Kurdistan : Création de l'Association arabe pour les droits des Kurdes

Une nouvelle initiative a été lancée le 1er juin par l’Alliance for Kurdish Rights (“Alliance pour les droits des Kurdes”), l’Arab Association for Kurdish Rights (“Association arabe pour les droits des Kurdes) [les liens de ce billet sont en anglais ; ce dernier également en arabe]. Le communiqué décrit ainsi cette organisation :

Nous sommes un groupe d'étudiants, de journalistes et de militants de différents pays arabes qui sommes motivés par le soutien des droits des Kurdes ainsi que par la conservation de l'histoire et de la culture kurdes. A cause des injustices subies à travers tout le Moyen-Orient, de nombreux Kurdes se sont installés dans les pays arabes voisins, où la plupart des communautés kurdes sont complètement isolées. Nous utilisons cette campagne non seulement pour attirer l'attention sur leurs souffrances, mais aussi pour développer la connaissance de la culture kurde et leur permettre d'être les porte-parole de leurs communautés.

L'Alliance pour les droits des Kurdes est un projet des militants de Mideast Youth, et l'auteur de ce billet s'est entretenue ce jour avec son directeur, Esra’a Al Shafei, au sujet de cette nouvelle entreprise.

Le lancement officiel de cette association arabe pour les droits des Kurdes a lieu aujourd'hui ?

Nous l'avons lacée sur Twitter hier soir, mais le publipostage est parti aujourd'hui. La réponse de la communauté kurde est d'ores et déjà fantastique.

Il y a quelques années, l'Alliance pour les droits des Kurdes a lancé une pétition en faveur des droits des Kurdes, en quoi cette nouvelle initiative est-elle différente ?

Cette pétition visait spécifiquement à débloquer trois sites web, et elle est venue des Moyen-Orientaux en général, par opposition aux Kurdes, mais aussi de Turcs et d'Iraniens. Ces trois sites web étaient des sites d'information kurdes de premier plan, dont les gens avaient beoin pour rester en contact avec leurs communautés et avec l'actualité kurde, qui n'est jamais couverte par la presse locale. Leur blocage était pour beaucoup une tragédie. Dans cette affaire, nous avons rencontré un grand nombre d'étudiants et de militants kurdes qui ont réellement ressenti le besoin de participer à la création de quelque chose de meilleur. L'Alliance pour les droits des kurdes a été créée il y a quelques années, mais elle a fait l'objet d'une cyber-attaque et nous avons perdu toutes nos données. Rappelez-vous, un drapeau turc a pris la place de la page d'index et nous n'avons pas pu en récupérer le contenu. Nous sommes partis de zéro et avons redémarré l'été dernier. Les participants étaient principalement des Kurdes. J'ai réuni un groupe d'Arabes et j'ai dit : «il faut qu'on les aide», mais d'une manière qui reconnaisse officiellement cette contribution… pour que les Kurdes puissent se rendre compte qu'il y a des Arabes qui croient en leurs droits.

Vous avez dit que la réaction kurde a été positive. Ont-ils mis leurs réactions en ligne sur la Toile ? Comment leur soutien s'est-il manifesté ?

Surtout par courriels. Nous avons de nombreux Kurdes destinataires de notre bulletin d'information, et ils répondaient au courriel en disant que c'était la première fois qu'ils voyaient des Arabes soutenir ainsi ouvertement les Kurdes. Il y a aussi eu ce commentaire : «Cette initiative mérite des remerciements. En tant que Kurde d'Irak, je salue chaleureusement cet énorme pas vers la reconnaissance des droits des Kurdes et l'effacement de décennies de répression et d'assimilation. Ceci va également améliorer les relations bilatérales entre les Kurdes et les Arabes, ainsi qu'avec les autres communautés. Bravo. En kurde, destan xosh.»

Les hackers turcs sont connus pour détruire les sites kurdes, je suppose que ce nouveau site va refaire de vous une cible. Etes-vous préparé à une nouvelle cyber-attaque ?

