Madagascar : Et maintenant, l'armée au pouvoir ?

La nouvelle d’une mutinerie dans l'une des principales casernes d'Antananarivo [en anglais] hier 10 mars a stupéfié Madagascar. La mutinerie s'est depuis propagée à d'autres casernes et le Ministre de la défense, le vice-amiral Mamy Ranaivoniarivo, a donné sa démission.

Mamy Ranaivoniarivo avait été nommé à ce poste il y a quelques semaines seulement, après la démission de Cécile Manorohanta suite au bain de sang du 7 février, quand les manifestants de l'opposition conduits par Andry “TGV” Rajoelina ont tenté d'investir le palais présidentiel, et que la garde présidentielle a tiré sur eux.

Selon certaines sources, le vice-amiral Mamy Ranaivoniarivo a démissionné sous la contrainte, alors qu'il était pris en otage par des soldats mutinés, qui l'auraient contraint à écrire une lettre et à la lire durant une conférence de presse.  La BBC fait ce compte-rendu [en anglais] :

Il a lu une brève lettre de démission devant les reporters, mais a sous-entendu plus tard qu'il avait pu être contraint à quitter son poste.

“Peut-être que j'ai démissionné sous la menace. Je n'aime pas que les Malgaches s'entretuent” a-t-il dit”.

Le blogueur Jentilisa commente cette démission [en malgache] :

“Nandritra ny tontolo maraina izy no nohidiana birao, sady nohidiana rahateo vavahady fidirana ao amin'ny minisitera tsy nahafahany mivoaka. Efa karazana “gadra” izy izany raha tsy “takalon'aina”. Mampalahelo ny mahita fa ny ambany grady indray no mibaiko ny manamboninahitra jeneraly, ary nisy aza ny nandrahona azy, ka teo anatrehan'ny mpanao gazety no nanatanterahana izany fandrahonana izany indray (ankoatra izay tany amin'ny birao any). Maty hasina ny sata repoblikana, mitamberina an-tsaina ihany koa ny fanaon'ny mpampihorohoro any amin'ireny sarimihetsika ireny.”

“Durant toute la matinée, il a été séquestré dans son propre bureau, ils ont aussi verrouillé le portail du ministère, pour que personne ne puisse sortir. Il a été retenu “prisonnier” et peut-être même  “en otage”.  C'est triste de voir des soldats non gradés donner des ordres à un général, et certains l'ont même menacé, devant les journalistes (en plus des menaces qui lui ont été faites dans son bureau). Les valeurs républicaines sont piétinées, cela nous rappelle des scènes de terreur dans les films.”

Après sa démission, le chef des armées a formulé un ultimatum[en anglais] :

“Nous implorons tous les acteurs politiques, la société civile et les autres partis de se réunir immédiatement pour trouver une solution au cours des prochaines 72 heures pour sortir la nation de la crise actuelle,” a dit le Général Rasolomahandry.

Aujourd'hui 11 mars,  le chef des mutinés, le Colonel Ndrianarijaona, a pris le contrôle de l'armée :

“Le colonel André Ndrianarijaona a déclaré aux journalistes mercredi que le chef des armées avait accepté de lui transférer ses pouvoirs.

André Ndrianarijaona a déclaré que le  Général Edmond Rasolomahandry avait accepté après moins d'une heure de discussion dans les bureaux du ministère. Edmond Rasolomahandry est parti sans faire de commentaires.

Le Président Marc Ravalomanana, qui a nommé Rasolomahandry le mois dernier, n'a pas fait de déclaration dans les instants qui ont suivi.

André Ndrianarijaona conduit un groupe de soldats qui ont annoncé au cours du week-end dernier qu'il ne prendraient plus d'ordres du Président. Mercredi, Ndrianarijaona a déclaré que l'armée était derrière lui.”

Des soldats ont été vus bloquant les rues, et sur Twitter, des témoins ont fait état de  rumeurs selon lesquelles des supporteurs de  Andry-TGV allaient envahir les ministères. Le plus triste : des civils malgaches se battant entre eux dans les rues, et l'annonce selon laquelle quinze ont été blessés.Pakysse a publié la photo suivante sur son blog.

Les blogueurs malgaches sont plus inquiets que jamais du tour que prennent les événements.

Tahina est angoissé par la possibilité d'une guerre civile, qui peut-être a déjà commencé [en anglais]:

“Alors que j'écris, les pillages se poursuivent,  SFOI Tanjombato est maintenant au nombre des lieux pillés.
Avec des amis, nous avons parlé à un étranger qui vit à Madagascar depuis huit ans maintenant et prononcé les mots “guerre civile”. Il a dit que les Malgaches sont trop pacifiques et qu'il est difficile d'imaginer une chose pareille ici. J'espère qu'il a raison.”

