptée comme une victime du choléra ou de la faim.
La douleur au Zimbabwe, partout où je regardais, était comme si j'étais dans un tunnel où je ne pouvais pas voir la lumière mais, chut, maintenant, je vois une lumière dans le ciel. C'est éblouissant, c’est comme si le pays avait été touché par un ange avec amour. Le widget qui suit comprennent les paroles de la chanson avec laquelle je célèbre ce jour merveilleux dans l'histoire du Zimbabwe.

Le blogueur Bearded man ne semble pas avoir beaucoup de confiance au nouveau gouvernement puisque « Mugabe est évidemment affamé de pouvoir et a peu ou pas du tout l'intention de partager le pouvoir avec quiconque… Et que le parti ZANU pf fonctionne selon « la règle d'or » :

ZANU pf fonctionne sous ce que j'appelle la règle d’or ; lui, et l'or, établissent les règles. Comme je l'ai écrit dans mon éditorial hier «Tsvangirai est premier ministre – mais lui sera-t-il permis de tenir cette position ? », la question à laquelle seul le temps pourra répondre est : Tsvangirai pourra-t-il accomplir les fonctions du premier ministre, ou trouvera-t-il chaque mouvement qu'il fait bloqué et paré par Mugabe et ses cohortes ? Comme le présent accord déclare que les décisions doivent être prises conjointement par Mugabe et Tsvangirai, allons-nous vers des négociations plus prolongées qui auront comme conséquence que Mugabe aura le dernier mot, ou une impasse permanente ? »

Sokwanele reproduit un texto envoyé depuis le stade où la cérémonie du serment avait lieu :

Ce SMS envoyé par quelqu’un à partir du stade : «mt [Morgan Tsvangirai] a fait un bon discours devant un grande foule de 60 milles personnes. Il a accueilli tous dont zpf [ZANU PF] et déclaré qu’on ne reviendra plus sur les accords. Ils se dirigent maintenant vers élections. Il a invité la CDAA à être des associés. Il y a 19 ans que Mandela a été libéré de la prison, la lutte s'est déplacée dans une nouvelle arène. La polarisation du pays doit finir aujourd'hui. L’abus des droits de l'homme doit finir. La liberté d'expression, aucune pseudo démocratie, doit mettre en application la démocratie au parlement. Appels pour la libération de tous les prisonniers politiques. »
Baisse des prix alimentaires, stabiliser l’économie, Zim (Zimbabwe) a les qualifications et cerveaux pour créer nouvau Zim. Priorité aux écoles et aux hôpitaux. Garantie de salaire pour l'armée, les professeurs et les professionnels de la santé à la fin du mois. Appels pour l'ouverture des écoles lundi. Le parti et l'état seront distants. Le premier ministre réclame un gouvernement transparent, demande à tous les partis de se reconnaître les uns les autres. Appels au zim à s'entraider,  se s'unir, demande gens de s’unir aux valeurs démocratiques, demande l'appui du zim et que Dieu bénisse le zim. »

Le blog a également reproduit le discours d'intronisation :

« Son excellence, M. Morgan Tsvangirai, Votre majesté, le Roi Mswati III, le Président de la Commission de l’Union africaine (UA), M. Jean Ping, le Président Mugabe, l'ancien Président Mbeki, vos excellences, invités honorés, peuple du Zimbabwe. Aujourd'hui est un jour historique pour notre pays. Alors que nous formons ce gouvernement de transition, nous considérons avec sérieux le voyage difficile qui nous a amené à ce jour, et nous tournons avec forte détermination vers le chemin qui se trouve devant nous.
Àux chefs africains, mes semblables, il ne peut y avoir aucun renoncement sur l'accord politique que chaque parti a signé, sachant que ce n'est pas un accord parfait mais toujours réalisable. Un accord qui s’il est mis en application avec bonne foi, offrira un chemin paisible vers une économie stable, une nouvelle constitution et des élections libres et justes. Frères et soeurs de la CDAA et de l’U.A, nous comptons sur vous pour être nos partenaires et pour vous assurer que cet accord est respecté, alors que nous relevons les défis de reconstruire notre pays dans les jours qui viennent. »

Denford donne la liste de tous les ministres du nouveau gouvernement. Il note que le poste de gouverneur de la Banque de la réserve peut devenir une monnaie d'échange entre Tsvangirai et Mugabe :

Tendai Biti qui, pendant la campagne électorale de mars 2008, a indiqué que le Gouverneur de la Banque de la Réserve, Gideon Gono, « devrait être mis devant un peloton d'exécution » sera maintenant le patron de ce même Gono.

Il est presque certain que dans le mois suivant la prestation dd serment de ce gouvernement, Biti cherchera à licencier Gono. Mugabe combattra bec et ongles. En fin de compte, Gono pourrait bien bien devenir une monnaie d'échange entre les deux chefs, Mugabe et Tsvangirai, quand ils chercheront à extraire le plus de concessions possibles l'un de l'autre. 

Denford analyse :

Tant que Tsvangirai sera le Premier ministre, il ne présidera pas les réunions du Cabinet. Cela restera le travail de Mugabe. Il ne présidera que le Conseil des Ministres, semblable au Cabinet, mais apparemment moins puissant.

Ceci a provoqué des grands désaccords entre les deux chefs, avec Mugabe disant qu'il définit les ministères, alors que Tsvangirai les a simplement assignés aux membres de son propre parti. Tsvangirai s'est trahi dans la déclaration ci-dessus, en insistant sur le fait qu'en tant que Premier ministre, il devait définir les fonctions de TOUS LES ministres.

Mugabe a apparemment cédé la semaine dernière, en disant que Tsvangirai pouvait définir les fonctions pour les ministres de MDC, mais qu'il devait laisser les ministres du ZANU pf tranquilles. Tsvangirai veut pouvoir définir les mandats de TOUS LES ministres.

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