Oui, nous sommes prêts, nous faisons des sauvegardes quotidiennes et avons des serveurs beaucoup plus puissants qu'avant. Nous sommes maintenant sur un serveur dédié, et nous contrôlons notre journal à chaque erreur ou tentative suspecte d'attaque. Certes, ce ne sera pas facile, il n'y a pas de doute que les hackers essaient très vite de se montrer plus malins que vous. En 2007, chaque fois que nous relancions, les cyber-attaques se reprenaient, littéralement en l'espace de quelques heures ou de la journée. Nous n'avions personne pour nous aider à gérer cela. Nous ne nous rappelons pas ce qui était dit en turc, mais des amis turcs disaient que les inscriptions n'étaient évidemment pas aimables. Ce n'était pas l'affirmation nationaliste courante, comme «vive la Turquie», mais des trucs comparant les Kurdes à des animaux qu'il fallait «gazer à mort.» C'était il y a deux ans, mais ces inscriptions brutales nous ont rendus plus déterminés à poursuivre nos efforts.

Nous travaillons à présent à une page vidéo à contenu kurde, notre propre service vidéo kurde, pour archiver des vidéos kurdes, historiques, culturelles et autres. Je me suis toujours senti une responsabilité de m'exprimer en tant qu'Arabe en faveur des Kurdes. J'étais horrifié de l'absence d'attention et de sypathie pour eux dans le monde arabe. C'est qu'on parle d'une minorité qui a subi un génocide, de graves discriminations, des exécutions, des humiliations, le refus de la reconnaisance légale ou ethnique…

J'ai rencontré par le passé beaucoup de Kurdes qui demandaient toujours : «Où sont les voix arabes en notre faveur» ? Je n'avais pas de réponse, jusqu'à maintenant. Aussi, ce que j'espère réellement offrir, c'est une voix vraiment forte : une voix arabe en faveur des droits des Kurdes, une voix qui peut transformer la relation actuelle (ou son absence) entre Kurdes et Arabes. Je sais que c'est déjà en train de se faire. Les réactions de Kurdes de Syrie ou d'Irak disant des choses comme «J'ai une appréciation et un respect tout neufs pour les Arabes, même s'ils n'étaient pas tous responsables de nos souffrances.» Il y a eu des tensions racistes entre Kurdes et Arabes dans le passé. Nous répondons à des questions cruciales.

Avez-vous eu beaucoup de retour du côté arabe ? Et les Arabes qui ont réagi vivent-ils au Moyen-Orient ou dans la diaspora ?

Au Moyen-Orient, et surtout en Irak. Nous avons déjà quelques membres en Irak ; deux des articles ont été écrits par des Irakiens.

Comment ce dialogue a-t-il été mené entre ces groupes ?

Nous avons rassemblé des membres de 16 pays jusqu'à présent, pour servir en quelque sorte de «porte-parole». Leur tâche consiste à transmettre ce message aux communautés kurdes dans leurs pays. Il était difficile à contester pour beaucoup, car ils connaissent leur histoire. Comment peut-on justifier le génocide et des centaines de milliers de gens trouvant une mort tragique pendant des décennies ? Tous les Arabes que je connais se sont senti une profonde responsabilité de s'exprimer. C'était leur appel à se réveiller.

Vous encouragez donc les participants à aller dans leurs communautés locales pour prendre la parole ?

Tout à fait. Je veux qu'ils aillent trouver les communautés kurdes. Et comme Arabes, je veux qu'ils lèvent la main, expriment leur intérêt pour ce qu'ils sont, pour leur travail, qu'ils reconnaissent leur ethnicité, et qu'ils expriment leur volonté de coexistence.

Voilà absolument un premier pas, mais de la plus haute importance. Dans un monde parfait, comment aimeriez-vous voir ce projet se développer ?

Eh bien, je suis un grand fan des médias interactifs et dynamiques. Je veux voir des programmes [faits par des] Arabes qui discutent de problèmes kurdes, auxquels se joignent ensuite leurs amis kurdes, et pour cela distribuer des flip cameras qui rendent cela possible. Mais nous voulons aussi signaler que les Kurdes n'existent pas seulement dans les régions dont la plupart sont originaires, mais que beaucoup d'entre eux sont partis dans des pays voisins où ils sont tout autant ignorés et parfois discriminés.

Que diriez-vous de ce projet à ceux qui ne sont ni Arabes ni Kurdes ?

Qu'il y a des choses que nous sommes seuls, honnêtement, à pouvoir résoudre, en tant qu'habitants de cette région. Si un Kurde est maltraité dans un pays arabe, ou au nom des Arabes (forcé à renoncer à son ethnicité), qui a la responsabilité de se dresser contre cette injustice ? Nous, et personne d'autre.

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