Rado a mis en ligne des photos des événements de hier.

Ambatobe burning

Sur Malagasy Miray,un auteur s'insurge contre ce que les Malgaches infligent à leur pays [en malgache] :

“Voalaza mantsy fa hendry ramalagasy, voalaza fa mandala ny fihavanana sy ny firaisan-kina.   Kanefa inona ny nitranga? Ny andaniny mitady an’i Andry Rajoelina any amin’ny masoivoho frantsay, ny ankilany hanenjika ny PDS Guy Rivo eny Ampasapito sy ny manodidina rehefa tsy nahazo ny zanany teny Ambatobe tao amin’ny sekoly frantsay. Ny miaramila mihoko sy mitokona tsy handray baiko intsony fa hanao “V” amin’ny ratsan-tànana.   Ny mpandroba maneho eo anoloan’ny fianakaviambe iraisam-pirenena fa mahantra sy noana ka solosaina sy fahitalavitra no angalarina. Maratra, voa mafy misy koa ny maty. Haringana ve ny firenena? Hahetry ve ny toe-tsaina malagasy sy ireo soa toavina nolalain’ny razana?Inona re ity nataonao raMalagasy ô?! Mahamenatra sy marary toy ny tongo-bakivaky.”

“Les Malgaches s'enorgueillissent de leur sagesse, de leur sens de la fraternité et de l'unité. Qu'est-ce qui se passe actuellement ? Certains chassent Andry Rajoelina à l'ambassade de France, d'autres cherchent le maire  Guy Rivo à Ampasapito, après n'avoir pas réussi à kidnapper ses enfants à l'Ecole Française, hier. L'armée se mutine et ne prend plus d'ordres, les soldats font le V de la victoire avec leurs doigts. Les pilleurs montrent à la communauté internationale que quand on est pauvre et qu'on a faim, on vole des ordinateurs et des postes de télévision. Beaucoup sont blessés, beaucoup sont morts. Est-ce que nous détruisons le pays ? Et quid des valeurs et de l'esprit malgaches que nos ancêtres chérissaient ?  Qu'avez-vous fait, Malgaches ? C'est honteux et douloureux, comme des pieds crevassés.”

Jentilisa essaie de prendre du recul par rapport à la crise actuelle et se demande si le problème n'est pas plus vaste que la lutte pour le pouvoir entre  Ravalomanana et Rajoelina. Que sommes-nous en train d'abandonner ? Pourquoi les soldats se mutinent-ils ? Il fait référence à l'Histoire et voit un parallèle avec la démobilisation de l'armée durant la guerre entre Madagascar et la France en 1885[en malgache]. Une guerre qui s'est achevée par la défaite des Malgaches, la transformation de Madagascar en protectorat français, puis en colonie.

“Toa tsy niraharaha ny ady loatra ny mpitari-tafika Malagasy, indrindra fa tamin’ireo Jeneraly efa nananan’ny Malagasy ihany koa. Teo Andriba ihany no mba nisy karazana ady mafana teo amin’ny Malagasy, fa ny ankoatra izany dia tena tsy nisy na inona na inona nataon’ireo tafika mihitsy. Inona no antony? Ela nitondrana loatra manko ny praiminisitra Rainilaiarivony ka efa bebe ihany ireo tsy tia azy. Ny andaniny efa mpankasitraka ny Frantsay koa faly kokoa mahita an’i Rainilaiarivony fa jamba teo amin’ny fijerena ny hoe ho lasan’ny Frantsay anie i Madagasikara fa sombintsombiny ihany no omeny anao izay faly tsy mahita fa ny fiandrianam-pirenena Malagasy no rava fa tsy hoe Rainilaiarivony ihany no miongana”.

“Les chefs de l'armée n'avaient pas pris la guerre au sérieux, surtout les généraux. La seule bataille qui mérite ce nom a eu lieu à Andriba, partout ailleurs, l'armée n'a pas livré bataille. Pour quelle raison ? Le Premier ministre Rainilaiarivony était au pouvoir depuis bien trop longtemps et beaucoup ne l'aimaient pas. L'autre côté, qui soutenait les Français, était heureux de voir Rainilaiarivony en situation délicate, et n'a pas vu que Madagascar allait tomber dans les mains des Français, et qu'ils ne recevraient que des miettes pour cette victoire.  Ils étaient contents et n'ont pas réalisé que l'indépendance malgache était perdue, avec la défaite de Rainilaiarivony. “

Tomavana fait aussi appel à l'Histoire pour ce qui concerne le rôle de l'armée  :

“Alors que les jours passent, la liste des victimes des troubles à Madagascar continue à s'allonger. A Genève aussi, l'armé avait tiré sur des manifestants. La différence est que les Genevois ont tiré la leçon de l'Histoire : l'armée suisse n'est pas entrainée à maintenir l'ordre public, l'armée est faite pour défendre le pays au cours d'une guerre.”

Pendant ce temps, il a été annoncé par l'émissaire de l'ONU que le chef de l'opposition Andry TGV était sous la protection des Nations Unies, mais par la suite, le quartier général de l'ONU a démenti l'information et affirmé qu'Andry TGV était sous protection de la France, puis des officiels de l'ambassade de France ont annoncé qu'Andry TGV était à présent entre les mains de l'Eglise catholique, mais selon d'autres informations, il se trouve dans un endroit non précisé, pour sa propre sécurité. Mais apparemment, il  est maintenant revenu, sain et sauf, dans sa maison à Ambatobe, protégé par les mutins, et refuse de participer aux discussions nationales que les Nations Unies et les puissances occidentales ont voulu mettre en place pour qu'il reste sain et sauf !

Le nouveau maire d'Antananarivo, nommé par le président,  a perdu sa maison dans les incendies et les pillages commis par une bande de partisans de Andry-TGV . Et Marc Ravalomanana serait empêché par l'armée d'accéder à l'avion présidentiel, prétendument pour fuir le pays. Des  supporters de Marc Ravalomanana ont manifesté devant l'ambassade de France contre son ingérence dans les affaires malgaches.

Solofo se demande si la protection offerte par l'ONU et la France à Andry signifie que celles-ci soutiennent désormais les coups d'Etat :

“Ainsi Andry s'est fait exfiltré à la Résidence de l'Ambassadeur de France et ceci sous la ‘protection’ de l'ONU ; du jamais vu dans la gestion des différents crises politiques dans le monde d'autant plus que l'ONU et les autres organisations internationales comme l'OUA ont toujours prôné  le respect des Institutions comme principe de base.

Est-ce un signal officiel de soutien à l'insurrection et au coup d'état en cours à Madagascar par l'ONU ?…Cette ‘protection’ ne constitue pas un support officiel au Coup d'état mais un moyen de pousser tout le monde à s'entendre pour esquisser ensemble une ‘cohabitation’ à tous les étages (au gouvernement, au Sénat et dans des instances de contrôle ad-hoc qui seront créés pour prendre en compte les revendications de l'opposition), et ceci, tout en respectant la Constitution et les échéances électorales.”

Solofo regrette également que Ravalomanana, qui a présenté ses excuses publiques pour les erreurs qu'il a faites pendant ses sept années de présidence, ait mis aussi longtemps à reconnaître ses torts :

” Cette solution a été et reste la seule voie raisonnable et bénéfique pour le pays d'autant plus qu'apparemment Ravalomanana a finalement décidé de faire son auto-critique en public aujourd'hui. Bien entendu, il faut le voir en action dans les jours et mois à venir mais je trouve dommage qu'il ait mis tant de temps avant de muer. “

Jentilisa est outré d'apprendre qu'Andry-TGV a trouvé refuge à l'ambassade de France [en malgache]:

“Raha niainga ny mpiaro ny ara-dalàna teny Mahamasina dia ny hitaky ny hanalana an'i Andry TGV any amin'ny Ambasady Frantsay no antony, sy ny tsy hitsabahan'i Frantsa amin'ny raharahan-tokantranon'i Madagasikara. Mampihomehy indrindra manko raha olona “nialokaloka” teo alohaloha teo no afaka mandehandeha soa aman-tsara eto Madagasikara, afaka mikabary amin'ny famoriana olona eto Madagasikara, nefa mody any amin'ny masoivoho Frantsay rehefa avy eo. Tsy nitsipaka ny vaovao rahateo moa ny fitondrana Frantsay fa dia nilaza ny hanalana azy fotsiny avy eo. Dia io fa feno miaramila mpioko io manodidina ny tranony eny Ambatobe amin'izao fotoana izao.”

“Quand les légalistes ont quitté la réunion à Mahamasina, c'était pour exiger qu'Andry TGV quitte l'ambassade de France et que la France cesse de s'ingérer dans les affaires malgaches. C'est ridicule de voir qu'une personne “protégée” peut maintenant se mouvoir librement ici à Madagascar, faire des discours, puis rentrer tranquillement à la maison à l'ambassade de France. Le gouvernement français n'a pas démenti l'information, mais a simplement dit que  TGV ne se trouvait plus à l'ambassade de France. Maintenant, des soldats mutinés sont tout autour de sa maison à Ambatobe.”

Voici huit mois, Marc Ravalomanana avait  expulsé Gildas Le Lidec, l'ambassadeur de France à Madagascar. Il estimait que le diplomate “portait malheur”, par sa propension à se trouver dans des pays africains où des coups d'état et des assassinats avaient lieu…

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